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20/06/2008

EMILE POUGET "LE PERE PEINARD" A L'EXPOSITION DES INDEPENDANTS

PAR BERNARD VASSOR

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Après le portrait d'un commissaire de Police, voici celui d'un anarchiste Emile Pouget (1860-1931)
Natif de Rodez, il vint à Paris après la Commune dans les années 1875. Il fut employé dans un magasin de nouveautés etétait ce que l'on appelait à l'époque "un calicot". Ses conditions de travail ne le satisfaisant pas, il se mit à fréquenter des réunions publiques où des agitateurs politiques proposaient une propagande révolutionnaire à laquelle le jeune Emile (il n'avait pas vingt ans) adhéra tout de suite. Il prit part dit Paul Delesalle dans "Le Cri du Peuple" en 1931 à la fondation à Paris du premier syndicat d'employés. Au meeting du syndicat des menuisiers qui convoquait les chômeurs (dissout par la police) il fit partie du cortège qui avec Louise Michel dévalisa la boulangerie rue du Four dans ce que l'on peut appeler une émeute de la faim. Il fut quelques jours plus tard inculpé de pillage à main armée et condamné à huit ans de prison. Il purgea 3 ans à la centrale de Melun, Louise Michel écopa de douze ans !
A peine sorti après une amnistie, il fit paraître une brochure rappelant par son style "le Père Duchêne" de la Commune de Paris, ainsi qu'un almanach chaque année.
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Il obtint un succès considérable, et son influence fut telle qu'elle inquiéta les partis politiques tels ceux du "Parti Socialiste Ouvrier Révolutionnaire" qui dépêcha en toute hâte Jean Baptiste Clément à Charleville-Mézière, ville où le nombre de militants PSOR fondait, à mesure que les ventes du" père Peinard" progressaient chez les ouvriers.
En 1896, Pouget visite le salon des Idépendants. Il en fait un compte rendu dans son journal, sous le titre :
BALADE CHEZ LES ARTISSES INDEPENDANTS ( en 1893)
Il donne son avis sur les quelques salles sans intérêt à ses yeux. Mais c'est la salle 4 qui retient son attention :
"Ne poireautons pas parmi les niguedouilleries des trois premières salles.
Dare-dare ! Pour ziueuter des couleurs plus chouettes, des sujets moins gagas, foutons le camp chez des zigues qui n'ont pas du crottin aux mirettes, radinons dans la :
SALLE 4
Très épatantes les tartines de Luce (Maximilien). On est d'abord dans le Midi : le soleil plombe en plein; si ça continue, la mer va bouillir comme une soupe. Pan ! Le copain nous transporte ailleurs. Plus de soleil : du brouillard. Mais, ches les Engliches, comme chez les baffreurs d'aïoli, Luce est toujours à la coule.
Faut reluquer aussi les toiles de Lucien Pissarro, de Signac, de Gausson, de La Rochefoucauld, de Van Rysselberghe, de Petitjean, de Cross : c'est farci d'air et de lumière (...) Je gobe les machines d'Ibels. Celles de Bonnard ont des tons effacés qui sont très rupins et des lignes chouettement enroulées. Maurice Denis nonplus n'est pas dans un sac. Les campluches de Guilloux, c'est roublard, mais ça ne vaut pas chérot. (...)
Voilà un peintre bath et râblé : Anquetin*. Il nous montre tantôt un zigue qui suce un glass chez un mannezingue, tantôt une grenouille qui joue de la prunelle dans la rue, pour embobiner les passants, ou encore des typesses qui se pavanent dans un jardin.
Autre prolo : celui-là se trémousse devant un four assez chaud pour fricasser le Mont-Blanc en cinq minutes. Ca fait partie d'une série de dessins au crayon noir, de Charles Angrand**. Dans ces dessins faut pas chercher des détails; le camerluche s'est occupé des ensembles et il y a foutu de la poésie sans trouducuterie et du mystère sans battage."
Comme nous le voyons, la plupart de ces peintres avaient été des habitués de l'échoppe du père Tanguy, qui était bien seul et maolade du cancer de l'estomac qui le rongeait, dans sa petite boutique du 9 rue Clauzel, les clients ne se bousculaient pas pour acheter les van Gogh, les Cézanne les Pissarro qu'il exposait dans sa vitrine. Beaucoup étaient des amis de Vincent van Gogh, mort depuis trois ans, qui comme Signac, Anquetin, les Pissarro père et fils, Ibels, Valloton, soutenaient les revues anarchistes en leur fournissant gratuitement des lithographies ou des illustrations.
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*Louis Anquetin avait un atelier au 8 rue Clauzel (sur cour), adresse qui n'est jamais signalée par ses biographes. L'atelier existe toujours avec la même configuration. Il est aujourd'hui occupé par une de mes connaissance dans une autre vie. C'est un ancien libraire qui écrivit il y a une quarantaine d'années une bibliographie qui est toujours une référence : "La Bibliiographie des livres romantiques" par Marcel Clouzot. C'est en effet le frère du cinéaste Henri-Georges Clouzot. La dernière fois que je l'ai rencontré il était très malade, et ne marchait plus qu'à l'aide de béquilles.
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**Dans ce temps là les peintres amis, s'échangeaient leurs tableaux. Le seul confrère qui ait refusé un échange avec Vincent van Gogh est Charles Angrand. Ses héritiers doivent le maudire ! Angrand est un artiste injustement méconnu, son talent avait été signalé par le critique d'art Dujardin, qui en avait même fait (à tort) le créateur du cloisonnisme....
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Je dois certaines informations à un ouvrage d'un ancien ami qui m'a été procuré par une amie :
Roger Langlais, Emile Pouget, Le Père Peinard, éditions Galilée Paris 1976.
Et bien sûr à l'Almanach du Père Peinard , désopilant ! dont la page de faux-titre est reproduite plus haut