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16/06/2006
Pour l'amour des livres
La quatrième vente : Pierre Berès, 80 ans de passion
Thomas More, description de l'Isle d'Utopie, Langelier 1550.
Edition originale de la traduction de cet ouvrage qui a exercé une influence déterminante dans l'histoire occidentale
C’est le mardi 20 juin 2006 que va avoir lieu à Drouot Richelieu, la plus impressionnante vente de livres et manuscrits que je n’ai jamais vu.
Des incunables illustrés allemands, des reliures somptueuses, des premières éditions vénitiennes ouvrages d’exorcisme illustrés, des livres aux tranches peintes par des maîtres de la peinture italienne du XVI° siècle Un exemplaire de l’humaniste Guillaume Budé composé en français pour l’édification du jeune roi François I°. C’etait l’exemplaire personnel de Louis XIII, en maroquin rouge aux armes du roi. De Jacques Callot nous est proposé une suite d’estampes originales en premier état reliée en vélin d’origine.
Provenant de la bibliothèque d’EDMOND DE GONCOURT, un illustré érotique japonais de Kitagawa Utamaro, avec sa couverture d’origine. Un exemplaire des suites de Goya pour « Los Caprichos » avec un manuscrit en espagnol relié à la fin nous donne une explication des eaux-fortes originales.
Nous arrivons maintenant au plus stupéfiant : à ce sujet, un ami écrivain académicien qui avait obtenu le Prix Henri Beyle dans sa jeunesse m’avait raconté l’anecdote suivante :
Pierre Berès qui voulait éditer un l’ouvrage d’un de ses amis peintre, avait invité chez lui cet auteur.
Après un entretien cordial, pour lui demander une préface. Pour l’impressionner, le libraire de l’avenue de Friedland sortit de son coffre une série de petits carnets qui vont être proposés à la vente ce mardi 20 mai.
Considéré comme le plus grand manuscrit littéraire du XIX°siècle de 570 pages autographes !
Maintenant, le manuscrit original de la Chartreuse de Parme reliés en 5 volumes.
Lecteur attentif, je suis fier d’avoir pris en défaut l’auteur de la notice du catalogue qui n’avait été jusqu’aujourd’hui relevée par personne. A la page 188 indique que le célèbre article de Balzac avait été publié dans la Revue de Paris, c’est dans La Revue Parisienne que « l’illustre écrivain » a rendu cet hommage à Frédéric Sthendalh (sic) tout en lui recommandant des modifications. De Gérard de Nerval un poème manuscrit à l’encre rouge écrit pendant une crise en 1853 ; cette ode est dédiée à Madame Aguado, la veuve du banquier de la rue Grange Batelière. L’exemplaire de Leconte de Lisle des « Fleurs du Mal », Madame Bovary avec la dédicace à Alexandre Dumas : « A Mr Alexandre Dumas, Hommage d’un inconnu.
Signe Gv Flaubert », celui-ci était un admirateur des Trois Mousquetaires qu’il avait lu dans sa jeunesse.
Le manuscrit original des Illuminations que Paul Verlaine fit éditer dans « la Vogue ».
Une édition en partie originale que je verrai bien dans ma bibliothèque de : « Le Coffret de Santal » de
Charles Cros avec une dédicace à Edouard Manet. Son ami avait déjà illustré pour lui un tiré à part du poème Le Fleuve.
D’Octave Mirbeau et Octave Mirbeau (voir l’article Mirbeau)
La 628-E8 une reluire en maroquin bleu signée 628-E8 avec ce superbe envoi à « Mon ami Claude Monet qui a découvert plus de choses encore que je ne dis »
Arrêtons là, nous somme à la fin du dixneuvième…Pas la peine de venir à la vente, il y a peu de chance que vous puissiez acceder à la salle...mais venez voir l'exposition le lundi 19 juin de 11 heures à 18 heures.
23:40 Publié dans Actualités | Tags : Guillaume Budé, Jacques Callot, EDMOND DE GONCOURT, Balzac, Henri Beyle, Kitagawa Utamaro, Charles Cros | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
13/06/2006
Pour les membres de l'association Autour du Père Tanguy
Invitation au voyage à travers le XIX° siècle
Avec les littérateurs, journalistes critiques écrivains, les artistes comédiens, danseurs, peintres sculpteurs et musiciens ayant élu leur dernier domicile terrestre
Au cimetière Montmartre.
Le nombre de célébrités qui reposent au Cimetière Montmartre, même s'il n'égale pas en nombre le Père Lachaise, n'en est pas moins aussi prestigieux.
D'Henrich Heine le visionnaire qui souhaitait tisser des liens entre les Allemands et les Français, les juifs et les chrétiens.
On lui attribue ces derniers mots : "j'ai été un brave soldat dans la guerre pour l'affranchissement de l'humanité" en passant par le tombeau de l'auteur de "la Chartreuse de Parme", les lieux successifs des sépultures de Berlioz avec ses deux femmes, dont on narre l'anecdote suivante : le jour de ses obsèques, les chevaux de son corbillard se sont emballés, pour évoquer une ultime chevauchée fantastique.
Grace au remarquable travail de recherche de notre accompagnateur Michel Olivès, nous serons sur la piste mystérieuse du tombeau de Lautréamont ! De la tombe d'Emma Livry la jeune danseuse élève préférée de "La Taglioni", brulée vive, torche vivante au cours d'une représentation, elle mourrut dans d'atroces souffrances après quinze jours d'agonie.
Cela sera également l'occasion pour moi de rectifier une fois de plus l'erreur relevée par le premier chorégraphe mondial du ballet romantique, Pierre Lacotte , erreur qui porte sur le lieu de repos de la Sylphide.
En effet depuis plus de 80 ans, date du retour des restes mortuaire de Marie Taglioni, inhumée en premier lieu à Marseille, les historiens de la danse, les historiens tout court invitent à s'incliner sur une dalle qui contient les restes de la mère de la plus grande danseuse de tous les temps. Les balettomanes du monde entier viennent déposer sur le marbre des chaussons de danse en lieu et place de bouquet de fleurs.
Marie repose (contre son gré) au Père Lachaise dans le caveau de son mari Gilbert de Voisin (duquel elle était séparée).
A travers notre périple, nous découvrirons un peintre, un journaliste, un écrivain aujourd'hui oublié. Du roi de la bohème Henri Murger, aux personnages de roman, comme par exemple Germinie Lacerteux (livre de chevet de Van Gogh). Germinie dans le roman des Goncourt fut enterrée là, tout comme la véritable Rosalie Malingre, nom réel de l'héroïne de la bonne des Goncourt rue Saint Georges.
Les prétextes à évocation sont innombrables
Avec les littérateurs, journalistes critiques écrivains, les artistes comédiens, danseurs, peintres sculpteurs et musiciens ayant élu leur dernier domicile terrestre :
au cimetière Montmartre.
Par le « découvreur de sépultures » spécialiste des cimetières parisiens
Michel Olivès
Visite commentée par Chantal Chemla et votre serviteur
Samedi 24 juin à 14 heuresLe rendez-vous est fixé devant l’entrée du cimetière avenue Rachel
Merci de répondre ou de vous inscrire avant le 18 juin à
Association Autour du Père Tanguy
bervassor@hotmail.com
Site de Sophie Parcen danseuse de l'Opéra de Paris
http://mapage.noos.fr/sparcen/
23:15 Publié dans Actualités | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
12/06/2006
Oscar Méténier, la bohème à Montmartre et le Grand Guignol
Un épisode cocasse au théâtre de la rue Chaptal
Dans les locaux de l’ancien Théâtre-Salon, 20 bis rue Chaptal, on pouvait noter à l’affiche, les noms de Georges Courteline, Jean Lorrain et Oscar Méténier.
La censure s’abattit sur le théâtre, interdisant la programmation de certaines pièces.
Georges Courteline avait porté plainte contre le ministre, Méténier lui, avait utilisé un subterfuge : il faisait sortir le public à la fin des pièces autorisées, puis il l’invitait à rentrer de nouveau à guichets fermés sur invitation personnelle, pour assister à l’adaptation d’une pièce de Maupassant qui était le principal grief retenu par Anastasie. Malgré cela, le Grand-Guignol fut rouvert avec autorisation de jouer Mam’z’elle Fifi.
Oscar etait le fils d'un commissaire de police, lui même secrétaire du commissariat de la Roquette, ses amis l'avaient surnommé « le chien de commissaire. »
Chassé de son poste, Méténier fut remplacé par une autre personnalité montmartroise : Emile Reynaud.
........
Il allait écumer Montmartre en compagnie de ses compagnons de beuveries d’orgies, et de consommation de stupéfiants de toutes sortes, de l'ether à l'opium. Chaque plaisir avait son lieu d’élection : les brasseries de femmes pour femmes, les brasseries de femmes pour les deux sexes.
Parmi les membres de ce cénacle, Liane de Pougy, Rachilde et Sarah Bernard figuraient en bonne place.
............
Dans « La vache enragée » Jean Lorrain l’historiographe des bas-fonds raconte :
-« C’était dans Montmartre de longues flâneries, du matin au soir, cigarette aux lèvres, des halles au Rat Mort, en compagnie de petites femmes à cheveux courts, des stations et des beuveries dans le cafés de la rue des Martyrs, pour aller s’échouer dans l’atelier d’un peintre ami. Le soir on montait la rue des Abbesses ou des Trois Frères, et c’étaient d’interminables errances dans les inextricables ruelles qu’occupent aujourd’hui les assises du Sacré-Cœur »
Thibaut d'Antonay, Jean Lorrain, Miroir de la Belle Epoque, Fayard 2005
Photo : à gauche, Liane de¨Pougy
à droite Marguerite Emery dite Rachilde
PORTRAITS DE METENIER PAR LAURENT TAILHADE ET LEON DAUDET :
http://freresgoncourt.free.fr/portef2001/PortfOct/metenie...
Laurent Tailhade, G. Crès et Cie, 1921 Extrait de Petits Mémoires de la vie Extrait de Petits Mémoires de la vie :
En ce temps, l'auteur de Monsieur Betsy, de Madame la Boule, des Frères Zemgano et autres œuvres exemptes d'idées générales, discernait à peine l'orient de son étoile, dans les brumes du futur. Il sortait du régiment. Sa belle écriture, sa faconde opiniâtre, sa vulgarité, son outrecuidance naïve et couronnant le tout, un incassable respect de l'ordre établi, en avaient fait le parangon des sergents-majors. Dans le civil, encore que vêtu comme n'importe quel rond-de-cuir, il n'avait pas abdiqué toute allure militaire. Sanglé dans son harnais, il gardait je ne sais quoi de fringant et d'avantageux qui décelait en sa personne l'irrésistible sous-off. Secrétaire du commissaire de police pour le quartier Saint-Jacques, il préludait à sa carrière intellectuelle par l'exercice d'une fonction, héréditaire chez les siens. En effet, M. Méténier le père avait pris 0scar dans ses bureaux de la rue Jean-de-Beauvais. Ainsi l'instruisait-il dans les arcanes de son art. En dépit du prénom ossianesque dont il était affublé, Méténier junior n'avait en lui rien de gaélique ou de pensif. Petit, remuant, agité d'un tracassin perpétuel qui ne le laissait pas dix minutes en place et le faisait rebondir, de droite à gauche, comme un escarbot effaré, c'était un jeune homme sans jeunesse, le poil brun, les yeux du même, inexpressifs et ronds, la peau huileuse, avec le teint noir jaune des hépatiques, des dents superbes qu'il ne soignait guère, une moustache soldatesque et pommadée, un chef en boule, au menton fuyant, sans reliefs ni méplats. Tel apparaissait Oscar Méténier dans la fleur de son avril. C'était, en outre, un bavard effroyable. Ni l'heure, ni l'intervention d'étrangers, ni le désir avoué de rompre l'entretien ne parvenaient à lui imposer silence ; dès qu'il avait pris la parole et mis la main sur sa victime, c'en était fait. D'une voix de crécelle, enrouée et criarde tout ensemble, d'une voix étrange qui ne sortait des lèvres ni de la gorge et semblait tamisée à travers une pratique de polichinelle, sinon par le rauque gosier d'une effraie en chasse, il verbigérait, sans ponctuer ses phrases ni prendre haleine, pendant une longue suite d'heures, toujours dispos, toujours en forme. Il parlait comme le chien aboie à la lune. Il parlait comme la mer monte ou comme il pleut.
Vers 1885, on le rencontrait chez un manœuvre de lettres, Charles Buet, lequel, chaque semaine, groupait autour de lui, dans son appartement de la rue de Breteuil, un monde paradoxal et bigarré. Méténier, heureux de se produire à des confrères hors de page ou renommés pour avoir d'utiles accointances, bourdonnait, caracolait, coinçait les gens entre deux portes et les submergeait sous le flot de ses discours. MM. Félix Fénéon, Victor Margueritte, moi-même, et, parmi les morts, Jean Moréas, formions un auditoire qu'il aimait. Son esthétique, bientôt, n'eut plus de secrets pour nous. Les rapports de police l'avaient illuminé. À déguster cette prose forte qui sent le cuir, l'aramon, le tafia, la pipe et le sergot, il avait compris, d'un seul coup, l'essentiel du Naturalisme, la beauté du langage primaire ; il avait aspiré à l'Art simple et véritablement plébéien, en un mot, à l'Art sans art et mis au niveau du premier venu. Ces palabres, fort avant dans la nuit, se prolongeaient sur l'Esplanade, le long des quais, jusqu'à nos logis respectifs. Quelque intimité en fut bientôt le résultat, au point que Méténier, un beau soir, invita Moréas, M. Fénéon, peut-être aussi M. Victor Margueritte et moi, à passer l'après-midi ainsi qu'à dîner avec sa famille, le dimanche suivant. Il nous promettait la lecture d'une ou deux pièces, écrites pour le Théâtre Libre, suivant les canons du réalisme le plus intransigeant. En outre, il devait nous communiquer les rares éditions, les livres curieux, légués avec sa bibliothèque de travail, par un sien parrain ouvert aux choses de l'esprit.
La jeunesse est imprudente. Nous acceptâmes. Vers deux heures, donc, au jour dit, nous frappions à la porte d'Oscar. Il vint, nous introduisit dans son cabinet de travail. C'était la pièce d'apparat ; on sentait que le grand homme de la famille, gloire de la gent Méténier, se prénommait Oscar et que, désormais, tout cédait au bien-être du grand homme, concourait à la mécanique de ses élucubrations. La journée était froide. Un admirable feu de bûches rayonnait dans l'âtre et disposait aux vagues somnolences d'une causerie à bâtons rompus. Mais notre hôte ne l'entendait pas ainsi. La lecture ne fit point défaut. Pendant trois heures d'horloge, sans même que le lecteur eût pris un verre d'eau, nous entendîmes, outre les deux actes du programme, de copieuses nouvelles ; en même temps, le scénario d'un roman-feuilleton. Déjà, cependant, l'auteur aspirait à de plus hautes aventures. Ne sachant pas le russe, mais déjà certain de parler aussi bien que le français la langue tolstoïenne, il projetait de traduire, pour M. Antoine, la Puissance des ténèbres dans le verbe imagé de «la Zone», item de mettre à la scène un roman des Goncourt. L'un de nous, alors, gravement lui suggéra de ne pas s'attarder en si beau chemin, d'étendre, sur Athalie et Mithridate ses bontés, qui ne pouvaient que gagner à être mis dans un français tellement nouveau. À cinq heures et demie, Mme Méténier, la mère, vint installer, devant le feu entretenu diligemment, une vaste coquille, ainsi qu'un tournebroche à mouvement d'horlogerie où s'ajustait une dinde (elle disait «un» dinde) pantagruélique de la plus belle apparence. En peu de temps, la peau du volatile se boursoufla, tandis que ruisselait le beurre et qu'une forte odeur de rôti pénétrait nos vêtements et nos cheveux. Cela n'arrêta pas Oscar de poursuivre sa lecture, jusqu'au temps que, la dinde cuite à point, il nous fallut gagner la table et nous mettre à dîner. Pendant le repas, la lecture ne fut pas tout à fait interrompue. Oscar, à chaque instant, négligeait sa volaille pour aller chercher un livre, un cahier, nous demander notre avis sur quelque point de «gay-sçavoir». Et je songeais à l'épigramme de Martial, plus aisée à citer qu'à traduire, contre Ligurinus : Et stanti legis et legis sedenti, - Currenti legis et legis cacanti. - Ad cænam venio fugas sedentem. - Lassus dormio :: suscitas jacentem !*
.........
Les années d'apprentissage furent courtes pour Méténier. Comme Pierre Loti, mais cependant moins artiste que l'auteur d'Azyadé, il se glorifiait, à bon droit, de ne savoir aucune chose. En récompense de quoi le succès ne se fit pas attendre. On était alors en pleine ferveur naturaliste. À peine si, dans quelques feuilles d'avant-garde, la réaction de l'École décadente se faisait pressentir. Les lis du Symbolisme étaient encore à l'état de caïeux. Le Théâtre Libre, un peu plus tard les Variétés, où Réjane, comédienne sans égale, José Dupuis, d'autres encore, dignes de ces protagonistes, défendirent l'œuvre d'Oscar, n'enregistrèrent pour lui que des triomphes. Il avait, en effet, vu juste : «Pas d'idée et pas de style ! Cela suffit pour atteindre à la notoriété comme à l'argent.»
Le succès n'avait pas ennobli, - ce qui parfois arrive, - le caractère du garçon. Peu de temps après Monsieur Betsy, nous somnolions, quelques amis et moi, le nez dans notre bière, pendant un entracte du Chat-Noir. Entre Oscar, escortant avec force courbettes Camille Lemonnier. Son déplaisir ne fut pas petit de nous rencontrer en cet endroit. Après nous être divertis quelques moments de son embarras, de ses efforts pour cacher le grand homme et se cacher lui-même, nous abordâmes Camille Lemonnier que nous connaissions depuis dix ans pour l'avoir, à Bruxelles, rencontré souventes fois chez notre maître et glorieux ami Edmond Picard. Une poussée intense de bile rendit encore plus jaune le sourire d'Oscar !
Puis ce fut le Grand-Guignol, avec les représentations où l'«inouïsme» d'antan était remplacé par le scandale et par l'horreur : Dupont l'Anguille et tout ce qui s'ensuit ; ce fut encore la liaison tapageuse avec Lantelme, où la délicieuse enfant échangeait, avec son premier amour, des coups de poing, même des coups de chaise ; Méténier, directeur de théâtre et notable commerçant, le «quart d'œil» de 1884 devenu «physionomie parisienne» et boulevardier notable, comme on disait alors.
Puis ce fut le dénouement, lugubre, attristant et malpropre, l'infortuné mourant du mal qui emporta Maupassant, Baudelaire, pour ne citer que des noms immortels. Mais ce n'est pas la hideuse maladie, hélas ! qui confère l'immortalité.
Peu de temps avant sa mort, je le rencontrai dans le train de Passy. Il habitait Courcelles-Levallois. Sans trop d'efforts, il me reconnut et de meilleure grâce qu'au Chat-Noir. Déjà, car sa maladie était fort avancée, il cherchait ses mots, balbutiait les fins de phrases. Mais il bavardait comme autrefois, ne permettant pas qu'on plaçât un mot. Il rapportait un sac plein de bananes qu'avec l'incoordination des mouvements, caractéristique de son état, il répandit sur les banquettes, le tapis du wagon, entre les pieds des voyageurs. Or ce fut un lamentable spectacle de le voir, chancelant et mal d'aplomb, courir après ses fruits que les lacets du train faisaient rouler de côté et d'autres. Il se désolait comme un enfant. Tout le wagon, - ainsi que les fourmis d'Apulée, pour les perles de Psyché, - se mit en devoir de recueillir ses bananes. Quand le convoi stoppa gare de Courcelles, Oscar était enfin consolé.
Je ne l'ai pas revu depuis. Peu de temps après cette rencontre, je reçus, de sa main, une lettre où ne subsistaient plus que des vestiges graphiques. Sous le même pli, quelques lignes de Mme Méténier - la mère - me priant d'aller voir son fils. Puis, le lendemain, contre-ordre. Elle craignait l'émotion, - disait-elle, - d'une visite, la surprise et tout ce qui s'ensuit. La bonne dame redoutait - possible - une captation de testament in extremis. En tout cas, les lauriers étaient coupés et les beaux jours du dinde révolus.
Léon Daudet, devant la douleur , (deuxième série des Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux). Cité selon Léon Daudet, Souvenirs et Polémiques, R. Laffont, coll. «Bouquins», 1992, p. 210.
Oscar Méténier, camarade et collaborateur du précédent [Paul Alexis] était petit, noiraud et pétulant. Chien de commissaire de police, il se servait de sa fonction pour tirer d'ennui à l'occasion les copains aventurés comme Jean Lorrain et aussi pour documenter ses romans-feuilletons et ses pièces réalistes. Fureteur, cancanier, inventif, il nourrissait Edmond de Goncourt d'anecdotes plus ou moins authentiques, qui sont demeurées consignées dans le Journal. Même quand leur auteur n'est pas nommé, je le reconnaîtrais entre mille. Dès qu'il est question des bas-fonds de Paris, des mœurs des apaches et de leurs compagnes, ou de quelques vices «estranges et espouvantables», c'est que Méténier a passé par là. Il appartenait au genre dit «tournée des grands-ducs». Il aurait fait un chef d'informations incomparable pour la rubrique des faits divers ; il en aurait certainement rajouté.
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