03/07/2010
Amusements et récréations littéraires : De la contrepetterie* et des anagrammes
Par Bernard Vassor
- "Car il disoit qu'il n'y avoit qu'une antistrophe
- entre femme folle à la messe, et femme molle, à la fesse»
- « Mais, équivocquez sur À Beaumont le viconte.
- François Rabelais
- La gymnastique de l'esprit :
La contrepèterie est une "antistrophe" burlesque qui consiste à échanger les initiales de mots d'une phrase, de manière à lui donner un nouveau sens amusant et curieux. Nous devons certainement ce procédé comique et généralement indécent au "gentil sçavant et gracieux Maître François" qui l'inventa vers 1532 : livre II, chap. XVI : Les horribles et épouvantables faits et prouesses du très renommé Pantagruel Roi des Dipsodes, fils du Grand Géant Gargantua. L'effet comique est parfois amené par le changement de l'ordre des mots, dans le prologue du Tiers Livre : ""Le coq d'Euclion pour en grattant avoir descouvert le thesor, eut la couppe gorgée"
Le terme antistrophe, ou équivoque fut utilisé par Rabelais et ses imitateurs, mais nous devons à Etienne Tabourot (1547-1590) le mot contrepetterie, provenant du verbe contrepetter. Le contrepet est lui-même une contrepèterie !!!
09:40 Publié dans Histoire littéraire | Tags : rabelais, colletet, tabourot, daurat, dorat | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
02/01/2009
Point de lendemain, Un petit conte dans le genre libertin, par un baron, gentilhomme de qualité. Une histoire bibliophilique très alambiquée !!!
Par Bernard Vassor
La question de savoir qui était l’auteur de ce petit livre, n’a été résolue définitivement qu’en 1876.
C’est l’éditeur des « Fleurs du Mal », Auguste Poulet-Malassis qui s’en fit l’historien. Les multiples éditions parurent dans des recueils de pièces sous le nom de Dorat* (Claude-Joseph, 1734-1780). : "Coup d’œil sur la littérature, ou Collection de différents ouvrages tant en prose qu’en vers, en deux parties, par M.Dorat ; Amsterdam et Paris 1780". Donc, c’est l’année de la mort de Dorat que parut ce recueil. Mais c’est en 1777 que l’édition pré-originale, dirons-nous, fut publié dans un journal mensuel : « Mélanges littéraires ou Journal des Dames dédié à la Reine » du mois de juin. Le récit parut en tête du numéro avec pour en guise de nom d’auteur les initiales M.D.G.O.D.R, pour : M .Denon, Gentilhomme Ordinaire Du Roi.
Ce journal appartint à Joseph Dorat jusqu’en 1778, date à laquelle, il le céda à l’éditeur Charles-Joseph Panckoucke qui réunit ce titre à celui du Mercure de France.
Après la mort de Dorat, à l’occasion de la publication d’une nouvelle édition de ses œuvres par l’éditeur Nicolas-Augustin Delalain libraire rue de la Comédie Françoise, le conte reparaît sous le titre de : « Lettres d’une chanoinesse de Lisbonne » en supprimant les initiales de Vivant-Denon. Le conte est intitulé dans ce recueil « Trois infidélités ou l’Envieuse par amour »
Une troisième édition parut en 1802 sous le titre : « Les cinq aventures, ou contes nouveaux en prose par Dorat » toujours chez Delalain, un volume in-32, avec une gravure « libre » intitulée « Quelle nuit délicieuse ! dit-elle », l’éditeur prétendant que cette publication était conforme que Dorat s’était proposé de publier peu avant sa mort (de son vivant…) Rappelons que ce Delalain avait, publié en collaboration avec Dorat huit ans plus tôt un roman libertin intitulé : "Les Malheurs de l'inconstance, ou lettres de la Marquise de Cyrcé et du comte de Mirbel ".
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L’éditeur P.Didot l’Aîné en 1812 publia Point de lendemain, toujours sans nom d’auteur. Sur l’exemplaire de la Bibliothèque nationale, les initiales V.D.(Vivant-Denon) figurent sur la page de faux-titre.
Il existe des éditions clandestines du XVIII° siècle, démarquées de ce conte avec des passages plus épicés, parues avec des gravures obscènes dont une porte en titre « L’Héroïne libertine, ou la femme voluptueuse » qui selon certains seraient la véritable édition originale. Impossible de le vérifier, ce volume sans lieu ni date est suivi par des ariettes pornographiques. Une autre imitation, intitulée "La nuit merveilleuse ou le nec plus ultra des plaisirs" avec des planches tout aussi licencieuses. La mention Partout et nulle part est imprimée sur la page de titre, les gravures obscènes sont sans rapport avec le texte., mais une mention de cet ouvrage, se retrouve dans l'édition de 1812
L’histoire se complique encore un peu, avec l’intervention de Balzac. Dans la première édition de la Physiologie du Mariage en 1829, dans la « Méditation XXIV», l’illustre écrivain, après avoir disserté au cours d’un dîner chez le prince Lebrun, sur « les ruses intarissables des femme » reproduit le texte de Denon, « en le défigurant et l’alourdissant par des corrections maladroites » (Poulet-Malassis).
Balzac disait tenir du chirurgien Dubois** les circonstances de « l’édition originale de « Point de Lendemain » en 1812 », celui-ci disait posséder un exemplaire numéroté 24 (bien que cette édition n’ai pas été numérotée). Dans la première édition de la Physiologie du Mariage, Balzac fait intervenir Denon, racontant cette histoire.
Puis ayant eu connaissance des éditions des œuvres complètes de Dorat par quelques personnes qui les lui avaient signalées, et qu’il donnait l’impression de s’attribuer une œuvre ne lui appartenant pas, Balzac dans une deuxième édition rectifia de façon sibylline son récit en faisant raconter par une tierce personne (le docteur Dubois) le texte presque complet de Point de Lendemain, qu’il avait appelé « éléments de narration ».(rappelons que Balzac fut à l’origine de la création de la Société des Gens de Lettres, dont le but principal était la protection littéraire)
Dans l’édition définitive de ses œuvres (Furne corrigé) Balzac apporta quelques changements,, et il attribua le texte à …..Dorat !
Les grands bibliographes de l'époque étaient partagés. Brunet tenait Dorat pour l'auteur du texte en question, tout comme Chéron, le conservateur de la bibliothèque impériale. Sainte-Beuve ne se trompe pas sur l'auteur, mais, bien que touvant le livre scabreux, déclare qu'il peut citer le livre sans danger, puisque le livre est introuvable.
Un bibliophile strasbourgeois, qui en a fait une réédition à tirage limité à quatre vingts exemplaires, se demande si Denon n'a pas été un plagiaire.
Le mystère reste entier pour ce qui concerne les éditions clandestines du 18° siècle.
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13:57 Publié dans Histoire littéraire | Tags : vivant denon, dorat, balzac, poulet-malassis, clémentine portier kaltenbach, jean-paul martineau | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
29/03/2007
LE CABARET DE LA POMME DE PIN
Par Bernard Vassor
Ce cabaret, comme tous les autres à l’époque, était le lieu de rencontres des étudiants, des voyageurs et des brigands, qui venaient là partager leur butin et préparer de mauvais coups. C’était aussi bien sur un endroit de perdition et de débauche où les « femmes qui font péché de leur corps » venaient exercer leur coupable industrie. Si on ne les nommait pas Garces ou putains, c’est que ces noms ne passaient pas à l’époque pour honteux. Le cabaret de la Pomme de Pin célébré par François Rabelais fut fréquenté par les poètes de la Pléïade, Ronsard, Baïf, du Bellay, Dorat, Rémi Belleau, Jodelle, et Ponthus de Thiard, puis sous Louis XIII et XIV, Racine, Boileau, La Fontaine, Molière , Lulli, et Chapelle. Boileau prétendait dans le Repas ridicule que son tenancier Crenest, successeur de Pierre Nicholas Gruyn, y vendait du vin frelaté. Une enseigne à la Pomme de pin existait encore au XVII° siècle, et plus bas, près de l’auberge de la Croix de fer, un garni portait toujours le même nom. De l’œil de bœuf au deuxième étage, au nord, on distinguait nettement à gauche, sur la colline de l’hôpital Saint Louis, les fourches du gibet de Montfaucon qui lui ont fait dire que bientôt, la corde à son cou lui fera savoir combien pèse son cul (Le testament). Les rues chaudes étaient baptises autrefois de noms plus évocateurs. Les rue Bordelières Bordel ou Bordeau public et privilégié. La plus ancienne dans la Cité s’appelait la rue du Val d’Amour Glatigny, la rue du Pélican, la rue Poil de con, la rue Tireboudin, la rue Tirevit (rue Marie Stuart), la rue Beauvit est aujourd’hui la rue Beaurepaire. La rue Transnonin se nommait la rue Trousse-Nonain ou Trousse-putain. La rue Pavée s’appelait rue Pavée d’Andouille.
Nous trouvons dans les archives des quatorzième et quinzième siècle des patronymes évocateurs : Beau-Vit sera changé en Beauharnais ; Salcon deviendra Falconis, Couillards Marcello, Conpeint, les Vicourts, les Pousse-Mottes les Vits-Secs et les Conbaveurs, figurent sur les actes ordonnances, sentences de l’archevêché. Ce n’est qu’à partir du règne de François Ier que les familles ont commencé à rougir de leurs noms et de les modifier* La rue Troussevache (rue de la Reynie) devait son patronyme au sieur Eudes Troussevache qui figure le 12 mai 1257 dans un cartulaire de la paroisse Saint Magloire établi plus haut rue Saint Denis.
**C’est Saint Louis qui avait demandé l’établissement de ferrailleurs dans la rue qui s’appelait alors la rue de la Charronnerie, près de l’entrée du cimetière des innocents.
Henri II ordonna par ordonnance par édit le 14 mai 1554 un dégagement qui n’était pas réalisé le 14 mai 1610….Le couteau de Ravaillac fit son œuvre sur celui qui avait voulu inscrire au menu la poule au pot pour tous les païsans.
Sources
Etudes d’Auguste Vitu
M.Schwob
Colloque pour le cinq centième anniversaire de l’impression du testament de Villon,
Par Jean Dérens, J.Dufournet.
***Et les travaux du professeur Gert Pinkernell, de l’université de Wuppertal/Allemagne
23:45 Publié dans AUBERGES ET CABARETS. | Tags : Ronsard, Baïf, du Bellay, Dorat, Rémi Belleau, Jodelle, Racine | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg