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05/07/2010

Amusements et récréations littéraires : "Des vers figurés"

Par Bernard Vassor

DIVE BOUTEILLE RABELAIS.jpg
Prière de Panurge à la dive bouteille, plagiée plus tard par les chansonniers Charles-François Panard dit Pannard (1674-1765) et Pierre Capelle libraire éditeur de surcroit.
Pannard bouteille néga 02.jpg
Les vers figurés, c'est-à dire  offrant la représentation d'objets matériels , dont Guillaume Apollinaire s'inspira pour la composition de ses "Calligrammes".
Mais, c'est au poète lyrique Simmias de Rhodes vivant selon  Vossius, vers 324 avant J-C. sous le règne de Ptolémé Lagide, à qui nous devons ce procédé littéraire.
L'hélléniste Jean-Fraçois Boissonnade, dans le "Journal de l'Empire" du 18 novembre 1807, nous donne la description du poème de Simmias "Les Ailes"« Les Ailes sont composées chacune de six plumes ou de six vers chorïambiques, qui diminuent graduellement de mesure, et par conséquent de longueur, selon leur position dans l'aile, jusqu'au dernier qui n'a que trois syllabes. Simmias a voulu que le sujet de son poème eût quelque rapport avec sa forme : il y fait parler le dieu qui porte des ailes, l'Amour ; non pas la vulgaire divinité qui naquit de Vénus , mais cet antique Amour que chantent les vieilles cosmogonies, le principe créateur et contemporain du destin.Il doit y avoir plus de mérite dans l'Oeuf, car il y a plus de difficulté. Chaque bout est formé de très petits vers qui s'allongent progressivement jusqu'au milieu. Mais ce n'est pas tout : le poème, lu de suite, est absurde, inintelligible, c'est une énigme sans mot. Il faut, pour trouver une espèce de sens, aller du premier vers au dernier, du second à l'avant-dernier, du troisième à l'antépénultième, et ainsi de suite jusqu'aux deux vers du milieu»
En usage pendant le moyen-âge, les vers figurés grecs ou latins furent fort prisés au seizième et dix-septième siècle.
Nous en trouvons la trace dans deux ouvrages, l'un, "Urania" de Balthasar Bonifacio, l'autre dans la "Métametrica"de Caramuel, un in-folio avec mention d'édition : Rome, 1663.

03/07/2010

Amusements et récréations littéraires : De la contrepetterie* et des anagrammes

Par Bernard Vassor

rabelais portrait 002 cadre.jpg

 

 

"Car il disoit qu'il n'y avoit qu'une antistrophe
entre femme folle à la messe, et femme molle, à la fesse»
« Mais, équivocquez sur À Beaumont le viconte.
François Rabelais
La gymnastique de l'esprit :

La contrepèterie est une "antistrophe" burlesque qui consiste à échanger les initiales de mots d'une phrase, de manière à lui donner un nouveau sens amusant et curieux. Nous devons certainement ce procédé comique et généralement indécent au "gentil sçavant et gracieux Maître François" qui l'inventa vers 1532 :  livre II, chap. XVI : Les horribles et épouvantables faits et prouesses du très renommé Pantagruel Roi des Dipsodes, fils du Grand Géant Gargantua. L'effet comique est parfois amené par le changement de l'ordre des mots, dans le prologue du Tiers  Livre : ""Le coq d'Euclion pour en grattant avoir descouvert le thesor, eut la couppe gorgée"

Le terme antistrophe, ou équivoque fut utilisé par Rabelais et ses imitateurs, mais nous devons à Etienne Tabourot (1547-1590) le mot contrepetterie, provenant du verbe contrepetter. Le contrepet est lui-même une contrepèterie !!!

TABOUROT bigarrures négatif.jpg
La langue française doit beaucoup à Tabourot. Nous trouvons dans la table des chapitres  des "Bigarrures" la liste des sujets  traités :
"Des Equivoques François**.
Des equivoques doubles
Des Amphibiologies.
Des Antistrophes, rencontres ou contrepeteries.
Des Ananagrammatissimes ou Anagrammes.
(..)
Des  Acrostiches.
Des vers léonins.
Des vers couppez.
.......
Des anagrammes

On appelle anagramme, la transposition et combinaison entre elles des lettres d'un nom ou d'un mot quelconque de manière à en tirer un sens. Il faut que toutes les lettres soient utilisées pour en tier un sens.
Rabelais (encore lui !) fut un grand utilisateur de ce genre.
Les plus anciennes anagrammes connues sont attribuées au poète de Lycophon, vers 280 avant J-C. Il avait fait de la violette de junon "ion eras", le nom d'"Arsinoé", et de Ptolemotios "apo melitos" c'est à dire le miel.
Roger Bacon (1214-1294) :« Ce moine, méconnu et horriblement persécuté pendant sa vie, est la plus grande figure scientifique du Moyen Âge. C’est le génie le plus vaste et le plus complet qui, dans cette longue période, se soit produit en Europe» donna de cette façon, la composition de la poudre à canon.
La troisième partie de la "cabale" chez les juifs n'est que l'art de faire des anagrammes et a pour but de trouver le sens caché et mystérieux au moyen de la transposition de lettres et de mots. Les alchimistes du moyen-âge employèrent des anagrammes pour communiquer avec leurs adeptes.
Le poète limousin à la mémoire phénoménale, Jean Daurat ou Dorat (1508-1588) mit les anagrammes en vogue, si bien que chacun voulait s'en mêler. Des personnages illustres lui donnèrent leur nom à anagrammiser, si bien que cette manie gagna non seulement la France, mais l'Europe entière. Tallement des Réaux raconte l'histoire suivante dans l'historiette qu'il a consacrée à Henri IV :
"Un monsieur de Vienne qui s'appelait Jean, était bien embarrassé pour anagrammiser son propre nom. Le roi le trouva par hasard dans cette préoccupation : "Et bien ! lui dit-il, il n'y a rien de plus aisé, que : Jean de Vienne, devienne Jean".
Le poète Guillaume Colletet (1598-1659) mit fin à cette mode qui tomba en désuétude jusqu'au XIX° siècle, dans des vers adressés au grammairien Gilles Ménage, qu'il tourna en ridicule :
"Cet exercice monacal
Ne trouve son point vertical
Que dans une tête blessée,
Et sur le Parnasse, nous tenons
Que tous les renverseurs de noms,
Ont la cervelle renversée"
Le vingtième siècle vit le renouveau de cette fantaisie.
Quelques personnages célèbres :
Pierre de Ronsard, rose de Pindare.
Frère Jean-Jacque-Clément, c'est l'enfer qui m'a créé.
Napoléon, empereur des Français, un pope serf a sacré le noir démon.
Albert Einstein, rien n'est établi.
Et le mot de la fin :
Police= picole.
....................
*Orthographe la plus usitée jusqu'au XIX° siècle.
**SIC...

26/04/2007

PLACE MAUBERT, LA BOURSE-AUX-MEGOTS

Par Bernard Vassor

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STATUE D'ÉTIENNE DOLET PLACE MAUBERT
La place était couverte de maisons dès le XII° siècle, elle tire son nom de Jean Aubert, abbé de Sainte-Geneviève. Lieu de supplice au moyen-age, elle était le rendez-vous des écoliers, des bateliers. De nombreuses émeutes y ont éclaté, ce fut le lieu de réunion des bandes qui firent le massacre des prisons en 1418, et que les premières barricades de 1586 ont commencé. Un marché y était établi de temps immémoriaux. 
C'est au pieds de cette statue que se tenait la fameuse Bourse-aux-mégots, les "ramasseurs", les clochards, avaient établi là une véritable industrie. On y vendait le tabac récupéré dans les rues. Il y avait un cours qui variait en fonction de la qualité, et de la provenance : culot de pipes, bouts de cigares, ou petits bouts de cigarettes.
Une fois la statue d'Etienne Dolet supprimée, la "Bourse" se déplaça sur le quai Montebello. 
Jusque dans les années 1940, on voyait encore des pauvres bougres dépiauter des mégots, en faire des tas pour être revendus à petit prix. Le tabac pouvait aussi servir en "chique", puis être séché pour servir de tabac à priser. C'est ça l'économie durable ! 
Etienne Dolet l'ami de Rabelais et de Clément Marot, fut condamné "à être mené dans un tombereau de la conciergerie jusqu'à la place Maubert, où seroit planté une potence autour de laquelle il y auroit un grand feu auquel après avoir été soulevé en ladite potence, il seroit jeté et brûlé tous ses livres, son corps converti en cendres. Sa langue sera coupée et sera brûlé tout vif "  brulé pour athéisme, ou pour protestantisme, selon les versions.,le 3 août 1546 avec ses livres sur la place, à l'emplacement de sa statue....
André Breton, qui décidément ne porte pas chance aux statues, a rendu hommage à ce monument dans Nadja. (Rappelons aussi qu'il rendit le même service à Charles Fourier, dont la statue se trouvait boulevard de Clichy, il ne reste que le socle) Les deux statues furent "démontées" et fondues pendant l'occupation. Personne n'a eu encore l'idée de les remplacer. !!!