14/08/2008
DES LEGIONS D'AMAZONES: LES CLUBS DE FEMMES PENDANT LES REVOLUTIONS DE 1793, 1848 et 1871
PAR BERNARD VASSOR
La voix des Femmes, 28 mars 1848
Hier matin, à onze heures et demie, une légion de jeunes ouvrières, proprement vêtues, et ayant une tenue admirablement décente, se réunissait place Vendôme, au pied de la colonne; au milieu d’elles on voyait flotter une belle bannière aux couleurs nationale [sic], sur laquelle on lisait en lettre [sic] d’or, ce seul mot: Vésuviennes. C’était une légion de jeunes femmes de 15 à 30 ans, pauvres travailleuses déshéritées, qui s’organisent en communauté, dans le but d’améliorer leur sort. Leurs règlements sont sévères. La nourriture et le logement sont assurés à chacune. Chaque vésuvienne recevra 10 francs par mois. Leur première communauté s’organise, dit-on, à Belleville. A midi, la légion s’est mise en marche, observant le plus grand ordre, et s’est rendue par les quais de [sic] l’Hôtel de Ville, demander aide et protection au Gouvernement provisoire. Nous trouvons l’oeuvre des Vésuviennes digne de toutes nos sympathies; mais pourquoi ce nom de vésuviennes? leur jeunesse, leur dévouement [sic] à la cause publique l’autorise, l’intérêt général le commandait-il? La plus vilaine moitié du genre humain était représentée au Club des Femmes par les citoyens: Paulin Niboyet, Malatier, Moïse Alcan, J. Bachellery, Em. Cambrolle, abbé Constant, Josephe Dejaque, Emile Deschamps, P. Hawke, Junius Hamel (dit .Brutus fer rouge, Robespierre pacifique), Th. Labourieu, Pierre Lachambeaudie, Chatel, primat des Gaules; V. Boussy, Emile Souvestre, Hippolyte Bonnelier, Olinde Rodringes. Ceux d’entre ces citoyens qui n’étaient pas forcés de rester à la maison afin d’y soigner les enfants et d’y préparer le souper, tandis que leurs mères, leurs femmes ou leurs soeurs clubaient, ils devaient garder les socques, les cabas et les tartans des citoyennes clubistes. Nous l’avouons, non sans honte, nous avons conservé du Club des Femmes un très agréable souvenir, nous y avons passé les plus délicieuses soirées qui se puissent imaginer, et ce n’est pas sans éprouver un vif sentiment de regret que nous avons vu la police du citoyen Caussidière prendre un certain soir la résolution de fermer le gynécée émancipateur du boulevard Bonne-Nouvelle. Le citoyen Caussidière, puisqu’il faisait, comme chacun sait, de l’ordre avec le désordre, aurait dû, ce nous semble, accorder une protection toute spéciale au Club des Femmes, qui lui aurait fourni une somme raisonnable d’éléments à sa convenance: il est difficile, en effet, de se faire une idée du tapage effroyable, des cris incohérents qui accompagnaient les prédications des citoyennes clubistes. Les motions de ces dames provoquaient des interpellations d’une joyeuseté inimaginable. Un certain soir, les becs de gaz furent subitement éteints, et il se passa dans la salle du club des choses passablement excentriques. Une autre fois, les dames clubistes furent attendues sur le boulevard par une bande d’individus discourtois qui administrèrent à la citoyenne Niboyet et à quelques-unes de ses acolytes, une correction redoutée des très petits enfants. Une dame de. Saint-Marc quelconque (la dame de Saint-Marc exerce à Paris la profession d’agent matrimonial) engageait dernièrement un jeune célibataire très raisonnable à épouser un bas-bleu inscrit depuis longtemps déjà sur sa liste des demoiselles à marier. — C’est une nature d’élite, disait l’émule de la dame Saint-Marc; de l’esprit jusqu’au bout des doigts! Elle est femme de lettres!! ! Diable! répondit le jeune homme à marier, j’aimerais mieux qu'elle fût femme de ménage !...— Elle fait admirablement les vers. — j'aimerais mieux qu’elle les rinçât... — Mais, Monsieur, c’est une femme qui ira à la postérité!... — l’aimerais mieux qu’elle allât au marché! Ce n’est, certes, pas au Club des Femmes que le jeune célibataire dont nous venons de parler serait allé chercher une épouse à sa convenance, il aurait trouvé là sans doute beaucoup de femmes aux doigts tachés d’encre, une infinité d’Egérie, quelques Sapho; mais il est certain qu’il y aurait vainement cherché ce qu’il parait estimer par-dessus tout, une femme de ménage, une de ces femmes qui gardent la maison et filent de la laine. Disons quelques mots de celles de ces citoyennes dont les noms, à coup sûr, seront écrits dans les Annales démocratiques et sociales: et d’abord commençons par la présidente du club, la citoyenne Eugénie Niboyet. Les femmes très fortes de la Démocratie militante, les Jeanne Deroin, les Désirée Gay et autres Pauline Roland, trouvent la citoyenne Niboyet assez avancée en âge, mais très arriérée au point de vue politique; cependant, il y a longtemps déjà qu’elle prêche l’éducation démocratique et sociale du beau sexe. Un des spirituels réactionnaires de notre époque, M. de Lavarenne, s’exprime ainsi sur le compte de la citoyenne Niboyet: « Quelques beaux esprits sans emplois ouvrirent dans les salons du ministère de l’intérieur des cours de propagande politique, qui se changèrent plus d’une fois en mêlées furibondes. Les femmes fortes de l’école de Georges Sand venaient y faire leur partie, et j’ai entendu ces anges femelles du socialisme développer les théories qu’elles perlèrent plus tard dans les banquets au rabais. Une certaine madame Niboyet était la plais enragée clubiste de ces réunions ministérielles. Cette Jeanne d’Arc aux bas bleus, qui a depuis longtemps renversé as marmite, poursuivait dans tous les coins l'infortuné Ledru-Rollin, pour lui prêcher l’éducation démocratique et sociale du beau sexe. Elle voulait que le ministre fit les frais d’un Journal intitulé le Bonnet rouge, dont elle espérait un immense succès, attendu qu’elle y mêlerais l’agréable et l’utile, l’art de faire des cornichons à celui d’élever les enfants, suivi d’un nouveau moyeu de regarder les feuilles & l’envers, que Ledru-Rollin ne voulait pais vérifier. << Cette excellente Mme Niboyet datait de fort loin sa première apparition dans la république des femmes libres, il y avait un temps infini qu’elle s’était écriée que le moule du vieux monde était brisé, et qu’elle s’efforçait inutilement de faire accepter le sien. On cite, parmi ses oeuvres incomprises, une comédie de ménage intitulée le Protecteur, qu’elle mit jadis au jour avec la collaboration d’un certain N. Lurine.... la pièce tomba sous les sifflets. La citoyenne Jeanne Deroin, lorsqu’elle n’est pas détenue à Saint-Lazare, est visible tous les jours, de cinq à sept heures de relevée, à l’Association fraternelle des garçons limonadiers, rue du Roule Saint-Honoré. Elle n est pas belle, elle n’est plus jeune; ses allures sont celles d’une virago; elle est quelquefois flanquée d’un mari dont elle ne porte pas le nom, qui l’admire sur parole et qui se croit très honoré lorsque dans ses bons jours elle veut bien lui donner un canard. Elle exerce à la fois les professions de journaliste, de lingère et d’institutrice; elle a fondé en 1848 une infinité de journaux rouges qui n’ont jamais paru plusieurs jours de suite. Elle a prononcé dans les banquets démocs-socs des discours échevelés dont les frères et amis eux-mêmes ont pris la liberté grande de se moquer. Elle s’est posée elle-même comme candidate, et elle n’a jamais obtenu qu’une seule voix, celle de son infortuné mari. En définitive, elle s'est fait dernièrement condamner à plusieurs mois de prison pour avoir conspiraillé, rue Michel-le-Comte, avec des blanchisseuses et un architecte. A côté de Jeanne Deroin, et sur la même ligne, brille la citoyenne Pauline Roland, une des adeptes les plus enthousiastes du citoyen Pierre Leroux; ce grand homme que ses disciples eux-mêmes ne comprennent pas. La citoyenne Pauline Roland manie la plume la plus infatigable qui jamais ait pris place entre les doigts d’une républicaine; c’est par quintaux qu’elle envoie aux journaux rouges des manuscrits qu’ou n’imprime pas toujours, et que le public s’obstine à ne jamais lire. La citoyenne Pauline Roland se donne la qualité d’institutrice, mais nous croyons que peu de mères approuveraient les leçons qu'elle est capable de donner à de jeunes filles. Lors d’un procès récent dans lequel elle se trouvait compromise, aujourd'hui socialiste, et qu’en conséquence elle réprouvait complètement l’héritage et le mariage; que, fidèle à ses principes, elle n’avait jamais voulu avoir d’époux, mais qu’elle était la mère de trois bâtards. La demoiselle Henriette est une des notabilités du temps du Gouvernement provisoire. Qui ne se rappelle ce nom Henriette, artiste, placé au bas d’articles destinés à populariser les doctrines du citoyen Olinde Rodrigues! Le citoyen P.-J. Proudhon écrivait en ce temps-là à la Citoyenne Henriette « Eh! citoyenne, allez ravauder vos bas et écumer le pot. » Deux années se sont écoulées depuis lors, et voici que l’artiste Henriette reparaît sur l’horizon. Elle est visible chaque soir sur le boulevard Poissonnière, tenant une case à filets, et dans cette cage, de pauvres hirondelles se pressent les unes contre les autres. De temps ce temps, elle crie aux passants « Rendez la liberté aux hirondelles,—pour deux sous! » La citoyenne Constant est l’épouse d’un prêtre défroqué, le citoyen abbé Constant; elle écrit à l’heure qu’il est pour le Moniteur du soir, sous le pseudonyme de Claude Vignon*, des feuilletons artistiques. Nous ne voulons rien dire des autres citoyennes qui composaient le club des Femmes; nous sommes convaincus que ces dames, à l’heure qu’il est, regrettent beaucoup les scandales qu’elles ont provoqués. Pour être admis aux séances du club des Femmes, il fallait débourser un franc. Le club des femmes avait pour organe la Voix des Femmes, journal socialiste et politique, organe des intérêts de tous et de toutes; il se criait dans les rues avec la Canaille, le Père Duchêne, [sic] la Guillotine, et autres carrés de papier, mais il ne se vendait pas. (Lucas, pp. 136-140) ).
VESUVIENNES (Club légion des), rue Sainte Apolline, 14, fondé en mars 1848.
Ce club a fait annoncer son ouverture et la formation de la fameuse légion des Vésuviennes par l’affiche suivante, placardée sur les murs de Paris à un très grand nombre d’exemplaires.
« Paris, 1er mars 1848.
« AUX CITOYENNES PARISIENNES
« Mes soeurs on République.
« Citoyennes,
« La République vous doit le quart de son existence, c’est par vos exhortations que vos pères, vos frères, vos amis, ont affronté la mitraille le 24 février. « Vous avez mérité de la patrie, citoyennes, et c’est par cette considération que j’ai demandé au Gouvernement provisoire de vous enrégimenter, sous le titre de Vésuviennes. « L’engagement sera d’un an; pour être reçues, il faut avoir quinze ou trente ans au plus et n’être pas mariées. « Présentez-vous tous les jours de midi à quatre heures, 44, rue Sainte Apolline, où vos noms, prénoms, professions, âges et demeures seront inscrits.
« Salut et Fraternité.
« Vive, vive et vive la République!
. Club de femmes en mars 1848
Lettre de Schlésinger :Club de femmes en Mars 1848.
Dans le mois de mars 1848, nous étions de garde, Boulevard Bonne-Nouvelle, lorsqu’un attroupement considérable se fit devant le bazar Bonne-Nouvelle près du Gymnase. Après informations nous apprîmes qu’il y avait ce soir-là Club de femmes dans le petit théâtre qui s’y trouvait alors. Nous crûmes urgent d’y envoyer quelques députés sans armes et je fus du nombre. En y arrivant nous trouvâmes un très-grand nombre de femmes qui firent par leurs bavardages beaucoup de bruit. La présidente avec deux secrétaires était assise devant une petite table, avec deux bougies, sur le théâtre et ayant devant elle beaucoup de paperasses. Après avoir remué la sonnette il se fit avec peine un peu de silence; alors la Présidente se leva et dit d’un ton doctoral: « Mes soeurs, nous nous réunissons ici pour défendre le droit des femmes, chose si importante pour nous, mais avant de vous dire mes idées je voudrais bien savoir ce que vous pensez à ce sujet; c’est pourquoi j’invite les orateurs qui veulent se faire entendre à se faire inscrire au bureau. La foule de celles qui s’y rendirent fut si grande que l’on aurait cru que toutes sans exception voulaient parler. — La présidente alors pria ses soeurs de choisir 12 Déléguées parce que le temps ne permettait pas d’entendre tout le monde. Cela ne se fit pas sans des discussions très-vives, si bien que nous avions peur que ces Dames allaient se battre, enfin le silence se rétablit et alors une assez vieille femme se leva au parterre et s’écria: C’est épouvantable, vous avez choisi justement les moins capables, probablement parce qu’elles sont les plus huppées: moi qui ai étudié cette race indigne d’Etres qu’on appelle Hommes, je suis, je crois, la plus capable de donner des conseils utiles, mais vous m’avez mises [sic] de côté parce que je ne suis pas riche, on dirait vraiment que vous ne valez pas mieux que les hommes. — Un brouhaha de rires éclata alors de toutes parts, la vieille continuait toujours de crier, ou fut forcé de la mettre à la porte, mais sa résistance fut terrible. — Alors la Présidente se leva et dit: Mes soeurs, je dois vous prier de ne pas perdre un temps précieux, car il est déjà 9 heures et pour que chacune de nous puisse rentrer sans encourir les [justes cancellato] reproches de nos tyrans, il faut que tout soit terminé avant 11 heures. On tira au sort pour savoir laquelle des déléguées parlera la première, après quoi nous vîmes arriver une jeune et jolie personne très coquettement mise et qui dit: Mes soeurs! quoique jeune, j’ai déjà beaucoup d’expérience — j’ai déjà eu dix adorateurs qui ont voulu m’épouser, mais je n ai pas voulu d’eux parce que ces monstres n’étaient épris que de ma dotte [sic] et non de mes qualités, pourquoi ne pas obliger les hommes comme les femmes de faire des mariages d’amour les femmes ne demandent pas mieux que d’épouser celui qui leur plait le mieux et même quand elle est obligée [sic] de travailler pour lui procurer son existence!... Bravo! Bravo! elle a raison à bas les mariages d’argent... La seconde orateur [sic] fut une petite femme bossue, mais elle avait un air digne et paraissait très-spirituelle. « Vous avez entendu les belles paroles de mon prédécesseur, dit-elle, mais je viens vous demander comment il faudrait s’y prendre pour forcer un homme de se marier avec l’une de nous, sauront-ils jamais apprécier [sic] nos qualités et voudront-ils prendre pour épouse, une pauvre bossue comme moi p. ex. — Ce n’est qu’à la longue qu’ils savent ce que nous valons. Je propose donc, que toute femme qui veut prendre mari, devra vivre au moins 6 mois en grande intimité avec celui qu’elle aime ou avec son futur, alors il n’y aura plus jamais des mariages si malheureux et alors une pauvre bossue comme moi pourra même espérer trouver un bon mari (applaudissements unanimes). — Vint le tour d’une femme qui était grande et maigre — elle était habillée avec une négligence extrême, et les cheveux tout en désordre elle monta à la tribune et s’écria. Que vous fait donc le mariage, mes soeurs, parlons de choses plus sérieuses, car en fait de mariages, vive les saint-simoniens [sic], où un mari qui n’est pas heureux avec sa femme est obligé de lui procurer un autre mari avant de la quitter, les enfants [des 2 liaisons] sont élevés ensemble et instruits suivant leurs dispositions naturelles. — (Bravissimos frénétiques) Oui, oui, elle a raison! Il faut penser à la place que les femmes ont droit d’occuper, car personne ne niera ici que les femmes ont plus d’esprit que les hommes, pourquoi donc les femmes ne peuvent-elles pas être auteurs et faire imprimer des livres, mieux que les hommes elles sauraient les écrire — mais les hommes sont ainsi faits qu’ils n’approuvent jamais ce que les femmes écrivent — pour changer cet état de choses il n’y a qu’un moyen, c’est d’établir un juri [sic] composé de 12 femmes et de 12 hommes qui seront chargés de lire tous les manuscrits inédits et d’en faire un rapport qui sera publié, c’est alors seulement qu’un ouvrage estimable pourra se faire jour, et alors les libraires ne refuseront [sic] de faire imprimer quand une dame se présentera avec son manuscrit. C’est alors seulement que les femmes de talent se feront connaître et seront appréciés [sic] à la même valeur que les hommes — c’est justice — car voyez-vous p. ex. moi — vous savez toutes qu’on m’accorde un certain talent, j’ai déjà écrit 10 romans, eh bien, le croiriez-vous? je n’ai pas encore pu trouver un seul libraire qui voulut les publier — c’est l’injustice des hommes qui en est la cause — quoi faire? il faudrait établir des libraires femmes tout exprès pour n’imprimer que les manuscrits des femmes, je suis sûr [sic] qu’elles feraient des affaires considérables — et les bénéfices pourraient être partagées [sic] entre toutes celles qui s’associeraient pour cette bonne oeuvre. Ce discours provoqua des murmures. Alors une grande gaillarde monta à la tribune qui avait l’air très effrontée: Tout cela dit-elle a peu d’importance pour nous et se fera sans peine ci vous entrez dans mes vues. Les hommes ont fait des lois pour nous rabaisser et nous réduire à zéro. Il faut tout changer, égalité en tout, doit être notre loi et règle. Pourquoi prennent-ils pour eux seulement toutes les places et tous les honneurs, pourquoi les femmes en sont-elles exclues, notre esprit, c’est connu, est supérieur au leur alors pourquoi ne pourrions-nous pas aussi bien qu’eux, être généraux i députés et même Ministres. Il nous faut faire un nouveau Code, dans lequels [sic] les places doivent être partagées entre moitié femmes et moitié hommes, alors nous serons à notre place et leur prouverons nos capacités. Si nous voulons bien nous y parviendrons car l’influence de la femme sur l’homme, comme vous savez est immense, il ne s’agit donc que d’avoir une ferme volonté et d’être unies. Bravos prolongés.
Je vois, mes soeurs, que nous sommes toutes d’accord mettons-nous donc à l’oeuvre de suite [cancellato: et avec énergie] et avant toutes choses. — Alors une jeune fille très-élégante monta à la tribune et parla ainsi: « Tout cela est bel et bon, mais pour y arriver il faut avant tout qu’on nous en accorde le droit. — Il y a pour les hommes des collèges, des universités, des académies mais pour les jeunes filles qu’y a-t-il? rien que des pensions où on nous apprend en général de nous taire, d’obéir toujours passivement et de vaincre par la coquetterie. Il faut que cela change, il faut que les femmes comme les hommes aillent aux -collèges et aux académies, alors seulement elles seront leurs égaux [sic], seront estimées à leur juste valeur et seront appelées aux positions brillantes à la gloire, et aux honneurs. (Bravo! bravo!) Mais vous direz, peut-être, les femmes seront trop exposées aux dangers en se mêlant ainsi aux hommes moi je dis non, car une femme qui se respecte, a bien plus de vertu que les hommes et ne se laissera jamais séduire — je suis jeune et on dit que je suis jolie — eh bien mon coeur ne s’est attaché qu’à un seul homme, mais d’une supériorité rare, c’est un professeur de l’université qui a cherché à cultiver mon esprit et à élever mon âme; toutes les femmes solidement élevées auront les mêmes sentiments et seront estimées partout et en tout ». Tonnerre d’applaudissements et félicitations. Alors la suivante s’écria: pourquoi sommes-nous condamnées comme les derniers esclaves, de nous occuper des choses les plus insignifiantes, nous occuper de ménage, faire le pot-au-feu — ou bien encore les modes, est-ce un travail digne de notre esprit et pourquoi les hommes auraient-ils le privilège éternel d’en être libérés —chaque femme mariée se révoltait et forçait son mari de partager les travaux du ménage — ils finiraient bien par se soumettre, car dans le cas contraire la femme cesserait de travailler tout bonnement et le quitterait — que ferait-il alors le pauvre mari il serait bien obligé de se soumettre. Avec du courage et de la bonne volonté nous y arriverons, jurons donc dès aujourd’hui de commencer ce régime et vous verrez que cela ira mieux. La présidente alors se lève et dit : « Mes soeurs, que toutes celles qui veulent jurer lèvent la main. J’approuve cette résolution, dès ce soir il [sic] sera mis en pratique, ce sera la première bonne chose qu’aura produite notre première réunion. Maintenant, mes soeurs, dit encore la Présidente, il faut absolument nous séparer les autres déléguées parleront dans une autre séance, permettez-moi seulement de dire encore quelques mots: Tout en approuvant tout ce que vous avez dit, je veux vous faire une proposition hardie, je pense que ce sera la plus utile et la plus importante. — Vous savez que ces monstres d’hommes sont des êtres injustes et qu’il n’agissent que par la force brutale. Opposons la force contre la force; procurons-nous des armes et formons une masse immense, qui au besoin pourra se faire obéir quand même. Assemblons-nous au nombre de 2.000 au moins, toutes solidement armées, nous marcherons sur l’hôtel de ville d’où nous chasserons ces misérables lâches et prendrons leurs places — alors seulement ce sera la bonne, la véritable République!... »
*Certains historiens de l'Art prétendent à tort (j'ai moi-même commis cette erreur dans le passé) que le peintre Victor Vignon, l'ami de Vincent van Gogh, était le fils de cette Claude Vignon, femme de l'abbé défroqué Constant
09:50 Publié dans HISTOIRE DES FEMMES | Tags : Jeanne Deroin, Désirée Gay, Pauline Roland | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg
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