02/01/2009
Point de lendemain, Un petit conte dans le genre libertin, par un baron, gentilhomme de qualité. Une histoire bibliophilique très alambiquée !!!
Par Bernard Vassor
La question de savoir qui était l’auteur de ce petit livre, n’a été résolue définitivement qu’en 1876.
C’est l’éditeur des « Fleurs du Mal », Auguste Poulet-Malassis qui s’en fit l’historien. Les multiples éditions parurent dans des recueils de pièces sous le nom de Dorat* (Claude-Joseph, 1734-1780). : "Coup d’œil sur la littérature, ou Collection de différents ouvrages tant en prose qu’en vers, en deux parties, par M.Dorat ; Amsterdam et Paris 1780". Donc, c’est l’année de la mort de Dorat que parut ce recueil. Mais c’est en 1777 que l’édition pré-originale, dirons-nous, fut publié dans un journal mensuel : « Mélanges littéraires ou Journal des Dames dédié à la Reine » du mois de juin. Le récit parut en tête du numéro avec pour en guise de nom d’auteur les initiales M.D.G.O.D.R, pour : M .Denon, Gentilhomme Ordinaire Du Roi.
Ce journal appartint à Joseph Dorat jusqu’en 1778, date à laquelle, il le céda à l’éditeur Charles-Joseph Panckoucke qui réunit ce titre à celui du Mercure de France.
Après la mort de Dorat, à l’occasion de la publication d’une nouvelle édition de ses œuvres par l’éditeur Nicolas-Augustin Delalain libraire rue de la Comédie Françoise, le conte reparaît sous le titre de : « Lettres d’une chanoinesse de Lisbonne » en supprimant les initiales de Vivant-Denon. Le conte est intitulé dans ce recueil « Trois infidélités ou l’Envieuse par amour »
Une troisième édition parut en 1802 sous le titre : « Les cinq aventures, ou contes nouveaux en prose par Dorat » toujours chez Delalain, un volume in-32, avec une gravure « libre » intitulée « Quelle nuit délicieuse ! dit-elle », l’éditeur prétendant que cette publication était conforme que Dorat s’était proposé de publier peu avant sa mort (de son vivant…) Rappelons que ce Delalain avait, publié en collaboration avec Dorat huit ans plus tôt un roman libertin intitulé : "Les Malheurs de l'inconstance, ou lettres de la Marquise de Cyrcé et du comte de Mirbel ".
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L’éditeur P.Didot l’Aîné en 1812 publia Point de lendemain, toujours sans nom d’auteur. Sur l’exemplaire de la Bibliothèque nationale, les initiales V.D.(Vivant-Denon) figurent sur la page de faux-titre.
Il existe des éditions clandestines du XVIII° siècle, démarquées de ce conte avec des passages plus épicés, parues avec des gravures obscènes dont une porte en titre « L’Héroïne libertine, ou la femme voluptueuse » qui selon certains seraient la véritable édition originale. Impossible de le vérifier, ce volume sans lieu ni date est suivi par des ariettes pornographiques. Une autre imitation, intitulée "La nuit merveilleuse ou le nec plus ultra des plaisirs" avec des planches tout aussi licencieuses. La mention Partout et nulle part est imprimée sur la page de titre, les gravures obscènes sont sans rapport avec le texte., mais une mention de cet ouvrage, se retrouve dans l'édition de 1812
L’histoire se complique encore un peu, avec l’intervention de Balzac. Dans la première édition de la Physiologie du Mariage en 1829, dans la « Méditation XXIV», l’illustre écrivain, après avoir disserté au cours d’un dîner chez le prince Lebrun, sur « les ruses intarissables des femme » reproduit le texte de Denon, « en le défigurant et l’alourdissant par des corrections maladroites » (Poulet-Malassis).
Balzac disait tenir du chirurgien Dubois** les circonstances de « l’édition originale de « Point de Lendemain » en 1812 », celui-ci disait posséder un exemplaire numéroté 24 (bien que cette édition n’ai pas été numérotée). Dans la première édition de la Physiologie du Mariage, Balzac fait intervenir Denon, racontant cette histoire.
Puis ayant eu connaissance des éditions des œuvres complètes de Dorat par quelques personnes qui les lui avaient signalées, et qu’il donnait l’impression de s’attribuer une œuvre ne lui appartenant pas, Balzac dans une deuxième édition rectifia de façon sibylline son récit en faisant raconter par une tierce personne (le docteur Dubois) le texte presque complet de Point de Lendemain, qu’il avait appelé « éléments de narration ».(rappelons que Balzac fut à l’origine de la création de la Société des Gens de Lettres, dont le but principal était la protection littéraire)
Dans l’édition définitive de ses œuvres (Furne corrigé) Balzac apporta quelques changements,, et il attribua le texte à …..Dorat !
Les grands bibliographes de l'époque étaient partagés. Brunet tenait Dorat pour l'auteur du texte en question, tout comme Chéron, le conservateur de la bibliothèque impériale. Sainte-Beuve ne se trompe pas sur l'auteur, mais, bien que touvant le livre scabreux, déclare qu'il peut citer le livre sans danger, puisque le livre est introuvable.
Un bibliophile strasbourgeois, qui en a fait une réédition à tirage limité à quatre vingts exemplaires, se demande si Denon n'a pas été un plagiaire.
Le mystère reste entier pour ce qui concerne les éditions clandestines du 18° siècle.
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13:57 Publié dans Histoire littéraire | Tags : vivant denon, dorat, balzac, poulet-malassis, clémentine portier kaltenbach, jean-paul martineau | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
13/04/2008
BAUDELAIRE ET LES LESBIENNES
PAR BERNARD VASSOR
12:15 Publié dans Les écrivains | Tags : LES LESBIENNES, LE CATHECHISME DE LA FEMME AIMEE, Poulet-Malassis, Bric à brac esthétique, Baudelaire, Champfleury, Pierre de Fayis | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
04/02/2008
LE CAFE TABOUREY : "LE PROCOPE DE L'ODEON"
PAR BERNARD VASSOR
Il était situé à l'angle de la rue Molière qui longe le théâtre de l'Odéon (aujourd'hui rue Rotrou) et de la rue de Vaugirard (à l'emplacement aujourd'hui des éditions Flammarion). Le café était séparé en deux compartiments, l'un très cher, pour des gens respectables, l'autre appelé "le fumoir »où étudiants et bohèmes s'adonnaient à une joyeuse consommation d'herbe à Nicot. D'abord lieu de rendez-vous des cénacles romantiques, où se retrouvent les frères Hugo, Jules Janin qui habite la maison même, Balzac s'y rend quelques fois, Barbey D'Aurevilly vint y faire admirer ses accoutrements outranciers. de jeunes auteurs venaient là y lire leurs pièces dans le but de les présenter aux directeurs des théâtres avoisinants. Baudelaire avec ses cheveux verts et ses mains manucurées y écrit fiévreusement des poèmes qui seront publiés dans la Revue des Deux Mondes sous le titre de : "Les Lesbiennes" avant de trouver un autre nom pour une publication chez Poulet-Malassis. De ce café, il annonce qu'il vient d'écrire un article "sur un écrivain américain" (Edgard Poe") qui fut publié dans la Revue de Paris. On le voyant quelques fois en compagnie de Nerval et d'Edouard Ourliac.
Il s'y fit suivre là son courrier. Champfleury qui s'était séparé des "Buveurs d'eau" retrouvait néanmoins Murger qui s'était embourgeoisé après le succès de sa pièce aux Variétés. Un journaliste politique nommé Coquille y passait ses soirées avec une tasse de café qu'il commençait à boire à huit heures, et qu'il terminait vers onze heures environ. Il avait l'habitude d'écrire ses articles pour le journal Le Monde, (dont il était le directeur) au dos de faire-part de décès, ou bien de factures de fournisseurs. Flaubert*y situe une scène de "l'Education sentimentale"**
Devenu le lieu de rencontre au quartier Latin du cénacle parnassien, c'est là que Germain Nouveau eut le coup de foudre pour Rimbaud et le suivit aussitôt dans son voyage pour Londres, sans rien emporter, oubliant même de remettre à l’hôtel la clé de sa chambre. Il demanda à Richepin de récupérer ses manuscrits. *
"C'est au café Tabourey fréquenté par des peintres et écrivains que je suis assis avec des camarades lorsque soudain la porte s'ouvre et entre un jeune homme en criant une grossièreté banale, il va s'asseoir à une table, seul. Il a environ dix-neuf ans, un regard d'ange sur un visage joufflu sous des cheveux en broussaille, un corps long et fluet, de grands pieds, des mains rudes et rouges, c'est Arthur Rimbaud.
La gêne et le silence s'installent avec cette entrée plus que fracassante et je suis fasciné, je vais vers ce jeune homme, je me présente. Le lendemain, nous partons pour Londres où nous vécûmes une saison. Qui de nous deux quitta l'autre ? Je ne sais plus très bien mais ce que je sais, c'est que plus jamais je ne devais revoir Arthur." Germain Nouveau
Flaubert l'Education sentimentale :
** Frédéric avait déjà posé, au bord du guichet, un porte-cigares rempli.
« Prends donc ! Adieu, bon courage ! »
Dussardier se jeta sur les deux mains qui s’avançaient. Il les serrait frénétiquement, la voix entrecoupée par des sanglots.
« Comment ?... à moi ! à moi ! »
Les deux amis se dérobèrent à sa reconnaissance, sortirent, et allèrent déjeuner ensemble au café Tabourey, devant le Luxembourg.
Tout en séparant le beefsteak, Hussonnet apprit à son compagnon qu’il travaillait dans des journaux de modes et fabriquait des réclames pour l’Art industriel.
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A SUIVRE......
00:00 Publié dans CAFES ET RESTAURANTS | Tags : jules valles, balzac, barbey d'aurevilly, baudelaire, poulet-malassis | Lien permanent | Commentaires (1) | | | | Digg
18/09/2007
UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES : RENE FAYT
La deuxieme bonne nouvelle de la semaine
A PROPOS DE RENE FAYT :
"Bibliophile par amour du livre,
et bibliomane déclaré, sans mystère,
épanoui, fort de la conviction
que l'amour véritable ne va pas sans excès"
Paul Delsemme
Je viens de recevoir gracieusement de la Réserve Précieuse de la biblothèque de l'Université Libre de Bruxelles, deux ouvrages qui me manquaient cruellement dans mes recherches sur deux personnages hors du commun dont je vous ai déjà parlé abondamment sans trop dire de bêtises je l'espère. Je serai impardonnable aujourd'hui si je commettais la moindre erreur concernant Alfred Delvau et Poulet-Malassis. Je dois ce grand bonheur à un savant érudit, Prix Léopold Rosy en 1994, René FAYT, conservateur honoraire de cette énorme bibliothèque qui a recueilli les publications clandestines des éditeurs établis (et parfois réfugiés) en Belgique au dix-neuvième siècle.
Merci encore mille fois
Bernard Vassor
Je signale au passage à nos amis dixneuvièmistes qu'une exposition Félicien Rops a failli avoir lieu à Montmartre, mais en raison de la frilosité (ou bien de la méconnaissance de l'importance de cet artiste) d'un ou d'une responsable de musée, ce projet a été abandonné au profit d'un autre peintre plus à la mode dont je ne veux même pas parler.
03:30 Publié dans Histoire littéraire | Tags : RENE FAYT, FELICIEN ROPS, POULET-MALASSIS, ALFRED DELVAU | Lien permanent | Commentaires (2) | | | | Digg
21/02/2007
Le café La Rochefoucauld (le « La Roche » pour les intimes)
par Bernard Vassor
Aujourd’hui portant le nom de « La Joconde », ce café est un endroit historique.
. En ce milieu de XIXème siècle, il est surtout fréquenté surtout par les peintres dits « académiques » et reçoit tous les jours à l’heure de l’apéritif tout ce qui compte à Paris d’artistes convenables … contrairement au café « Guerbois », 7 chemin des Batignolles (avenue de Clichy) et à « La Nouvelle-Athènes » 9 place Pigalle, fréquentés eux par ceux que l’on nomma plus tard « les intransigeants », « les communards» puis par dérision « les impressionnistes ». Ecrivains et plasticiens se confrontent, se brouillent, se réconcilient devant un bock, une absinthe ou un verre de vin. Degas, intime de Gustave Moreau pendant sa jeunesse puis longtemps fâché avec lui, renouera des relations orageuses au « La Roche » avec son vieil ami. Le peintre Gervex rapporta la discussion suivante :
- « Mon cher Degas, vous avez la prétention de renouveler la peinture avec des contrebasses et des danseuses » déclare Moreau.
- « Non mon cher, pas plus que vous avec vos Christs montés en épingle de cravates ».
On peut y rencontrer Henri Dumont qui épousa Ellen André un des modèles préférés de Manet, Forain, Renoir, Alfred Stévens, et les artistes célèbres de l’époque : Henner, Anne Pièstre dit Fernand Cormon « le père La Rotule » et l’ancêtre Harpignies. Les frères Goncourt, le peintre Guillemet, Maupassant, qui a été introduit dans l’endroit par William Busnach, l’adaptateur de Nana au théâtre, figurent parmi les plus assidus.
Le soir, Adolphe Goupil marchand de tableaux associé de la famille Van Gogh ( et "patron" de Vincent et Théo) en voisin de la rue Chaptal, vient prendre son dîner en compagnie de son gendre Léon Gérome . Après la fermeture du Divan Le Peletier (situé à l’angle du boulevard des Italiens et du passage de l’Opéra) selon les frères Goncourt, les représentants de « la basse bohème » vont établir leur quartier au « La Roche » : Manet, Baudelaire, le commandant Lejosne, émeutier de juin 48, Poulet-Malassis l’éditeur des « Fleurs du Mal », toujours flanqué d’Alfred Delvau , historiographe des bas-fonds, auteur d’un dictionnaire d’argot. Henri Murger à l’heure de l’absinthe et bien sur Aurélien Scholl journaliste, critique et le polémiste le plus redouté, les philosophes Fioupiou et Saisset complètent la clientèle de ce « petit mauvais lieu fort bête, qui sont aux lettres ce que sont les courtiers d’un journal au journal » (Journal des Goncourt). Bien sûr l’ambiance a changé de nos jours. L’endroit vient d’être repris, on peut y aller boire un verre et rêver sans nostalgie.
Le "La Roche"est aujourd'hui "La Joconde" 57, rue Notre Dame de Lorette
Déjà publié en partie dans Terres d'Ecrivains
08:50 Publié dans CAFES ET RESTAURANTS | Tags : adolphe goupil, van gogh, léon gérome, divan le peletier, lejosne, poulet-malassis, fioupiou et saisset | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg