06/12/2006
L’ABBE FRANCOIS-FERDINAND CHATEL
Sans le latin, la messe nous emmerde !
Georges Brassens
MISE A SAC DE L'ÉGLISE SAINT GERMAIN L'AUXERROIS
Il eut l'idée saugrenue d'organiser une procession à l'église Saint Germain l'Auxerrois qui se termina par le sac de l'archevêché ! Au numéro 45 de la rue Grenelle Saint-Honoré, il y a une maison sans apparence, reconnaissable par un long corridor. C'est "La Redoute", les lundis, jeudis et dimanches, c'est une salle de danse; les autres jours, elle était louée pour des spectacles d'amateurs, des conférences et plus particulièrement à des sociétés appartenant à la Franc-maçonnerie, occupée aussi par l'Ordre des Templiers. Châtel que les querelles maçonniques ne gênaient pas, fit des ouvertures au Grand Maître François de Spolette. Les abbés Auzou et Blachère qu'il avait enrôlé dans sa secte le proclamèrent Evêque-Primat de l'Eglise Universelle. Il prit son titre d'évêque très au sérieux, et chercha à le faire consacrer authentiquement. mais les autorités ecclésiastiques consultées lui refusèrent cette ordination. Depuis son arrivée à Paris, il s'était fait recevoir Franc-maçon. Il s'adressa alors au docteur Fabre-Palaprat, François de Spolette
grand maître des Templiers :
Altesse sérénissime
Très excellent seigneur,
Souverain pontife
Prince des apôtres
Très Saint Père.
qui prétendait avoir le pouvoir de lui conférer la qualité épiscopale, que voulait Châtel ? Etre évêque, que voulait le grand maître ? Etre pape ! :Châtel fut sacré Evêque coadjuteur des Gaules, son disciple Auzou nommé vicaire primatial. Il fallait maintenant trouver une église assez vaste pour recevoir le siège de l'archevêché ! Le bazar de la rue de Cléry fit l'affaire et la nouvelle église put s'installer et prospérer. Mais, voilà, Châtel ne tint pas les promesses qu'il avait faite aux Templiers, il fut jugé dégradé, son nom mis au pilori, dépouillé de tous ses ornements sacerdotaux et expulsé du bazar de la rue de Cléry.
Le voici en quête d'un nouveau toit, c'est sur les écuries des Pompes funèbres de la rue du faubourg Saint-Martin qu'il jeta son dévolu. Mais l'expérience aidant, il fit payer les chaises, les baptêmes, les mariages et les enterrements. De plus, il créa une société en commandite, à charge pour les actionnaires de participer aux charges et de récolter les bénéfices du culte. Par une constitution, il distribua le territoire de la France en évêchés et cures, il fixait les dates des synodes et des conciles. Sans oublier l'habit de l'évêque qui devait être rouge comme celui d'un cardinal.
Un banquet annuel avait lieu tous les ans Chez "Ragache", le cabaretier de la Barrière du Maine, il en coûtait 1 franc 25 par personne. A ,la fin du mauvais repas, Châtel allait vers chaque convive dire un mot agréable, plaisantant avec les hommes, souriant aux dames. Puis il monta à l'orchestre avec son disciple Riboulot, alors, commença un concert d'imprécation où l'Evangile se mêlait au socialisme. Pierre-Joseph Proudon avait écrit à Châtel :
"Voilà ce que dit l'esprit, le génie aux ailes de flamme, qui veille aux destinées de la France (...)je t'ai fait prêtre de la canaille, afin que tu serves d'exemple aux ambitieux, aux charlatans. Tu as été la première dupe, dupe de ton orgueil et de ton ignorance (...) Tes mascarades font pitié, tes scandales soulèvent le dégout, . Tu le sais et tu t'obstine(...) plus ton coeur est abîmé, et plus je sens redoubler ma joie"
La biblithèque consultée par Champfleury contenait des ouvrages de Voltaire dépareillés, du Saint Simonnien Buchez, de Cabet, Lamenais etc... Puis il fut contraint d'abandonner à la suite d'une condamnation pour outrage aux bonnes moeurs à l'église du faubourg Saint Martin. Il obtint pour vivre un poste dans l'administration des postes.
La révolution de 1848 lui redonna un peu d'espoir, il fréquenta plusieurs clubs où son éloquence fut applaudie. Au club des femmes d'Eugénie Niboyet il prononça un vibrant discours contre le célibat des prêtres, pour le rétablissement du divorce, et pour l'émancipation des femmes.....Dans ses dernières années, il vécut d'un petit commerce d'épicerie.
Quelques villes dans lesquelles le schisme de l'abbé Châtel fut reçu : L’église française est établie à Lannecorbin, canton de Galaut arrondissement de Tarbes(Hautes-Pyrénées) ; à la Chapelle St-Sépulcre, près Montargis (Loiret) ; à Roche-sur-Rognon et Bettaincour (Haute-Marne) ; à Villefavart près Limoges (Haute-Vienne), à Paris, Clichy-la-Garenne et Boulogne (SeineSeine) ; à SaintprixSaintprix et Ermont dans la vallée de Montmorency Elle est demandée à Bourges à Nantes et dans d’autres départements.
Où il est question de l'Abbé Châtel dans les "Mémoires d'Alexandre Dumas" MEMOIRES_Dumas_abbe_Chatel_Casimir_Delavigne_02.pdf
15:30 Publié dans Un abbé pas très orthodoxe ! | Tags : Buchez, Abbé Châtel, Alexandre Dumas, Fanny Loriot, Pierre Carlier, préfet de police, Rossini | Lien permanent | Commentaires (1) | | | | Digg
AU SOLEIL D'OR
AU SOLEIL D'OR DE LA PLACE DE Ll'ECOLE
10:20 Publié dans Le marchand de vin de la place de l'Ecole | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
AU SOLEIL D'OR A LA COUR DES MIRACLES
00:10 Publié dans AUBERGES ET CABARETS. | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
05/12/2006
LE MUSEE GREVIN
Quand vers 1880 Arthur Meyer décide de créer un musée de cire, il entreprend de monter une société anonyme au capital d’un million de francs que des amis vont compléter les fonds qui manquaient au directeur du Gaulois. C-est l’architecte Esnault-Peelterie qui sera chargé de la construction du musée et des annexes pour les ateliers de sculpture de moulage et de confection.. Ne tenant pas à donner son nom à cet établissement, le conseil d’administration décide de donner le nom d’un artiste connu du moment, pas très compétent bien sûr, mais peu importe, on lui adjoint un adjoint. Après bien des chicanes, assignations procès, une réunion de conciliation permet un accord, et le 29 août 1883, Alfred Grévin fut nommé Président de la Société du Musée
Le journal « le Moniteur » raconte : --. Le jour de l’inauguration, le Tout-Paris se presse autour d’Alfred Grévin qui pose en plastronnant, debout, un crayon à la main, appuyé sur une console, le béret enfoncé sur la tête en arrière »
Le théâtre de cire renaît. Tout le monde se souvient de Curtz anatomiste bernois dit Curtius le précurseur au Palais Royal (en 1770), puis boulevard du Temple qui s’était fait la spécialité macabre des guillotinés de la Révolution. Sa fille adoptive Marie Gresholtz qui pendant la révolution reçu les grands hommes et moula leur visage. Ainsi, Fouqier- Tinville, Mirabeau, Robespierre Collot d'Herbois se prêtèrent de bonne grâce à ces empruntes.
Elle obtint l'autorisation de recueillir les têtes des guillotinés, dont celles de Louis XVI et de Marie-Antoinette On lui accorde de prendre l'empreinte de Marat mort....Toutes ces figures se retouvent aujourd'hui à Londres. Curtius mort, elle hérite de tous ses biens.En 1795 elle épouse un M.Tussaud. Elle part pour Londres où elle emporte tout son matériel et ouvre dans Baker Street le musée Tussaud. Morte en 1850, sa statue de cire continue d'accueilir les visiteurs. Mais la "Maison de la figure de cire" est complètement oubliée. C'était sur les Champs-Elysées une petite échoppe où, pour attirer le chaland, une femme cul-de-jatte, montée sur un piédestal, dansait la polka ! A l'entrée, un rideau rouge monté sur un rail métallique qu'il fallait écarter pour pouvoir pénétrer pour pouvoir regarder une femme de cire avec des yeux qui roulaient, et de l'autre côté, un criminel en habit noir tendait les bras de façon à inviter le public de pénétrer plus avant dans le bouge.
En 1865, dans le passage de l'Opéra, un musée de cire, le musée Hartkoff s'ouvre dans la salle Beethoven. C'était un musée géologique, ethnologique, et anatomiste, la phrénologie étant à la mode. C'est le professeur Shwartz de Stockolm qui avait opéré tous les moulages.
17:55 Publié dans Le successeur de CURTIUS | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
Les inventeurs de la photographie
11:45 Publié dans Une histoire très compliquée | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
04/12/2006
JEAN-JOSEPH VADE
L’inventeur du langage poissard
Par Bernard Vassor
Note de l’auteur (Vadé):
Il faut pour l’agrément de ce genre de langage,
avoir l’attention de parler d’un ton enroué,
lorsque l’on contrefait la voix des acteurs :
celle des actrices doit être imitée par une inflexion
poissarde et traînant à la fin de chaque phrase.
Jean-Joseph est né non pas en 1720 comme le prétendent toujours les historiographes, mais, comme en témoigne Le registre des actes de baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse Saint-Pierre de Ham :
-- Le 19 janvier 1719 est né de légitime mariage et le lendemain baptisé Jean-Joseph fils de Jacques Vadé et d’Anne La Carrière. Le parrain fut Joseph Gomard, la marreine Jeanne La Carrière, tante de l’enfant, lesquels ont signé et mis leurs marques les mesmes jours et an….
Le père, Jacques Vadé était originaire d’un petit village, Villiers-Saint-Christophe, où il s’était marié. Il était venu à Ham s’établir cabaretier. Le milieu dans lequel vécu le petit Jean-Joseph, ne fut pas sans influence sur l’esprit du futur chansonnier… La famille vint s'établir à Paris vers 1725. Après de brèves études il fut pourvu d'un emploi "dans les finances" à Sois, à Laon, puis à Rouen. Rappelé à Paris,il obtint une sinécure qui lui permit de consacrer tout son temps à l'écriture. Sa littérature grivoise , fit de lui un auteur recherché dans la bonne société parisienne, mais aussi de solides inimitiés. Voltaire qui ne lui pardonna pas son intimité avec son ennemi Fréron saisit toutes les occasions d'accabler Vadé qui fut l'inventeur du qualificatif un peu courtisan pour Louis XV de Bien-aimé. --"Un polisson nommé Vadé, imagina ce titre (de Bien-aimé) que les almanachs prodiguèrent" Voltaire dans ses Mémoires
A la suite d'une maladie que l'on dit pudiquement de la vessie, un chirurgien tenta une opératin qui provoqua une hémorragie à laquelle il succomba en 1757
LA PIPE CASSEE
CHANT II
Voir Paris, sans voir la Courtille,
Où le peuple joyeux fourmille,
Sans fréquenter les Porcherons,
Le rendez-vous des bons lurons,
Cest voir Rome sans voir le Pape.
Ainsi ceux à qui rien n'échappe,
Quittent souvent le Luxembourg,
Pour jouir dans quelque faubourg,
Du spectacle de la guinguette.
Courtille, Porcherons Vill,
C'est chez vous que puisant ces vers,
Je trouve des tableaux divers.,
SOIREES DE HALLES
(petit extrait)
Margot,-- Parle donc , hai, beau morceau, si tu nous accoste pour nous dire des sottises en magnière d'injures, ça s'gâtera Coco.
Coco-- Pernez donc garde ! Faut-y pas prendre des mitaines pampine, figure à chien, cul pourri, tête de singe, matelas d'invalide, tu voudrois m' faire aller, mais ta colle, ça prend pas.
Margot -- Ah ! hai ! r'gardez-l'donc c'tariau, comme il est bien biau l'monsieu coupe-jarret, echappé d'Bicètre, morciau d'viande mal accroché, cadavrepestiféré, coeur de citrouille, fricassé dans la neige, recureur d'puits où lon met la fricassée, t'as la gueule morte, avec ta mine de p'lure d'oignon, ton nez resemble à un cul d'jument.
Coco -- A qui r'ssembl'tu, toi, charogne échappée d'la bouch'rie d'l'écaryeux chassieux, pucelle de la rue Maubuée, magnieuse de tuyaux d'pipes, voieirie ambulante, pourriture pestiférée(..)paillasse de corps-de-garde, chiffon ramassé dans les latrines (...)
11:15 Publié dans Les écrivains | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
03/12/2006
JAPONAISERIES
BLOC NOTE :
Dans le désordre : les premiers amateurs en France
Charles Baudelaire, Philippe Burty (qui a inventé le mot japonisme) Les Goncourt, qui prétendent avoir été les premiers.
Le magasin Bing rue Martel puis 19 rue Chauchat, Hayashi Tadamassa rue de la Victoire, les Sichel rue Pigalle. Madame Langweil place Saint Georges. Champfleury, de toutes les coteries
magasin : des boutiques de produits extrême-orientaux existaient à Paris en 1855, particulièrement La Porte Chinoise, fondée sous la Restauration ; mais on n'y voit apparaître des produits japonais qu'à partir de 1860. Ce n'est pas la Porte Chinoise, mais la boutique de curiosités de M. et Mme Desoye que Champfleury évoque ici, boutique qui fut bien le lieu de réunion de la coterie dont il faisait partie. Les plus fanatiques connaissaient d'autres adresses, particulièrement celle de la Porte Chinoise, située dans le même quartier, 33 rue Vivienne. Le 8 juin 1861, le Journal des Goncourt contient cette indication : "J'ai acheté l'autre jour à la Porte Chinoise des dessins japonais, imprimés sur du papier qui ressemble à une étoffe, qui a le moelleux et l'élastique d'une laine. Je n'ai rien vu de si prestigieux, de si fantastique, de si admirable et poétique comme art...
LA MODE DES JAPONIAISERIES
C.-Y La Vie Parisienne, 21 novembre 1868
La dernière [originalité] qui doit être signalée est l'ouverture de l'atelier japonais d'un jeune peintre assez richement doté par la fortune pour s'offrir un petit hôtel dans les Champs-Elysées. Il faut dire un mot d'abord de l'intervention japonaise en art et comment ces produits d'une civilisation singulière pénétrèrent dans Paris.
Tout le monde ne peut connaître l'influence de Madame D... dite la Japonaise.
Il y a une dizaine d'années fut ouverte dans les environs des Tuileries une petite boutique mais voyante pour les colorations bizarres de l'étalage.
Un poète qui par-dessus tout, avait l'amour des vives colorations, s'arrêta longuement devant la montre, jeta un coup d'oeil curieux dans la boutique, y remarqua une beauté que la solitude ne paraissait pas distraire énormément. Ce poète bizarre, l'homme du monde, avait l'art de se créer tout d'abord des sympathies dans les endroits où il posait le pied. Il entra, feuilleta les albums japonais, s'assit, entama une conversation avec la marchande ennuyée, s'éventa avec les éventails, fuma une cigarette d'horrible tabac japonais, et s'en revint en chantant le Japon sur tous les tons.
Ce poète capricieux inventa chaque année quelques bizarrerie pour s'en amuser pendant quelques mois ; mais alors son enthousiasme prenait le caractère d'une obsession, et tout le temps que durait sa manie, il l'imposait à ses amis. Il devint ainsi la trompette de la marchande d'objets japonais ; ce fut tant que l'ennui de la dame disparut, les amis du poète ne quittant plus la petite boutique et sortant rarement de l'endroit sans en emporter quelque curiosité.
Les après-midi s'écoulèrent en dissertations sur l'art japonais, auxquelles se mêlèrent quelques compliments pour la dame. Parmi les initiés un jeune peintre américain se faisait surtout remarquer pour ses dépenses ; il n'était pas de jour qu'il ne s'offrit quelque laque, quelque bronze, quelque riche robe japonaise.
L'Américain avait son atelier à Londres, on le voyait chez "la japonaise" aussi souvent que s'il eût demeuré à Neuilly ; meubles et cabinets, il les expédiait en Angleterre avec la même facilité que s'il les eût confiés aux crochets d'un commissionnaire du coin de la rue.
Les prêches du poète, les achats du peintre furent résumés en des peintures franco-américaines si bizarres qu'elles troublèrent les yeux des gens assez naïfs pour rechercher les fonctions de jurés aux expositions de peinture : comme ces colorations étaient distinguées et nouvelles, on leur ferma les portes au nez. Peut-être quelques-uns les ont-ils remarquées dans les salles des Refusés. Le résultat fut celui-ci : le Japon contesté fit école.
De même qu'il y a eu en 1820 des avalanches de pifferaro en peinture, des déluges de Grecs et de Turcs en 1828, des Bretons en assez grande quantité vers 1840 pour peupler la Bretagne, des joueurs d'échecs si nombreux, de 1840 à 1850, qu'ils pouvaient lutter avec les bataillons de zouaves qui firent irruption aux Salons de la même époque ; aujourd'hui nous sommes menacés d'une invasion japonaise en peinture.
L'imitation est un fauteuil commode.
L'atelier japonais des Champs-Élysées, que les princes et princesses visitent à l'heure actuelle est "un signe du temps" dirait Prudhomme.
Toutes sortes de jeunes dames seront attifées de robes japonaises, comme cela s'est déjà vu à la montre de l'honnête maison Giroux, qui ne croyait pas faire naître un scandale sur le boulevard par cette exhibition.
Déjà même de prétendus peintres de la vie élégante nous fatiguent de leurs cabinets japonais, de leurs fleurs japonaises de leurs laques et de leurs bronzes japonais qui prennent la place principale sur la toile et jouent un rôle bien autrement considérable que les personnages.
En avons-nous déjà assez vu de ces soubrettes élégantes qui, cachant un billet dans la main, se préparent à entrer dans la pièce voisine où de nombreuses précautions doivent être prises pour la remise du billet doux... Ce petit drame amoureux m'intéresse. Il y a sans doute un jaloux dans la chambre à côté. Le jaloux est une mandragore japonaise en bronze qui fait vis-à-vis à des fleurs japonaises. Il paraît que la mandragore ne doit point avoir connaissance du billet.
Les amateurs trouvent ce drame ravissant, et l'achètent quelques billets de mille au peintre de la vie élégante.
La vente est connue dans Paris. Cinquante peintres suivront les traces de l'heureux initiateur qui a eu l'idée d'employer des objets du Japon, comme dans les théâtres de province un dialogue vif et animé remplace la musique.
« Japoniaiseries »
LA DÉCOUVERTE D'HOKOUSAI
paru dans Le Musée secret de la caricature, Paris, 1888, pp.187-201
... Il était réservé au Paris d'il y a vingt-cinq ans de se prononcer sur l'oeuvre d'un mettre capricieux [...] que les artistes adoptèrent pour ainsi dire. Vers 1855, quelques peintres et poètes, toujours en quête de nouveautés, firent la fortune d'un magasin aussi bien fourni en étoffes et en bronzes japonais qu'en albums et en feuilles volantes aux colorations pleines de saveur. Il existera toujours dans le monde parisien un petit groupe de chercheurs d'imprévu, doués d'une vue qui pénètre plus loin que la vue de la foule... De ce petit groupe s'échappa le rayonnement d'Hokou-Saï, un véritable artiste ; d'autres, plus réservés, sourirent un peu en voyant l'admiration pour des cahiers de croquis auxquels, disaient-ils, à Tokio on n'attachait peut-être qu'une médiocre valeur... La série des divers albums d'Hokou-Saï dont personne alors ne pouvait traduire les titres non plus que les courtes et rares légendes, fut à cette époque étudiée par un esprit curieux des secrets de tous les arts, mon ami Frédéric Villot, qui dépensait sa fortune en études de toute nature, et jeune encore je fus initié à la campagne qui se préparait par la communication de romans japonais qu'un dilettante faisait traduire pour sa propre jouissance.
Ce sont ces coteries du Paris intellectuel qu'il faut connaître pour se tenir au courant des recherches ; là je puisai les premiers renseignements qui, répondant bien à mes goûts, me permirent de donner dès 1869, sur l'oeuvre d'Hokou-Saï, quelques notes dont on me permettra de transcrire un extrait, car, quoique datés de près de vingt ans, mes sentiments ne se sont guère modifiés depuis lors.
« La plupart des vignettes japonaises reproduites dans ce volume, disais-je, sont tirées des cahiers de croquis d'un dessinateur merveilleux qui mourut, il y a environ cinquante ans, au Japon, laissant une grande quantité d'albums dont la principale série composée de quatorze cahiers, excita lors de son introduction à Paris, une noble émulation parmi les artistes. « Ce peintre appelé Fo-Kou-Saï, et qui est plus populaire sous le nom de Hokou-Saï, a plus fait pour nous rendre facile la connaissance du Japon que les voyageurs et les professeurs de japonais qui ne savent par le japonais [... ]
L'époque actuelle compte un certain nombre de très brillants écrivains qui veulent être admirés pour le précieux de leurs écrits. Ils se proclament volontiers des initiateurs en toutes choses et font savoir au public qu'ils ont découvert le Japon ; oui, eux tout seuls vraiment, à les en croire, ont enfoncé les portes de cet empire fermé jusque-là. J'ai montré qu'à M. Frédéric Villot et à quelques-uns de ses amis était due la popularité des peintres japonais. Depuis, il ne me coûte en rien de le reconnaître, on est entré plus avant dans l'ordre des connaissances japonaises et, pour ce qui touche plus particulièrement Hokou-Saï, on le doit en partie à M. Th. Duret, compagnon de voyage de M. Cernuschi [... ]
À quoi bon aller au japon pour en rapporter des déconvenues d'idéal, comme il arrive souvent aux gens de trop d'imagination ? Ces croquis précis passent de l'hiver à l'été, des grands tapis de verdure aux neiges épaisses ; ils transportent le curieux au pied des plus hautes montagnes dans les ports de mer, au bord des flots agités, sous des nuages menaçants qui font trembler pour le retour des barques de pêcheurs à l'horizon. Les croyances religieuses, les superstitions du peuple japonais, y sont figurées par d'imprévues représentations de divinités bouddhiques singulières ; plus fantastiques encore, ces guerriers, ces monstres légendaires, ces princesses persécutées qui semblent appartenir au domaine de noirs mélodrames [... ]
Veut-on voir le peuple de la ville à ses plaisirs, les populations rurales à leurs travaux ? C'est dans les croquis du peintre qu'on les surprend dans la variété de leur condition [...] Hokousai mourut à Tokio en 1849, âgé de quatre-vingt-neuf ans.
Il avait été dans le long parcours de sa vie le contemporain de Goya, de Rowlandson, de Daumier. Ces trois noms coulent de ma plume, amenés par de secrètes analogies avec les puissants satiriques que le Japonais ne connut certainement pas. Mais de certains courants existent dans une même époque qui relient les nations et les hommes. Le Japon n'est pas entré tout à coup au demi-siècle dans les voies de la civilisation européenne sans avoir écouté antérieurement de multiples appels de lumières et de progrès.
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LA MODE DES JAPONIAISERIES
signé C.-Y. et paru dans La Vie parisienne, 21 nov. 1868, pp.862-863
La dernière [originalité] qui doit être signalée est l'ouverture de l'atelier japonais d'un jeune peintre assez richement doté par la fortune pour s'offrir un petit hôtel dans les Champs-Elysées.
Il faut dire un mot d'abord de l'intervention japonaise en art et comment ces produits d'une civilisation singulière pénétrèrent dans Paris.
Tout le monde ne peut connaître l'influence de Madame D... dite la Japonaise.
Il y a une dizaine d'années fut ouverte dans les environs des Tuileries une petite boutique mais voyante pour les colorations bizarres de l'étalage.
Un poète qui par-dessus tout, avait l'amour des vives colorations, s'arrêta longuement devant la montre, jeta un coup d'oeil curieux dans la boutique, y remarqua une beauté que la solitude ne paraissait pas distraire énormément. Ce poète bizarre, l'homme du monde, avait l'art de se créer tout d'abord des sympathies dans les endroits où il posait le pied. Il entra, feuilleta les albums japonais, s'assit, entama une conversation avec la marchande ennuyée, s'éventa avec les éventails, fuma une cigarette d'horrible tabac japonais, et s'en revint en chantant le Japon sur tous les tons.
Ce poète capricieux inventa chaque année quelques bizarrerie pour s'en amuser pendant quelques mois ; mais alors son enthousiasme prenait le caractère d'une obsession, et tout le temps que durait sa manie, il l'imposait à ses amis. Il devint ainsi la trompette de la marchande d'objets japonais ; ce fut tant que l'ennui de la dame disparut, les amis du poète ne quittant plus la petite boutique et sortant rarement de l'endroit sans en emporter quelque curiosité.
Les après-midi s'écoulèrent en dissertations sur l'art japonais, auxquelles se mêlèrent quelques compliments pour la dame. Parmi les initiés un jeune peintre américainse faisait surtout remarquer pour ses dépenses ; il n'était pas de jour qu'il ne s'offrit quelque laque, quelque bronze, quelque riche robe japonaise.
L'Américain avait son atelier à Londres, on le voyait chez "la japonaise" aussi souvent que s'il eût demeuré à Neuilly ; meubles et cabinets, il les expédiait en Angleterre avec la même facilité que s'il les eût confiés aux crochets d'un commissionnaire du coin de la rue.
Les prêches du poète, les achats du peintre furent résumés en des peintures franco-américaines si bizarres qu'elles troublèrent les yeux des gens assez naïfs pour rechercher les fonctions de jurés aux expositions de peinture : comme ces colorations étaient distinguées et nouvelles, on leur ferma les portes au nez. Peut-être quelques-uns les ont-ils remarquées dans les salles des Refusés. Le résultat fut celui-ci : le Japon contesté fit école.
De même qu'il y a eu en 1820 des avalanches de pifferaro en peinture, des déluges de Grecs et de Turcs en 1828, des Bretons en assez grande quantité vers 1840 pour peupler la Bretagne, des joueurs d'échecs si nombreux, de 1840 à 1850, qu'ils pouvaient lutter avec les bataillons de zouaves qui firent irruption aux Salons de la même époque ; aujourd'hui nous sommes menacés d'une invasion japonaise en peinture.
L'imitation est un fauteuil commode.
L'atelier japonais des Champs-Élysées, que les princes et princesses visitent à l'heure actuelle est "un signe du temps" dirait Prudhomme.
Toutes sortes de jeunes dames seront attifées de robes japonaises, comme cela s'est déjà vu à la montre de l'honnête maison Giroux, qui ne croyait pas faire naître un scandale sur le boulevard par cette exhibition.
Déjà même de prétendus peintres de la vie élégante nous fatiguent de leurs cabinets japonais, de leurs fleurs japonaises de leurs laques et de leurs bronzes japonais qui prennent la place principale sur la toile et jouent un rôle bien autrement considérable que les personnages.
En avons-nous déjà assez vu de ces soubrettes élégantes qui, cachant un billet dans la main, se préparent à entrer dans la pièce voisine où de nombreuses précautions doivent être prises pour la remise du billet doux... Ce petit drame amoureux m'intéresse. Il y a sans doute un jaloux dans la chambre à côté. Le jaloux est une mandragore japonaise en bronze qui fait vis-à-vis à des fleurs japonaises. Il paraît que la mandragore ne doit point avoir connaissance du billet.
Les amateurs trouvent ce drame ravissant, et l'achètent quelques billets de mille au peintre de la vie élégante.
La vente est connue dans Paris. Cinquante peintres suivront les traces de l'heureux initiateur qui a eu l'idée d'employer des objets du Japon, comme dans les théâtres de province un dialogue vif et animé remplace la musique.
08:55 Publié dans Quelques articles sur le japonisme | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
02/12/2006
mise à jour le 20 février 2008
On abusa de sa célébrité pour publier une brochure portant son nom intitulée :
CE QUE JE PENSE D'HENRIETTE MARECHAL
DE SA PREFACE
ET DU THEATRE DE MON TEMPS
PAR PIPE-EN-BOIS
LIBRAIRIE CENTRALE
1866
Un grand in-octavo de 27 pages
Il désavoua publiquement cette brochure, mais d'autres placards affiches prospectus étaient proposés au public qui achetait aux crieurs, pourvu que le nom de Pipe-en-Bois figure sur l'imprimé.
Ce qui n'empêcha pas d'autres brochures comme celle-ci :
MON OPINION VRAIE
SUR
HENRIETTE MARECHAL
PAR
ACHILLE PIPE-EN-BOIS
La carrière de Georges Cavalier ne se borna pas à siffler, Gambettiste, il joua un rôle important pendant la République du 4 septembre, puis pendant la Commune de Paris.
18:05 Publié dans HISTOIRE ANECDOTIQUE | Tags : princesse mathilde, debureau, jules vallès, edmond about, georges cavalier | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
30/11/2006
Une exposition insolite dans une rue et une galerie insolite.
Au Bonheur du Jour
Pour une exposition Paris Interlope
01 42 96 58 64
75002
On peut y découvrir le Paris des cabarets, des maisons closes, des photographies en tirages originaux de Brassaï,Doisneau, Zucca, Umbo, Koruna, Serge Jacques, Jean-Marie Marcel, de Montmartre à Montparnasse en passant par Saint Germain des Prés, des archives inédites, des grands formats de trvestis célèbres dans le monde entier, les photos de la première «Rose Rouge » rue de la Harpe et la mémoire des maisons décrites par Maupassant (La Maison Tellier), les Goncourt (La Fille Elisa), Jean Lorrain dont on va célébrer le centenaire de la mort et rééditer sous peu (avec une préface de Noëlle Benhamou) La Maison Philibert, et, plus près de nous, Francis Carco(Jésus la Caille)le proxénète homosexuel et de Raymond Queneau : (Zazie dans le métro) Bref, le Paris interdit du XIX° siècle aux années 1960.
Situé juste en face de l'ancien lupanar célèbre "Le Chabanais "
La rue Chabanais
L’ouverture de cette rue date de 1774, ouverte aux frais de Claude-Théophile-Gilbert de Colbert, marquis de Chabanais. Cette rue formait un rectangle en partant de la rue Neuve des Petits Champs pour rejoindre la rue Sainte Anne ; mais les propriétaires riverains ouvrirent une souscription en 1838 pour subvenir à la dépense d’un percement après qu’elle fut couverte. Ainsi se prolongea jusqu’à la place Louvois, l’une des deux branches de la rue en équerre pendant que l’autre entre les rues Chabanais et Sainte-Anne prenait le nom du compositeur Chérubini. Deux architectes Delescluse et Périac ont entrepris la construction de presque toute la rue Chabanais. Au numéro 2 Marie-Joseph Chénier fréquentait madame Vestris qui fut peinte par Delescluse qui habitait alors les numéros 1 et 4 de cette rue.
Le boudoir de madame Vestris fut le cabinet de l’éditeur Ladvocat qui publia « le livre des Cent-et-Un » dont la liste des auteurs aujourd’hui immortels prendraient trop de place dans ce petit article.. Il fut aussi l’éditeur de Flora Tristan qui résida au numéro 7. Charles Fourier était même descendu là de sa mansarde du chevet de l’église Saint Pierre à Montmartre pour rencontrer la « Femme messie » qui malheureusement était absente ce jour là. C’est également à cette adresse que Sébastien-Roch-Nicholas dit Chamfort sur le point d’être arrêté, il se tira un coup de pistolet, bléssé grièvement, on le transporta à la prison des Madelonnettes où il mourut quelques jours plus tard le 13 avril 1794.
Nous voici maintenant au numéro 11 où le général Pichegru chef de l'émigration fut arrêté le 26 février 1804. Il avait été vendu 100 000 écus par un ami qui l'hébergeait. Après un combat acharné avec les policiers venus l'interpeler, il est conduit à la prison du Temple, nu, et les pieds et poings liés. Il fut retrouvé mort le 6 avril 1804 dans sa cellule, étranglé par sa cravate de soie noire. La thèse officielle conclua au suicide...A suivre....
15:35 Publié dans Au Bonheur du Jour | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
29/11/2006
MARY CASSATT
08:48 Publié dans Les peintres | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
28/11/2006
LE CAFE DE LA MORT
C'est l'attentat de la rue Saint Nicaise contre Bonaparte, qui avait empêché la reconstruction des maisons endomagées de l'enceinte du Louvre. Le quartier ressemblait à un fantomatique tableau d'Hubert Robert.
"Seul, l'hôtel de Nantes resté intact, se dressait comme unequille, génait la traversée de la place et semblait narguer le roi Louis Philippe" disait le baron Haussmann. Sur la façade, on pouvait lire :HOTEL DE NANTES MEUBLE, et sur la devanture au rez-de-chaussée, CAFE ESTAMINET. Mais il n'était connu dans Paris que sous le nom de CAFE DE LA MORT.
C'est sans doute en raison de l'impact de balles sur les murs extérieurs, résultat d'émeutes de 1830 ou 1832.
C'est là que Stendhal qui était tombé frappé d'appolexie rue Neuve des Capucines le 22 mars 1842 à 7 heures du soir fut transporté dans son appartement de l'hôtel de Nantes y trouva la mort. Il désirait être conduit directement au cimetière. Son ami Colomb le fit quand même passer par l'église de l'Assomption avant de le conduire au cimetière Montmartre. Seules trois personnes avaient suivi le cortège, Colomb, Mérimée, et...la comtesse Clara Gazul !!!
Sur le plan, à gauche, la deuxième petite rue en partant du Haut du plan etait la rue et l'impasse du Doyenné.....
La place du Carrousel se trouve au centre.
14:05 Publié dans L'estaminet de la place du Carrousel | Lien permanent | Commentaires (2) | | | | Digg
PAUL NIQUET
Le repaire des "ravageurs"
(article déjà publié en partie sur le site Terres d'écrivains le 5 janvier 2006)
Nous ne connaissons pas la date de naissance de Paul Niquet mort en 1863. Ce que nous savons c'est que son échoppe était déjà réputé sous l'empire pour ses cerises à l'eau de vie. Il était installé au 26 rue aux Fers :La rue aux Fers, rue Berger aujourd'hui, commençait rue Saint-Denis, n°89, finissait aux rues de la Lingerie et rue du Marché-aux-Poirées n°2. Elle n’avait pas de numéro impair, ce côté étant bordé par l’ancien cimetière devenu le marché des Innocents. Le dernier numéro pair était le 50.
Monsieur Niquet ne vendait que très peu de vin, c'était surtout "le Casse-poitrine, la Jaune, la Blanche, le Fil-en-quatre, la Consolation, le Chien-tout-pur, l'Eau-d'aff, et le verre à un sou"
Ce repaire, paradis des "ravageurs" des malfaiteurs de tout poil,, de vagabonds de mendiants était le réceptacle de toute la pègre du quartier des Halles.
Quelques "invertis" célèbres fréquentaient l'établissement, comme la célèbre Marie-Stuart, et "L'instar de Lyon", (?)le pâtissier de la rue de Richelieu. Des "femmes poivrières" des voleurs, des assassins et quelques indicateurs de policice complétaient cette joyeuse clientèle. Le tenancier qui succéda au créateur vers 1835 était un certain Etienne Salle, voyou et indicateur de police comme il se doit. Une allée ayant accès sur la rue aux Fers, étroite et mal éclairée, conduisait à l’intérieur d’une immense salle rectangulaire, garnie de tables scellées dans le sol, et tout autour des cabinets de quatre, huit ou dix consommateurs. Trois cents personnes environ fréquentaient chaque soir ce lieu de perdition. C’étaient des hommes à l’œil sanguinaire, des femmes perdues, couvertes de guenilles, cherchant à exciter, par la licence de leurs regards, l’attention des personnes à côté d’elles. Tout ce monde chantait buvait, mangeait, chantait, criait se querellait et s’injuriait.
Devenu une curiosité parisienne, le cabaret de Paul Niquet attirait une foule de gens comme il faut venus s'encanailler. Le patron avait aménagé deux ou trois cabinets pourvus d’épais rideaux, de manière que l’on puisse assister à l’abri au spectacle de la lie de Paris. L’ami de Baudelaire, le roi de la bohème parisienne, Privat d’Anglemont, donne dans "Les Oiseaux de Nuit" le récit suivant :
« On pénétrait dans l’établissement par une allée étroite, longue et humide.
Son pavé était le même que celui de la rue, un grès de Fontainebleau, mais tellement piétiné par les nombreux clients, qu’il était plus boueux plus fatigué que les pavés de la rue Saint-Martin ou Saint-Denis.
Ceux des habitués qui avaient des hottes (les chiffonniers), les déposaient le long de ces murs avant de pénétrer dans la salle principale...
Cette salle était simplement un hangar sur lequel on avait posé un vitrage. Elle était meublée de deux comptoirs en étain où se débitait cette eau-de-vie terrible qu’on appelait « le casse poitrine ».
Ces comptoirs lourds et massifs étaient chargés de brocs, de bouteilles et de fioles de touts formes. On voyait écrit sur certaines : « Parfait Amour », la « liqueur des Braves », il y avait aussi « les délices des Dames », un breuvage à faire prendre feu avec une allumette aux lèvres des consommatrices, et surtout « Le Petit Lait d’Henri IV » un effroyable mélange de cassis et de trois-six. Par un passage étroit, on arrivait à une petite salle derrière le comptoir ; C’était le salon de conversation, un lieu d’asile réservé uniquement aux initiés. _Trois longues tables et des bancs de bois en composaient le mobilier, les murs étaient blanchis à la chaux. L’architecture de ce bouge était bossue, tordue, renfrognée.
Dès la porte passée, on était saisi à la gorge par une odeur fade, chaude, nauséabonde, imprégné de miasmes humides qui soulevaient le cœur, c’était une puanteur qui est particulière à cette société immonde »...
Gérad de Nerval en donne la description suivante, chapitre XV "Les nuits d'octobre" :
XV. Paul Niquet Le souper fait, nous allâmes prendre le café et le pousse-café à l'établissement célèbre de Paul Niquet. - Il y a là évidemment moins de millionnaires que chez Baratte... Les murs, très élevés et surmontés d'un vitrage, sont entièrement nus. Les pieds posent sur des dalles humides. Un comptoir immense partage en deux la salle, et sept ou huit chiffonnières, habituées de l'endroit, font tapisserie sur un banc opposé au comptoir. Le fond est occupé par une foule assez mêlée, où les disputes ne sont pas rares. Comme on ne peut pas à tout moment aller chercher la garde, - le vieux Niquet, si célèbre sous l'Empire par ses cerises à l'eau-de-vie, avait fait établir des conduits d'eau très utiles dans le cas d'une rixe violente.
On les lâche de plusieurs points de la salle sur les combattants, et, si cela ni les calme pas, on lève un certain appareil qui bouche hermétiquement l'issue. Alors, l'eau monte, et les plus furieux demandent grâce; c'est du moins ce qui se passait autrefois.
Mon compagnon m'avertit qu'il fallait payer une tournée aux chiffonnières pour se faire un parti dans l'établissement en cas de dispute. C'est, du reste, l'usage pour les gens mis en bourgeois. Ensuite vous pouvez vous livrer sans crainte aux charmes de la société. Vous avez conquis la faveur des dames.
Une des chiffonnières demanda de l'eau-de-vie.
- Tu sais bien que ça t'est défendu! répondit le garçon limonadier.
- Eh bien, alors, un petit verjus! mon amour de Polyte! Tu es si gentil avec tes beaux yeux noirs... Ah! si j'étais encore... ce que j'ai été!
Sa main tremblante laissa échapper le petit verre plein de grains de verjus à l'eau-de-vie, que l'on ramassa aussitôt; - les petits verres chez Paul Niquet sont épais comme des bouchons de carafe: ils rebondissent, et la liqueur seule est perdue.
- Un autre verjus! dit mon ami.
- Toi, t'es bien zentil aussi, mon p'tit fy, lui dit la chiffonnière; tu me happelle le p'tit Ba'as (Barras) qu'était si zentil, si zentil, avec ses cadenettes et son Zabot d'Angueleterre... Ah! c'était z'un homme aux oiseaux, mon p'tit fy, aux oiseaux!... vrai! z'un bel homme comme toi!
Après le second verjus, elle nous dit:
- Vous ne savez pas, mes enfants que l'ai été une des merveilleuses de ce temps-là... J'ai eu des bagues à mes doigts de pieds... Il y a des mirliflores et des généraux qui se sont battus pour moi!
- Tout ça, c'est la punition du bon Dieu! dit un voisin. Où est-ce qu'il est à présent, ton phaéton?
- Le bon Dieu! dit la chiffonnière exaspérée, le bon Dieu, c'est le diable!
Un homme maigre, en habit noir râpé, qui dormait sur un banc, se leva en trébuchant:
- Si le bon Dieu, c'est le diable, alors c'est le diable qui est le bon Dieu, cela revient toujours au même. Cette brave femme fait un affreux paralogisme, dit-il en se tournant vers nous...Comme ce peuple est ignorant! Ah! l'éducation, je m'y suis livré bien longtemps. Ma philosophie me console de tout ce que j'ai perdu.
- Et un petit verre! dit mon compagnon.
- J'accepte si' vous me permettez de définir la loi divine et la loi humaine...
La tête commençait à me tourner au milieu de ce public étrange; mon ami cependant, prenait plaisir à la conversation du philosophe, et redoublait les petits verres pour l'entendre raisonner et déraisonner plus longtemps.
Si tous ces détails n'étaient exacts, et si je ne cherchais ici à daguerréotyper la vérité, que de ressources romanesques me fourniraient ces deux types du malheur et de l'abrutissement! Les hommes riches manquent trop du courage qui consiste à pénétrer dans de semblables lieux, dans ce vestibule du purgatoire, d'où il serait peut-être facile de sauver quelques âmes... Un simple écrivain ne peut que mettre les doigts sur ces plaies, sans prétendre à les fermer.
Les prêtres eux-mêmes qui songent à sauver des âmes chinoises, indiennes ou tibétaines, n'accompliraient-ils pas dans de pareils lieux de dangereuses et sublimes missions? - Pourquoi le Seigneur vivait-il avec les païens et les publicains?
Le soleil commence à percer le vitrage supérieur de la salle, la porte s'éclaire. Je m'élance de cet enfer au moment d'une arrestation, et je respire avec bonheur le parfum de fleurs entassées sur le trottoir de la rue aux Fers.
La grande enceinte du marché présente deux longues rangées de femmes dont l'aube éclaire les visages pâles. Ce sont les revendeuses des divers marchés, auxquelles on a distribué des numéros, et qui attendent leur tour pour recevoir leurs denrées d'après la mercuriale fixée.
10:25 Publié dans L'assommoir avant l'heure, ou la bohème au compt | Lien permanent | Commentaires (3) | | | | Digg
27/11/2006
Le "Café Laurent"
C’est là que Rousseau composa son premier ouvrage publié en 1694, intitulé : « Le Caffé », dont Voltaire dit que « cette petite pièce d’un jeune homme sans expérience, ni du monde, ni des lettres, ni du théâtre semblait n’annoncer aucun génie ». Le personnage principal de la pièce est « Madame Jérôme », marchande de café.
La mise en scène permet de peindre l’aspect d’un café en 1694
Dans une salle, trois tables, un poète rêve à côté des joueurs de dames, un abbé dort dans le fond de la salle. Deux habitués discutent une question politique :
Oui ou non, la Turquie va-t-elle attaquer Belgrade ? -
A minuit, madame Jérôme prie ses hôtes de se retirer.
Et pourquoi ?
Parce que dit-elle, c’est l’heure où les femmes remplacent les hommes dans les cafés !
Le premier endroit à Paris où l’on pu déguster du café, était, en 1643, dans un petit passage couvert et qui conduisait de la rue Saint-Jacques au Petit-Pont.
Un Levantin cherchait à vendre sous le nom de cahove ou cahouet, une décoction de café, mais la tentative n’eut aucun succès.
Dans le même temps, des arméniens apportèrent du midi des balles de café sans plus de résultat.
Les vers d’un certain Subligny révèlent le peu de cas que l’on faisait de cette boisson :
Adieu, j’ay si mal à la teste
Que je ne sçay pas ou tourner
Et que le mal icy m’arreste :
On ordonne de me saigner,
Mais je suis peu pour la saignée ;
J’ayme mieux prendre du Kavé,
Qui guérit en moins d’un avé.
Ce mot Kavé vous surprend !
C’est une liqueur arabesque,
Ou bien si vous voulez turquesque.
Que dans le levant chacun prend.
Sa vertu n’a point de pareille,
Tout le monde s’en aperçoit,
Et surtout pour la femme elle opère merveille
Quand c’est le mary qui la boit.
L’arrivée de Soliman Aga à Paris fut l’occasion pour plusieurs boutiques de vendre publiquement du café et de faire l’éloge suivant :
LES TRES EXCELLENTES VERTUS DE LA MEURE APPELEE COFFE
Vérifications faites, l'actuel Café Laurent à l'angle de la rue Christine n'est pas le bon ! C'est de l'autre côté qu'était situé le Café de la veuve Laurent :
A SUIVRE.....
Sources :
Docteur A Galland ( traducteur des Mille et unes nuits )
Les nouveaux voyages au Levant de Jean Thévenot
Audiger : la maison réglée
Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson Chéruel éditeur 1702
18:00 Publié dans Des joueurs de dames au 17°siècle, jusqu'aux ZAZO | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
26/11/2006
Chez Dinochau, AU PETIT ROCHER
Nouvel article en partie publié le 7 janvier 2006
Chez la mère Dinochau à l’angle des rues Bréda (Henri Monnier) et de Navarin
Le repas complet coûte trente sous, la spécialité maison est le pot-au-feu.
Si l’on parlait du « Petit Rocher », personne ne connaissait l’endroit, mais si l’on prononçait « Dinocheau », alors, tous les boulevardiers étaient unanimes pour vanter la qualité de cet établissement. Le seul décor était une grande glace occupant tout un mur. Edouard Dinocheau, fils, reprit la succession de l’auberge maternelle.
« La salle minuscule (elle existe toujours) pouvait contenir environ douze clients. Un petit escalier menant à une salle boisée, chêne vernis et papier rouge velouté. Table en fer à cheval, le dîner est bourgeois et provincial, de la soupe grasse et du bouilli. A la fin du dîner après le café, Dinochau, mine émerillonnée, dans ce monde dînant en manches de chemises, cheveux frisés, venant se mêler de littérature et racontant des charges d’Auvergnat ».
Fréquenté par Alexandre Schanne, une vielle connaissance, le musicien peintre fabricant de jouets auteur de la Symphonie sur l’influence du bleu dans les Arts, oui, le Shaunard des « Scènes de la Bohème. » ceux qui doutaient de son identité, étaient tout de suite convaincus par cette particularité, il avait le nez camard de face, et aquilin de profil !!!
Les soirs d’affluence, on finissait par y entasser plus de quarante personne parmi lesquelles on pouvait reconnaître certains jours :Jules Noriac, Pothey le graveur chansonnier, Quidan le pianiste, Laurent Thiboust, Ravel le comédien du Palais Royal, Armand Barthet auteur du « Moineau de Lesbie », Léo Lèspès le Thimothée Trim du Petit journal, Henry Monnier, Baudelaire accompagné parfois de Jeanne Duval, le piéton de Paris Paul Delvau, Poulet-Malassis, Scholl, Monselet, Jules Janin qui habitait rue Bréda, Félix Nadar Tournachon et Henri Mürger, enfant du quartier depuis sa naissance rue Saint-Georges.
Une mention particulière pour ce bohème trop méconnu à mon goût :Victor Cochinat,
ce personnage hors du commun, était noir, pas métis comme Dumas et Privat d’Anglemont (qui avaient des visages lunaires en comparaison) dont on disait qu’il aurait pu faire rêver l’inventeur du cirage « Nubian » (la pâte à chaussure la plus connue à l’époque) Il était secrétaire intermittent de son ami Dumas qui l’avait pistonné pour un poste de rédacteur au Figaro où son esprit faisait l’admiration de ses confrères. Son goût pour la mystificaztion lui valu aussi de farouches ennemis. Iil fut nommé par Victor Scoelcher premier conservateur de la bibliothèque des livres sur l’esclavage que Victor avait donné à la Martinique. Sans oublier Théodore Barrière qui devait son succès à la pièce de Murger aux Variétés, et Durandeau caricaturiste qui habitait à Asnières
Ce brave Dinochau fit faillite en 1871, la plupart de ses « clients » oubliaient parfois de le payer. Pendant le siège de Paris, il s’était entêté à maintenir ses prix bas, le conduisant ainsi à la ruine. C’est Henri de Villemessant qui, flairant une bonne affaire, rachètera le restaurant en 1871.
Portrait fielleux par Edmond de Goncourt : « le père Dinochau, un vieil abruti, la mère Dinochau, qui avait de gros yeux saillants comme des tampons de locomotive et le fils devenu célèbre plus tard : un voyoucrate intelligent ».
Un autre portrait charmant que donne Jules cette fois, au cours d’un dîner chez Dinochau à propos d'une maîtresse de Mürger : « Maîtresse de Mürger, petite créature menue, visage tout pointu, tout bridé, tout retiré. Les cheveux sur le front, petite moustache piquante. Ratatinée, venimeuse, pie-grièche frottée de mots, disant que Buloz demande de ses nouvelles ».
Le Restaurateur des Lettres, c’est ainsi que Villemessant avait baptisé l’endroit
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01:10 Publié dans Un restaurant de la Bohème | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
24/11/2006
Colloque Jean Lorrain
Centenaire de la mort de Jean Lorrain
9 août 1855- 30juin 1906
Jean Lorrain ? Ses perversions ont dérangé, ses esclandres ont choqué,
sa lucidité a vexé. Victime de sa propre légende autant que de la rancune de ceux qu'il
a malmenés et scandalisés, il est clair que Jean Lorrain n'était "pas fait pour
les canonisations"
(Thibault d'Anthonay).
Programme
ProgrammeLorrain2_02.pdf
Bulletin d'inscription :
Organisé sous le patronage du Cérédi à Fecamp
Centre d'études et de recherche"Editer-interpréter" de l'Université de Rouen
Vous pouvez également consulter le superbe site de Noëlle BENHAMOU : Maupassantiana
Fécamp
Théâtre Le Passage
Vendredi 1er & samedi 2 décembre 2003
23:25 Publié dans Actualités | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
22/11/2006
La Bohème Galante de Gerard de Nerval
- Paul-Louis ROUBERT, "Nerval et l'expérience du daguerréotype"
Nerval fut l'un des rares hommes de lettres de son temps à s'être essayé à la pratique du daguerréotype, en 1843, lors de son voyage en Orient. Une expérience décevante, qui confère à sa critique de la photographie une portée remarquable, et constitue une marque secrète dans l'évolution de sa réflexion sur le réalisme en littérature.
23:35 Publié dans Le Cénacle de la rue du Doyenné | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
18/11/2006
LA PRESIDENTE
09:30 Publié dans LA FEMME PIQUEE PAR UN SERPENT | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
17/11/2006
ALPHONSE GIROUX
Par Bernard Vassor
Il ressemble au portrait peint par Murger dans "Les Buveurs d'Eau" pour le marchand de tableaux dont le héros est Francis Bernier
Il était établi 7 rue du Coq Saint Honoré, jusqu'à la destruction de sa boutique pour le percement de la rue de Rivoli. C'était un des 4 grands marchands entre 1830 et 1850. On l'appelait "Le marchand des princes" Dans son magasin se vendait tout ce qui était luxueux. En 1839, apès l'incendie du Diorama, il crée une école pour jeunes filles désirant apprendre l'aquarelle !
On peut lire dans "l'Artiste" (1854) un article d'E.Henriet :
"Depuis 10 ans, Giroux n'a fait que de rares acquisitions. Cependant, son étalage rue Coq Saint Honoré ne manquait ni de solennité, de richesse. Il faut du moins lui rendre cette justice, que les ouvrages qui faisaient le fond de ses exhibitions étaient toujours, mérite à part, dignes...(aujourd'hui M.Giroux est sans asile, de par la rue de Rivoli. Mais d'ici à quelques jours son brillant étalage va de nouveau resplendir, rajeuni et transformé au boulevard des Capucines, sur l'emplacement de l'hôtel du Ministère des affaires étrangères, où le souvenir de Durand-Ruel et le désir de lutter avec M.Deforge ne manqueront pas de le piquer d'émulation et le porteront sans doute à faire de raisonnables concessions au goût actuel." Nous remarquons qu'à l'époque les deux autres "grands" étaient Durand Ruel* et Deforge du boulevard Montmartre. Dans l'Artiste de 1835, sous le titre Du Commerce d'objets d'art" :
"Ainsi les étalages de Giroux de Susse** et de Durand-Ruel ne sont à bien dire que des expositions établies dans l'intérêt des artistes, où leurs ouvrages ne risquent jamais d'être placées à dessin dans un mauvais jour (...) il y aurait mauvaise grâce à resister à l'esprit de son temps. Tout est aujourd'hui matière à commerce (...) Durand-Ruel dans ses mémoires indique :
"La vente des tableaux aquarelles et dessins ne rapportait que fort peu en raison du prix ridicule atteints par les oeuvres les plus belles. Ainsi ces trois maisons (Giroux, Binant, Susse) et celle de mon père pouvaient-elles faire face à leurs frais que grâce à la vente de tableaux et dessins très en usage à l'époque."
*La maison Durand -Ruel était à l'époque 103 rue Neuve des Petits Champs, née de l'union de Jean-Fortuné Marie Durand, employé principal et de la papeterie Ruel dont il épousa la fille en 1825.
**Susse était place de la Bourse.
16:55 | Tags : durand ruel, susse | Lien permanent | Commentaires (9) | | | | Digg
16/11/2006
L’Hôtel Pimodan et les Haschichins
Au 17 quai d’Anjou, dans les années 1840, on pouvait lire sur la façade :
HOTEL DE LAUSIN (sic) 1641
En pénétrant à l'intérieur, une plaque de marbre portait l’inscription suivante :
HOTEL PIMODAN
Cette ancienne maison de l’Ile Saint Louis qui avait été formée par la réunion de l’île Notre-Dame, et de l’île aux Vaches au temps de Louis XIII. C’est à Poulletier qu’échut le lot comprenant le quai d’Alençon, aujourd’hui quai d’Anjou dans le partage de la cité en trois quartiers. Le 4 février 1641 un nouveau propriétaire Charles Gruyn, seigneur de Bordes, fit édifier cet hôtel de 1650 à 1658. Cet homme qui fut conseiller du roi avait des origines modestes. Son père dirigeait le Cabaret de la Pomme de Pin, chère à Rabelais, rue de la Juiverie face à l’église de la Madeleine. Charles Gruyn épousa le 30 avril 1657 la veuve Lanquetot, « une jeune fille bien faite » héroïne d’un Historiette de Tallemant des Réaux . Après le décès de Gruyn, l’hôtel fut vendu à Messire Antoine Nompart de Caumont, chevalier comte, puis duc de Lauzun dont on connaît les aventures amoureuses avec la Grande Mademoiselle ! Pour en revenir à nos moutons l’hôtel de Charlotte de Lavallée Pimodan fut vendu le 2 messidor an XII au sieur Capon qui mourut à Champrosay le 8 septembre 1835. C’est donc le baron Pichon qui en était l’heureux propriétaire au moment où va se former ce cénacle des paradis artificiels. Une kyrielle d’écrivains, et d’artistes fréquentant les riches cafés des boulevards à la suite de Roger de Bauvoir, le premier occupant de cette imposante demeure. Après son déménagement Fernand Boissard le remplace dans l'étage noble de l'hôtel. Parmi les convives des dîners, on pouvait rencontrer des médecins Trousseau, ou Favrot, ou bien Musset, Arago, Guttinguer, Mosselman et…. ! On retrouve également de nombreux locataires de l’hôtel du vicomte de Botherel de la rue de Navarin. Théophile Gautier, le peintre Fernand Boissard, la superbe Maryx modèle d’Ary Scheffer et de Delaroche. Une certaine Aglaé Savatier destinataire des célèbres lettres à la Présidente de Théophile Gautier et inspiratrice « de la moitié » des Fleurs du Mal et c'est ici que dut avoir lieu la rencontre avec
Baudelaire vint habiter là entre 1845 et 1847, il avait vécu auparavant quai de Béthune avec Jeanne Duval. Il occupait le bâtiment du fond au troisième étage sous les combles qu'il avait meublé de façon "gigantesque" selon l'expression de Banville qui était venu le visiter. Des fauteuils et des divans dans des pièces plutôt petites, une table ovale, "une de ces tables comme on en trouva au
XVIII° siècle, mais que bien des menuisiers modernes sont impuissants à imiter". Le plus impressionnant était le lit de chêne, sans pieds ni colonnes, sorte de cercueil sculpté" qu'il avait acheté chez le brocanteur installé au rez de chaussée de l'hôtel Pimodan. Boissard organisait des receptions qui furent célèbres, des concerts de musique de chambre auxquelles assistait Delacroix. La vision du « Club des Haschichins » de Gautier parut dans la « Revue des Deux mondes » le 1 février 1846. Theophile_Gautier_Le_club_des_Haschichins.pdf
Ces célèbres réunions des Haschichins organisées par Boissard se tenaient dans son appartement. L'importance réelle a été bien exagérée, il n'y eut d'après Gautier qu'une dizaine de Fantasias. La première eut lieu le 3 novembre 1845 et la deuxième le 22 décembre. connaissons quelques noms de participants : Balzac, Baudelaire, le docteur Cabarrus Messonier, Gerard de Nerval, Chenavard, Henry Monnier, Alphonse Karr, Tony Johanot, et Théophile Gautier. Pour les femmes, plusieurs firent l'expériience de la drogue : Emma Messonier, Louise Pradier, Maryx, Ernesta Grisi et Aglaé Joséphine Apolonie Sabatier.
Le haschich n'était pas fumé, mais consommé sous forme de confiture. C'est le médecin psychiatre Jacques Joseph Moreau de Tours qui fournissait la drogue. Il en avait publié l'usage, les effets et les maladies en découlant dans un ouvrage paru en 1845 : Jacques Joseph Moreau de Tours, du haschich et de l'aliénation mentale, Librairie Fortin, Masson et Cie 1 Place de l'école de Médecine
Un peintre, courtier, marchand de tableaux, marchand de couleurs avait une échoppe au rez-de-chaussée. Il se nommait Arrondel et avait la réputation de vendre des faux (à Baudelaire notament)
23:00 Publié dans Un cénacle de la Bohème dorée | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
15/11/2006
A PROPOS DE COQUENARD ET DE BRUTUS
Au XVI° siècle, le quartier des Porcherons dépendait de la justice seigneuriale accordée par Louis VII au chapitre de Sainte Opportune"tant dans toute l'étendue des prés situés au sous Montmartre que sur d'autres points."
La justice seigneuriale avait pour siège une maison dîte "La Gamache aux Porcherons" sur le mur de laquelle était apposée une copie du titre confirmatif signée Henri III.
La censive des dames de Montmartre était alors séparée par des fossés. Ces fossés étaient remplis d'eau, c'est de là que l'on pouvait parler d'îles et d'atterrissements, et l'on pouvait passer en bateau des fossés de la Grange Batelière au ponceau de la croix Cadet qui était aussi sur le chemin du grand égout. On suppose l'existence d'une lavoir, d'un bassin ou d'une "chaudière" dans les fossés.
Cette rue Coquenard, est très souvent confondue avec la rue Neuve-Coquenard
La rue Neuve Coquenard qui commençait, avant 1861, rue Lamartine avait absorbé en 1819, l'impasse Brutus ; cette impasse qui existait en 1790, avait été prolongée en 1819 jusqu'à la la rue de la Tour d'Auvergne. L'impasse Coquenard est une partie de la rue Rodier, appelée à l'origine Cité Rodier .A l’origine de ce nom des gens malintentionnés prétendent qu’il provient d’un bon bourgeois de Paris, bon époux à qui ses malheurs conjugaux célèbre dans son quartier dont il faisaient la joie avaient valu ce sobriquet désobligeant.
Une autre version pour laquelle penchent les registres de Saint Germain l'Auxerrois, les mots coquina, coquinaria, coquinarius, coquinare qui voulaient dire dans le latin de moyen-age, cuisine, cuisinerie, faire la cuisine, pour que le souvenir des porcs et des cabarets des Porcherons ne soient pas englobé dans ce petit nom inconvenant.
Le voisinage des guinguettes valait à la rue au temps de Louis XIV le sobriquet de : Goguenard.
Dans ce quartier, jadis, au flanc du coteau de Montmartre étaient des restaurants, des guinguettes, les Porcherons où s’allumaient les jours de sainte Liesse, « pour le pourchas des parisiens, les feux des cuisines coquinaria indenomen »
Au milieu de ces « rinces-bouteilles » s’élevait la petite chapelle des Porcherons ou Saint-Jean Porte Latine se transforma en 1646 en église Notre Dame de Lorette sous la protection des abbesses de Montmartre. Entre l'église et la rue des Martyrs, il y avait 3 maisons, un bureau pour la perception des droits d'entrée où une barrière marquait la frontière à la Croix des Porcherons, et une autre à la Croix Cadet au bas de la rue Rochechouart. La partie basse de la rue était fermée par le mur du cimetière appartenant à la paroisse Sainte Eustache, contigüe aux écoles de charité. Le cimetière touchait d'autre part à un marais de "3 arpents, dont le cens était reconnu à Sainte Opportune en 1728 par François Jourdain, prêtre, maître et administrateur de l'hôpital Sainte Catherine. Le jardinier Cliquet, fermier de ce marais était propriétaire à l'encoignure de la place Cadet, de plusieurs quartiers de terre et de deux maisons dont son gendre, nommé Ledru, également maraicher hérita en 1740. Les fermiers- généraux firent construire un mur devant ces maisons de jardinier, pour assurer la recette des deux bureaux établis aux deux bouts de la rue, bien que la plupart des buvettes étaient déjà installées plus haut, vers la butte . Mais les fraudeurs, avaient été pratiqué sous le mur des fermiers-généraux pour faire passer le vin qui provenait d'une bicoque située dans le cul-de-sac de l'impasse Brutus.
Ce passage qui reliait à la rue Rochechouart, avait pour propriétaire M. Briard, c'était le repaire des chiffonniers et des dames galantes pendant la Commune de Paris de 1792
Sous la restauration, un charpentier qui avait acheté la masure, fut fort surpris en faisant des travaux de se trouver à la tête d'une cave richement pourvue en vins dans une cave parfaitement entretenue.
A l'emplacement du 1 et 3 rue Lamartine, Le Grand Salon une buvette géante, où pouvaient tenir 800 personnes servait de bal les jours de fêtes et de Carnaval, on pouvait y côtoyer des domestiques, des paysans, et des grandes dames venues s'encanailler incognito. L'endroit fut transformée en caserne en 1815.
Pendant la révolution, les bâtiments avaient été vendus en l'an IV
Dénommée plus tard Notre Dame de Lorette qui fut déplacée (construite par Hyppolyte Lebas en 1823) comme chacun le sait un peu plus loin à la Croix des Martyrs. Les cuisiniers y avaient le siège de leur confrérie et au jour de la fête de leur patron :
Saint Honoré
Qui est honoré
Dans sa chapelle
Avec sa pelle…
Tout de blanc vêtu comme de pures épousées, ils portaient en offrande un énorme pâté d’où, au moment de l’élévation, s’échappaient des volées de pinsons.
Le gouvernement de Napoléon III qui n’aimait pas les mots grivois, remplaça le vocable Coquenard pour y substituer le
nom plus banal de Rodier. La cité Rodier existait déjà depuis l’établissement des abattoirs de Montmartre. C’est en 1897, que l’impasse Coquenard fut alignée et percée. C’est de ces complications que subsistent les erreurs commises aujourd’hui quand on évoque ces lieux. En clair : la rue Neuve-Coquenard est aujourd’hui la rue Lamartine (dont le nom existe depuis le 16 mars 1848), la rue Coquenard, la rue Rodier. Pour compliquer un peu les choses:
Elle fut ouverte en 1833 sur une largeur de 7,50 m, et portait le nom de cité Rodier (Juliette Drouet y vécut vers 1848). Par décret du 30 décembre 1873, depuis les numéros (conduisant des abattoirs de Montmartre) 9 et 10 inclus jusqu'à la rue de la Tour d'Auvergne. Alignements (non retenus au POS). Déc. du 30 décembre 1873, depuis les noméros 2 et 9 inclus jusqu'à la rue Tour d'Auvergne sauf sur une longueur de 5 m environ après la limite séparative des numéroos 6 et 10. Décret du 11 octobre 1850, pour la partie basse. Le numérotage actuel a été fixé par arrêté du 19 juin 1877. L'arrêté du 1er février 1877 réunissait la rue Neuve Coquenard, comprise entre les rue de Maubeuge et de la Tour d'Auvergne, à la rue Rodier, comprise entre la Tour d'Auvergne et de l'avenue Trudaine.
Comme pour toutes les rue ayant changé de nom au XIX° siècles, les habitant et des archives conservaient l'ancien patronyme pendant plusieurs dizaines d'années.
10:00 Publié dans Histoire des rues de Paris | Tags : COQUENARD, BRUTUS, RODIER, JULIETTE DROUET, Notre Dame de Lorette, à la Croix des Martyrs | Lien permanent | Commentaires (6) | | | | Digg
14/11/2006
Un marchand de tableaux, marchand de couleurs
Au temps de la bohème des buveurs d'Eau
30 ans avant Emile Zola dans l’Oeuvre, Murger fait un portrait au vitriol des relations entre le commerce de l’Art et les artistes. Le Père Malgras est un enfant de cœur en comparaison ….
Le personnage qui tient la plus grande place dans « Les Buveurs d’eau » est un jeune peintre débutant Francis Bernier. Habitué à l’aisance dans sa famille, il choisit néanmoins son indépendance et « la vache enragée » qui signifie la misère dans la langue populaire. Accueilli sans rétribution dans l’atelier d’un maitre célèbre, Francis y travailla pendant deux ans. Un jour, après la leçon, le maitre le prit à part et le congédia en lui disant qu’il n’avait aucun talent et qu’il ne serait jamais un artiste…. Cette annonce, au lieu d’être un obstacle fut un éperon pour le jeune rapin. En travaillant seul avec acharnement, il produisit deux toiles qui contrastaient avec sa production ordinaire. C’était une peinture tourmentée outre mesure, grossière, malhabile, tapageuse à l’œil, mais enfin c’était de la peinture. Les défauts et qualités se montraient avec la même audace dans ces œuvres qui n’étaient ni excellentes ni bonnes, mais il était réellement impossible de passer devant sans s’arrêter. Dés lors Francis ne douta plus de sa vocation. Le hasard voulut qu’un marchand entendit parler de ces tableaux. Le marchand vint les voir, il avait la vogue pour cette étrange clientèle qui venait s’y livrer. Ce personnage était en train de faire fortune, et prenait volontiers des allures de mécène, faisait ses affaires en voiture et ne se promenait jamais sans le filet d’or avec lequel on pèche les bonnes occasions. Quand il entrait dans un atelier les tableaux tremblaient à la muraille. --Je prend vos tableaux, dit-il à Francis, c’est peut-être un affaire chanceuse, vous n’êtes pas connu, j'achète, Cet homme qui faisait des bonnes affaires grâce à ses relations, avait une boutique bien placée dans un riche quartier. L’exposition dans sa galerie était une quasi-publicité. Il achetait à bas prix des peintures qui ne pouvaient avoir de succès auprès des amateurs sérieux,, mais dont il trouvait le placement dans les boudoirs de la haute galanterie. Il aimait disait-il lancer les jeunes gens auxquels il reconnaissait cette médiocrité souple qui produit et travaille vite sur commande. Les jours où la nécessité marchait sur leurs talons, ils venaient consigner des tableaux sur lesquels, ils recevaient une misérable avance. Si la somme n’était pas restituée au bout d’un certain temps la consignation devenait <!--[if !supportEmptyParas]-->la propriété du marchand. Il ouvrait en outre des crédits pour des fournitures qui pouvaient être remboursées par des œuvres d’art. Par ce moyen, il devint possesseur d’un grand nombre de tableaux destinés à l’exposition avant même qu’ils eussent quittés le chevalet. C’était de l’usure déguisée en protection !
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« Pour un artiste, surtout s’il est pauvre, si dans son obscurité patiente, il s’est demandé cent fois en regardant son œuvre : -Toi qui doit me fais vivre, vis-tu toi même ? ai-je en moi le souffle qui anime les créations de l’Art ? et si je le possède, ai-je su le communiquer ? » Francis allait souvent stationner devant la boutique du marchand
A suivre….
23:40 Publié dans Le Marchand de couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
VERNES, une dynastie post-balzacienne
Par Bernard Vassor.
Il résulte d’un acte de société du deux avril, enregistré à Paris le 10 avril, folio 5 case 4. Entre M. Félix VERNES et M. Adolphe VERNES, que la société qu’ils ont formée le 11 juillet 1859, pour l’exploitation d’une maison de banque sous la raison VERNES ET COMPAGNIE, et dont le siège est à Paris, rue Drouot, n. 20, et qui devait expirer le 31 décembre 1861, est et demeure prorogée jusqu’au 31 décembre 1863.. En cas de décès de M. Félix VERNES, la société pourra être continuée pendant six mois après ce décès et en cas de décès de M. Adolphe VERNES, la société pourra être continuée pendant un an et cela alors même que ces prolongations dépasseraient le terme fixé pour la société.
A cette époque le 20 rue Drouot était le domicile de François-Victore Hugo jusqu'à sa mort à son domicile.
Vincent Van Gogh, qui passait tous les jours devant cette banque pour se rendre boulevard Montmartre, ne pouvait pas imaginer que les successeurs de ces financiers, achèteraient pour une petite fortune un de ses tableaux....
12:05 Publié dans Création d’une banque rue Drouot | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg