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28/11/2006

PAUL NIQUET

PAUL NIQUET

Le repaire des "ravageurs" 

Par Bernard Vassor

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C'est derrière ces murs du charnier du cimetière des Innocents que se trouvait la rue Aux Fers

 

(article déjà publié en partie sur le site Terres d'écrivains le 5 janvier 2006)

Nous ne connaissons pas la date de naissance de Paul Niquet mort en 1863. Ce que nous savons c'est que son échoppe était déjà réputé sous l'empire pour ses cerises à l'eau de vie. Il était installé au 26 rue aux Fers :La rue aux Fers,  rue Berger aujourd'hui, commençait rue Saint-Denis, n°89, finissait aux rues de la Lingerie et rue du Marché-aux-Poirées n°2. Elle n’avait pas de numéro impair, ce côté étant bordé par l’ancien cimetière devenu le marché des Innocents. Le dernier numéro pair était le 50.

Monsieur Niquet ne vendait que très peu de vin, c'était surtout "le Casse-poitrine, la Jaune, la Blanche, le Fil-en-quatre, la Consolation, le Chien-tout-pur, l'Eau-d'aff, et le verre à un sou" 
Ce repaire, paradis des "ravageurs"  des malfaiteurs de tout poil,, de vagabonds de mendiants était le réceptacle de toute la pègre du quartier des Halles.

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Quelques "invertis" célèbres fréquentaient l'établissement, comme la célèbre Marie-Stuart, et "L'instar de Lyon", (?)le pâtissier de la rue de Richelieu. Des "femmes poivrières" des voleurs, des assassins et quelques indicateurs de policice complétaient cette joyeuse clientèle. Le tenancier qui succéda au créateur vers 1835 était un certain Etienne Salle, voyou et indicateur de police comme il se doit. Une allée ayant accès sur la rue aux Fers, étroite et mal éclairée, conduisait à l’intérieur d’une immense salle rectangulaire, garnie de tables scellées dans le sol, et tout autour des cabinets de quatre, huit ou dix consommateurs. Trois cents personnes environ fréquentaient chaque soir ce lieu de perdition. C’étaient des hommes à l’œil sanguinaire, des femmes perdues, couvertes de guenilles, cherchant à exciter, par la licence de leurs regards, l’attention des personnes à côté d’elles. Tout ce monde chantait buvait, mangeait, chantait, criait se querellait et s’injuriait.
Devenu une curiosité parisienne, le cabaret de Paul Niquet attirait une foule de gens comme il faut venus s'encanailler. Le patron avait aménagé deux ou trois cabinets pourvus d’épais rideaux, de manière que l’on puisse assister à l’abri au spectacle de la lie de Paris. 
L’ami de Baudelaire, le roi de la bohème parisienne, Privat d’Anglemont, donne dans "Les Oiseaux de Nuit" le récit suivant :  

« On pénétrait dans l’établissement par une allée étroite, longue et humide.
Son pavé était le même que celui de la rue, un grès de Fontainebleau, mais tellement piétiné par les nombreux clients, qu’il était plus boueux plus fatigué que les pavés de la rue Saint-Martin ou Saint-Denis.
Ceux des habitués qui avaient des hottes (les chiffonniers), les déposaient le long de ces murs avant de pénétrer dans la salle principale...
Cette salle était simplement un hangar sur lequel on avait posé un vitrage. 
Elle était meublée de deux comptoirs en étain où se débitait cette eau-de-vie terrible qu’on appelait « le casse poitrine ».
Ces comptoirs lourds et massifs étaient chargés de brocs, de bouteilles et de fioles de touts formes. On voyait écrit sur certaines : « Parfait Amour », la « liqueur des Braves », il y avait aussi « les délices des Dames », un breuvage à faire prendre feu avec une allumette aux lèvres des consommatrices, et surtout « Le Petit Lait d’Henri IV » un effroyable mélange de cassis et de trois-six.
Par un passage étroit, on arrivait à une petite salle derrière le comptoir ; C’était le salon de conversation, un lieu d’asile réservé uniquement aux initiés. _Trois longues tables et des bancs de bois en composaient le mobilier, les murs étaient blanchis à la chaux. L’architecture de ce bouge était bossue, tordue, renfrognée.
Dès la porte passée, on était saisi à la gorge par une odeur fade, chaude, nauséabonde, imprégné de miasmes humides qui soulevaient le cœur, c’était une puanteur qui est particulière à cette société immonde »...

Gérad de Nerval en donne la description suivante, chapitre XV "Les nuits d'octobre" :    

XV. Paul Niquet  Le souper fait, nous allâmes prendre le café et le pousse-café à l'établissement célèbre de Paul Niquet. - Il y a là évidemment moins de millionnaires que chez Baratte... Les murs, très élevés et surmontés d'un vitrage, sont entièrement nus. Les pieds posent sur des dalles humides. Un comptoir immense partage en deux la salle, et sept ou huit chiffonnières, habituées de l'endroit, font tapisserie sur un banc opposé au comptoir. Le fond est occupé par une foule assez mêlée, où les disputes ne sont pas rares. Comme on ne peut pas à tout moment aller chercher la garde, - le vieux Niquet, si célèbre sous l'Empire par ses cerises à l'eau-de-vie, avait fait établir des conduits d'eau très utiles dans le cas d'une rixe violente.

On les lâche de plusieurs points de la salle sur les combattants, et, si cela ni les calme pas, on lève un certain appareil qui bouche hermétiquement l'issue. Alors, l'eau monte, et les plus furieux demandent grâce; c'est du moins ce qui se passait autrefois.

Mon compagnon m'avertit qu'il fallait payer une tournée aux chiffonnières pour se faire un parti dans l'établissement en cas de dispute. C'est, du reste, l'usage pour les gens mis en bourgeois. Ensuite vous pouvez vous livrer sans crainte aux charmes de la société. Vous avez conquis la faveur des dames.

Une des chiffonnières demanda de l'eau-de-vie.

- Tu sais bien que ça t'est défendu! répondit le garçon limonadier.

- Eh bien, alors, un petit verjus! mon amour de Polyte! Tu es si gentil avec tes beaux yeux noirs... Ah! si j'étais encore... ce que j'ai été!

Sa main tremblante laissa échapper le petit verre plein de grains de verjus à l'eau-de-vie, que l'on ramassa aussitôt; - les petits verres chez Paul Niquet sont épais comme des bouchons de carafe: ils rebondissent, et la liqueur seule est perdue.

- Un autre verjus! dit mon ami.

- Toi, t'es bien zentil aussi, mon p'tit fy, lui dit la chiffonnière; tu me happelle le p'tit Ba'as (Barras) qu'était si zentil, si zentil, avec ses cadenettes et son Zabot d'Angueleterre... Ah! c'était z'un homme aux oiseaux, mon p'tit fy, aux oiseaux!... vrai! z'un bel homme comme toi!

Après le second verjus, elle nous dit:

- Vous ne savez pas, mes enfants que l'ai été une des merveilleuses de ce temps-là... J'ai eu des bagues à mes doigts de pieds... Il y a des mirliflores et des généraux qui se sont battus pour moi!

- Tout ça, c'est la punition du bon Dieu! dit un voisin. Où est-ce qu'il est à présent, ton phaéton?

- Le bon Dieu! dit la chiffonnière exaspérée, le bon Dieu, c'est le diable!

Un homme maigre, en habit noir râpé, qui dormait sur un banc, se leva en trébuchant:

- Si le bon Dieu, c'est le diable, alors c'est le diable qui est le bon Dieu, cela revient toujours au même. Cette brave femme fait un affreux paralogisme, dit-il en se tournant vers nous...Comme ce peuple est ignorant! Ah! l'éducation, je m'y suis livré bien longtemps. Ma philosophie me console de tout ce que j'ai perdu.

- Et un petit verre! dit mon compagnon.

- J'accepte si' vous me permettez de définir la loi divine et la loi humaine...

La tête commençait à me tourner au milieu de ce public étrange; mon ami cependant, prenait plaisir à la conversation du philosophe, et redoublait les petits verres pour l'entendre raisonner et déraisonner plus longtemps.

Si tous ces détails n'étaient exacts, et si je ne cherchais ici à daguerréotyper la vérité, que de ressources romanesques me fourniraient ces deux types du malheur et de l'abrutissement! Les hommes riches manquent trop du courage qui consiste à pénétrer dans de semblables lieux, dans ce vestibule du purgatoire, d'où il serait peut-être facile de sauver quelques âmes... Un simple écrivain ne peut que mettre les doigts sur ces plaies, sans prétendre à les fermer.

Les prêtres eux-mêmes qui songent à sauver des âmes chinoises, indiennes ou tibétaines, n'accompliraient-ils pas dans de pareils lieux de dangereuses et sublimes missions? - Pourquoi le Seigneur vivait-il avec les païens et les publicains?

Le soleil commence à percer le vitrage supérieur de la salle, la porte s'éclaire. Je m'élance de cet enfer au moment d'une arrestation, et je respire avec bonheur le parfum de fleurs entassées sur le trottoir de la rue aux Fers.

La grande enceinte du marché présente deux longues rangées de femmes dont l'aube éclaire les visages pâles. Ce sont les revendeuses des divers marchés, auxquelles on a distribué des numéros, et qui attendent leur tour pour recevoir leurs denrées d'après la mercuriale fixée.

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Commentaires

Paul Niquet n'est pas mort en 1863, mais en 1829 : d'ailleurs, cette date que vous donnez est contredite par le fait que vous parlez de son successeur en 1835 !
C'est François Niquet, le fils de Paul, qui mourut en 1863.

Écrit par : P.Landru | 30/10/2007

A aucun moment je n'ai voulu être agressif et suffisant : désolé que vous l'ayez ressenti de cette manière.

Écrit par : P.Landru | 30/10/2007

...C'est d'autant plus vrai que j'aime bien votre site, qui sort des sentiers battus et qui aborde des thèmes que j'apprécie.

Écrit par : P.Landru | 30/10/2007

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