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06/12/2010

Un patron du Figaro pas très ragoûtant cet Hippolyte !!!

Par Bernard Vassor   

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Le 7 mars 1847,  le maire de la commune de Montmartre, recevait dans son courrier les deux lettres suivantes :

 

-"Montmartre le 6 mars 1847

 

Monsieur le maire,

 

de vifs chagrins et la perte totale de ma fortune dans un âge avancé, me fait prendre la détermination pénible, mais nécessaire de quitter ce monde où je suis de trop.  Ma fille qui jusqu'à ce jour ne m'a jamais quittée, partage ce dessin, et je m'adresse à vous pour faire accomplir notre dernière volonté qui est d'être ensevelies dans l'état où nous serons, et sans rien y changer. On trouvera près de nous le linge nécessaire. Nous demandons de plus, si la chose est possible d'être enterrées dans la même fosse. Je vous demande en grâce, Monsieur, de faire veiller à ce que ce désir suprême soit exécuté, et vous prie d'agréer, Monsieur, l'assurance de notre considération.

 

Augustine-Louise-Renée-Louise-Françoise de Launay de Villemessant, âgée de soixante cinq ans.

 

......................

 

Montmartre le 6 mars 1847

 

Monsieur le maire,

 

je ne fais que réitérer la prière que vous a adressée ma mère, c'est-à-dire, vous demander d'être ensevelies dans la même fosse et dans l'état où je serai trouvée.

 

Excepté le terme échu qui court, que je dois au propriétaire de la maison que nous habitons, et, 23 ou 24 francs à M. Codécheon, marchand boucher à Montmartre, je ne dois rien en cette commune. Les meubles qui garnissent l'appartement appartiennent à mon frère M. de Villemessant, rue La Rochefoucauld, 22 bis. C'est à lui qu'ils doivent retourner, quand ces deux créanciers seront acquittés. Soyez assez bon, Monsieur, pour avoir égard à notre requête, et ne pas séparer, après la mort, deux personnes qui ont toujours été réunies dans leur vie.

 

J'ai l'honneur d'être Monsieur, votre très humble servante.

 

Isoline de Launay de Villemessant. 

 

Les deux femmes furent enterrées le lendemain dans la fosse commune du cimetière Saint-Vincent.

 

Il semble, d'après des témoins de l'époque que leur suicide soit dû à une intoxication aux émanations de charbon dans leur appartement du 12 rue des Acacias devenue aujourd'hui la rue d'Orsel. Les journaux de l'époque ne faisant pas de reportage journalistique le principe n'étant pas encore inventé.

 

Henri de Villemesant qui signa à la mairie du XVIII° l'acte de décès et l'autorisation d'inhumer sa mère et sa soeur (dans la fosse commune, on disait à l'époque : la tranchée gratuite des indigents)

 

Dans cet acte d'état civil, il déclara que sa mère était âgée de 59 ans ?

 

"La perte totale de ma fortune" dit la mère de Villemessant avait été occasionnée par la spoliation de sa mère par l'ancien marchand de rubans (à Blois en 1828) dans des opérations financières. Pour se défendre, dans un procès qui l'opposa à des proches parents en 1862, Villemessant prétendit avoir été emprisonné à la prison pour dettes de Clichy, et avoir obtenu une autorisation spéciale pour régler la succession, ce qui ne l'empêcha pas un petit peu plus tard de réunir des sommes importantes pour l'achat de journaux. Rien ne lui interdisait pour enterrer sa mère et sa soeur dignement de leur payer une concession provisoire qui aurait été complétée quelques années plus tard en concession à perpétuité.......

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Le numéro 1 du nouveau Figaro de Villemessant.

Les journaux de son temps, et les archives de la préfecture de Police fourmillent d'histoires peu ragoûtantes concernant la vie du puissant patron du Figaro pendant près de quarante ans.
Il a lui-même dans de nombreuses publications donné dans des "Mémoires", les étapes de sa vie,légèrement romancées.
VOICI UNE LISTE DE JOURNAUX CREES PAR VILLESSANT :
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Dès le premier jour dit le Grand Larousse du XIX° siècle : ce fut un journal de scandales, publiant à tort et à travers, avec une méchanceté sans pareil, souvent avec esprit, toujours de parti pris, les célébrités du moment.  Une dénonciation du journal signale la publication d'un livre à scandale : Les mémoires de Céleste Mogador, pour en réclamer l'interdiction, ce qui ne gêne pas le Figaro qui ne s’interdit pas d'en publier quelques (bonnes)feuilles....
Condamné à cesser de paraître en 1856, Villemessant ne reculant devant aucune bassesse, adressa une pétition au prince impérial âgé de quatre jours, l’empereur ayant souri à cette supplique,  accorda une grâce qui autorisait la reparution du titre. Le journal se fit une spécialité d’attaques et de sarcasmes prolongés contre Lamartine, puis engageant sur le terrain de la morale et des bonnes mœurs, des ouvrages qualifiés de lestes ou de pornographiques, vont conduire aux procès de« Madame Bovary » et des "Fleurs du Mal ». En 1857 le rédacteur en chef Gustave Bourdin (1820-1870) un des gendres de Villemessant, dénonçait dans un article du 5 juillet la parution des Fleurs du Mal :"il y a des moments où l'on doute de l'état mental de M. Baudelaire, il y a des moments où l'on ne doute plus; c'est la plupart du temps, la répétition monotone et préméditée des mêmes choses, des mêmes pensées. L'odieux y coudoie l'ignoble, le repoussant s'y allie à l'infect...Ce livre est un hôpital ouvert à toutes les démences de l'esprit".

Un volume de l’autobiographie d’Hippolyte qui en comporte six, après une parution en feuilleton dans le  journal «L’Evènement" dont il reprit le titre en 1865 :

 

 
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Plusieurs publications récentes racontent l'histoire du Figaro, et de son patron. Nous ne donnons ici que les documents et articles volontairement négatifs relatifs à sa vie privée et professionnelle.  

Nous nous y perdons un peu dans l'histoire de son état-civil. Il est né à Rouen en 1810 selon les uns, et 1812 selon d'autres, sous le nom de Jean-Baptiste Cartier-Briard, ensuite nous le trouvons avec le patronyme Jean-Baptiste Cartier de Villemessant pour terminer par Hyppolyte-Auguste de Launay de Villemessant, ce qui fait plus chic.

Il porta le nom de son père, le colonel Cartier jusqu’à l’âge de 14 ans. Dans sa vingtième année, il habitait à Nantes  où il était inspecteur général des assurances. Il déménagea à Blois où il se fit marchand de rubans.

A l’âge de vingt-quatre ans, il vint à Paris et débuta dans le journalisme.

Un article du journal d'annonces "Les Petites Affiches" signale en 1875 que Villemessant, demeurant à Paris avenue de l'Impératrice 64, a été déclaré deux fois en faillite (sans doute pour son commerce de rubans)

1) Par jugement du tribunal de commerce de Blois en date du 25 juin 1835, sous le nom de Cartier-Briard.

2) Par jugement du tribunal de commerce de la Seine en date du 27 mai 1844, sous le nom de Jean-Baptiste Cartier de Villemessant (pour la faillite du journal "La Sylphide").

Un procès retentissant eut lieu seulement en 1875 avec des créanciers, la veuve Thomas et la dame Mauperin pour le recouvrement des sommes impayées.

Villemessant fut condamné à payer aux plaignantes les sommes dues avec intérêt du jour du 22 février 1876, trente-quatre ans après !

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Rue Drouot en 1874.

Monsieur de Villemessant devant le tribunal correctionnel de Blois 

Un vilain procès à l'audience du 15 juillet 1836. "Une demoiselle A..., jeune couturière de Blois, aurait eu la faiblesse d'accorder un rendez-vous à monsieur Cartier dans une allée d'un jardin, lieu de promenade propice à ces sortes de rencontres. A peine arrivés à l'entrée de ces promenades, de vives interpellations auraient été faites à Mlle A... qui n'aurait pas jugé convenable d'y répondre. Alors M.Cartier lui appliqua une vigoureuse paire de soufflets, suivie de coups de cannes, de coups de poing, de coups de bottes, si bien que le corps de Mlle A. aurait été cruellement martyrisé et qu'il en serait résulté une incapacité de travail de plusieurs jours. Pour comble de honte, cette scène se serait produite devant les yeux de l'épouse de de M. Cartier et de sa domesticité que Mlle A. accuse de complicité."

L'audience, en l'absence de la plaignante souffrant d'un mal de pieds, fut reportée à huitaine.

Audience du 22 juillet 1836 :

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"La foule déborde le prétoire, envahit le barreau et met littéralement le tribunal en état de blocus rigoureux.

A l'appel de l'affaire par l'huissier mettant en cause les époux Cartier et Mlle Minier, leur domestique, un - Ahhhh ! Prolongé part du sein de l'auditoire et indique que l'impatience longtemps contenue va être satisfaite.

"L'avocat de Mlle A...offre pour prouver ce qu'il avance, de lire la correspondance érotique du couple extra-conjugal. Le tribunal refuse de livrer à la publicité cette lecture peu convenable au grand désappointement du public " Toutefois, le juge autorise un extrait de cette correspondance de la part de Mlle A..., ce qui fit dire à une personne de l'assistance : que "Mlle A.est la nouvelle Héloïse de la couture.... "

De nombreux témoins de la scène, témoignèrent de la violence des coups exercée sur la plaignante. 

(Le Constitutionnel du Loir-et-Cher)

 

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Le tribunal acquitta la fille Minier (la domestique), et condamna les époux Cartier à seize francs d'amende, trois mois de prison 1200 francs de dommages-intérêts et aux frais du procès, et il fixa à deux ans la contrainte par corps.

D'autres procès émaillèrent la carrière de Villemessant, mais le pire fut sans nul doute une affaire dont il n'eut pas à répondre devant la justice.  Profitant de la faiblesse de sa mère, il avait détourné (pour payer des dettes de jeu dirent certains journaux) les économies de sa mère et de sa soeur, les laissant vivre dans l'indigence la plus complète dans un taudis de banlieue (Montmartre en ce temps là faisait partie de la banlieue). Les deux femmes préférèrent ensemble, par les émanations de charbon à la misère. Villemessant les fit enterrer "civilement" souligne le journal déjà cité plus haut. 

En 1871, il profita des difficultés financières de Dinaucho (ou Dinocho), "les restaurateur des lettres", où les gens de lettres et quelques artistes sans le sous trouvaient là à  crédit le couvert à la table du restaurant de la rue de Navarin. Le brave Villemessant racheta à bas prix cet estaminet, (la cantine d'Henri Murger) pour le revendre avec un coquet bénéfice.

Il aurait créé vers 1850, une chasublerie rue de Tournon (Barbier Sainte-Marie, cahiers Goncourt 2000)

En 1876, il annonça la création d'une maison de retraite pour les journalistes, mais accusé de spéculation par Francisque Sarcey, il préféra renoncer.

Après la Commune de Paris, son journal fut le plus féroce dans l'appel à l'assassinat sans procès des proscrits et de leurs enfants. Rappelons aussi, la campagne de presse contre les impressionnistes en 1874, comme en 1857, le journal s'était acharné contre le livre de poésie de Baudelaire.

.................

Il fut condamné en 1872 à de la prison. Incarcéré à Sainte Pélagie, Villemessant se fit transférer à la Maison Municipale de Santé Dubois, 200 rue du faubourg Saint Denis. Cet hôpital, et le pavillon Gabrielle de l'hôpital Saint Louis, étaient les deux établissements désignés officiellement pour le séjour des détenus malades, pouvant être traités à leurs frais.  

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Ce rapport de police figurant dans le volumineux dossier "Villemessant" aux archives de la préfecture de Police me laisse perplexe...C'est un curieux cadeau empoisonné qu'il fit à Lissagaray que cet abonnement gratuit et les félicitations du plus acharné pourfendeur de "la vile populace", dont le basque Lisagaray était le représentant, comme membre de la Commune de Paris dont le journal de Villemessant fut un des plus haineux et agressif à l'égard des communards poursuivis pendant la semaine sanglante, en reclamant toujours plus d'exécutions sommaires !

mise à jour le 05/12/2010

 

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