30/09/2006
Une petite histoire de la rue Clauzel de 1830 à 1900
Elle commence rue des Martyrs 39 et 41 ; finit aux rues et place Bréda (Henry Monnier) Le dernier impair est 29 ; le dernier pair, 18. Sa longueur est de 184 m.
2° arrondissement ( jusqu’en 1860 ), quartier de la Chaussée d’Antin.
Anciennement rue Neuve-Bréda, la dénomination de la rue Clausel, par décision de la Ville de Paris, date du 24 août 1864. Bertrand (comte de )Clauzel ou Clausel (1722-1842), fut nommé gouverneur de l’Algérie par Louis-Philippe en 1830, nommé Maréchal en 1831, puis commandant en chef de l’armée d’Afrique, il se distingua par une défaite humiliante devant Constantine et relevé de son commandement.
A l’emplacement d’un cimetière (de la paroisse Saint-Roch) dont les ossements furent transférés au cimetière Montmartre vers 1808, par décision du Préfet le Comte Frochot chargé par l'Empereur de déplacer les cimetières hors les murs (murant Paris) de la capitale. .
Les terrains vendus par adjudications furent attribués pour cette parcelle à un sieur Bréda. Un passage avait été ouvert en 1822, formé de deux voies formant à leur jonction une place triangulaire. Le 21 avril 1830, monsieur Bréda a été autorisé à convertir le passage qui portait son nom en deux rues publiques.
Les conditions imposés à ce propriétaire, fut de livrer gratuitement à la ville de Paris le sol des deux rues et de la place triangulaire qui sera formée à leur rencontre ; « de supporter les frais de pavage, d’éclairage et d’établissement de trottoir, de ne pas élever au delà de seize mètres de hauteur les maisons à construire dans la rue qui débouchera sur la rue des Martyrs, et qui n’aura que 9m,75 de largeur. L’élargissement à 11m69 de l’autre rue (Henry Monnier) aura lieu immédiatement sur tous les terrains appartenant à monsieur Bréda. La propriété du 18 bis est soumise à retranchement. Eclairage au gaz par une compagnie anglaise. »
Aux vrais Rigolards et joyeux compères
Les Potins grivoisde la concièrge de la rue Bréda, que tout le monde connaît, obtiendront certainement un grand succès. Tous les jeunes gens, les jeunes filles, les hommes mûr , même les femmes de tous âges voudront lire les racontars de Madame Beaufoiron, l'héroïne de notre petit livre. Chaque potin est un trait vif, acéré, parfois mordant, dépeignant les moeurs privés de notre société, honnête au fond, mais aux dessous libertins et cascadeurs....
A cette époque, cette partie de la butte Montmartre était occupée par de petites maisons de paysans, de viticulteurs et d'ouvriers, de fermes dépendantes de "l'Abbaye d'en bas" (dont il reste quelques vestiges rue de Navarin, rue Victor Massé et rue Clauzel. Quelques pans de murs, fontaines en ruine etc.). Quelques riches demeures, résidences secondaires de riches bourgeois, pieds à terre, et quelques garçonnières bordant la rue des Martyrs, avec la proximité des cabarets hors les murs et autres lieux de plaisir, vont faire des rue Clauzel et Henry Monnier, le centre d'attraction des dames de petite vertu que l'on baptisera Brédas, puis ensuite Lorettes.
A suivre............
Partie : II
Très rapidement, de nombreux commerces, et entreprises en tous genre s'installent dans cette rue : Un théâtre à l'angle de la rue des Martyrs (Le Théâtre Neuve-Bréda) et une salle de danse au numéro 16 (salle Saint-Georges).
Albéric Second, dans Paris à travers les âges (1844), remarque : "Une observation singulière, c'est que dans ce quartier qui vit de plaisir (...) je n'ignore pas qu'on a inauguré l'hiver dernier une salle de danse dans la rue Neuve-Bréda. Mais une Lorette un peu bien située rougirait de s'y laisser apercevoir; de temps à autres, elle permet à sa femme de chambre d'y paraître. Et puis au demeurant, qu'a-t-elle besoin de cette salle équivoque ?" L'auteur conclue son article en disant : "la rue Notre Dame de Lorette voisine, qui compte les cabinets de lecture par douzaine, ne possède pas un seul restaurant. En revanche, les rôtisseurs y abondent. Ce détail statistique résume la physiologie toute entière de ce quartier de bohême, on y mange comme on y vit....sur le pouce !"
Les premiers annuaires nous donnent un petit aperçu (très incomplet, ne figurent pas le petit peuple, ouvriers chiffoniers brocanteurs, petites mains, etc... , ) de la population et de quelques commerces et habitants de cette rue : au numéro 2, deux artistes peintres, Couder et Marilhat. Au 3, c'est un serrurier nommé Lobin. Au 7, une boutique Nizerolle et Touffin, bois à brûler . Au 8, Lagier peintre d'histoire, Delecour et Breton peintre-artiste Desportes serrurier en voitures, 8 bis, Aebersold, menuisier en voitures 10 Matzer, sellier-charron, 12 Tilmant aîné, chef d'orchestre aux Italiens Herny, architecte-vérificateur, 13 Thibault, épicier Grémillon (E.E) teneur de livres, Grémillon (Mlle) professeur de piano, 14 Dewez, menuisier, Percy (comte de), 15 Duvernoy, horloger-bijoutier, Saint-Estèves, contrôleur des contributions directes, 16, salle Saint-Georges*( la salle de danse dont nous avons parlé plus haut), 18 Collin vérificateur Berly, négociant en vins, Mazelle (Mme) négociant en vins, Schell, professeur de piano, Brely négociant en vins, 21 Carmouche, homme de lettres, 23 Hazard, vérificateur, Lebeau, peintre en bâtiments, Bachelot propriétaire, Briquelot médecin, 25 Dubrut, avocat à la cour royale, 27 Woldier, avocat à la cour royale, 29 Lesage (Mme), cabinet de lecture.
Nous pouvons remarquer qu'au numéro 18 les habitants ne risquaient pas de mourrir de soif, nous y comptons trois marchands de vins ! Si nous consultons tous les recueils d'archives de photographies des rues au XIX° siècle, il y a au moins dans chaque rue un marchant de vins, de liqueurs, un débit de boissons, limonadier, bouge ou assommoir.
Balzac disait que ces lieux d'ivrognerie "transformaient les hommes en monstres fangeux, creusés, usés étiolés, blanchis, bleuis, rabougris, rompus, tordus par l'alcool". Pour un peu, on croirait lire du Zola...
Certains lieux curieusement nommés par un détournement de langage sont appelés crèmeries,( c'est la cas de celle de la rue Saint Georges dans Germinie Lacerteux) Privat d'Anglemont nous apprend :" durant la première moitié du siècle, c'est là que se réunit toute la pooulation interlope mâle ou femelle du quartier; c'est là que l'on prend le vent, et que les nouvelles et cancans prennent naissance; elles sont fréquentées par toute une légion de femmes de pas de vertu du tout. (...) en même temps cela sert de succursale à certaines maisons qui n'ont de nom propre en aucune langur, et qui dans l'antiquité à Rome, étaient distinguées par deux flambeaux allumés. Lorsque la nuit est venue, ce sont ordinairement de vieilles et hideuses grosses femmes qui en servent d'enseigne et font -pst...pst... aux passants en leur disant des paroles obscènes".
On distinguait la devanture des marchands de vins par ses barreaux rouges, et un bouchon placé au-dessus de l'établissement, c'était une grappe de raisins bleue en tôle au-dessus de la porte d'entrée. Selon la loi du 28 avril 1816, cette enseigne ne devait en aucun cas être suspendue, ni appliques soit aux balcons, soit aux marquises, les lettres du nom du débit ne devaient pas dépasser 10mm et les panneaux fixés à moins de 2,60m au dessus du trottoir, pouvait avoir 0,16m de saillie.
Huysmans** fait la description d'un de ces établissements : "Une salle humide comme une cave, sans papier collé au mur, sans sable au sol jaune qui boive au moins le liquide rejeté par les buveurs, 6 tabourets, 2 tables en bois, et dans un coin un petit comptoir. On traverse la pièce, on pousse une porte et l'on descend 5 marches, la goguette est là (La cour fourmille de gens, les tables sont encombrées (...) un garçon demande ce que l'on veut boire; les consommations sont peu variées; tout le monde réclame un saladier et bientôt l'on entend au-dessus des voix, le bruit du sucre que l'on écrase à coups de cuillères dans un peu d'eau, puis le dégoulinage du vin qui tombe en cascade dans la faïence"
Une réglementation stricte va être établie pour contrôler ces lieux de perdition (surveillés de près par des policiers en civil). Une ordonnancede la préfecture de police du 31 mai 1833 stipule : "que les marchands de vins, cabaretiers, traiteurs, propriétaires de cafés-estaminets, "redoutes", waux-halls, guingettes et autres lieux publics (...) ne pouvaient ouvrir de bals qu'après avoir préalablement obtenu l'autorisation de la Préfecture de police." Il fallait également rétribuer le service d'un agent et d'interdire toutes les danses indécentes. L'absinthe était alors un produit de luxe qui n'atteignait pas encore les bas-fonds.
Au chapitre de l'hygiène, la propagation de la tuberculose, les épidémies de choléra, thyphoïde, était favorisée dans ces lieux par la fâcheuse habitude des parisiens de cracher à tous propos. Des crachoirs étaient soit fixés au mur, soit sur pieds.
En 1849 la surveillance s'accentue une ordonnance du 17 novembre interdit aux chanteurs, bateleurs ou musiciens d'y faire écouter des chants, déclamations, pièces de concerts sans avoir obtenu l'autorisation. Tout morceau de musique executée en public dut avoir préalablement été visé par le ministère de l'instruction publique et des Beaux-Arts....
*Heureux lecteur de ce minuscule texte (chleuasme, madame l'épistophile) cette information est inédite. Aucun répertoire, listes de salles de spectacles ou article ne mentionne la présence à cette adresse de l'éphémère salle de bal ouverte en 1843, qui ne figure plus à cette adresse en 1847 !.
A cette période (1845-1850) nous avons comme voisins dans le quartier : Balzac, qui se cache de ses créanciers chez sa soeur Laure de Surville au 41-47 rue des Martyrs, Paul Lacroix le bibliophile Jacob à la même adresse. Victor Hugo lui est au 43 rue de la Tour d'Auvergne.
**J.K Hysmans, en rade, croquis parisiens
Sources Archives de Paris
Henry-Melchior de Langle Le petit monde des cafés parisiens
Troisième partie
Nous arrivons aux années 1850, "les bienfaits de la colonisation en Algérie" vont apporter une modification dans le comportement des parisiens; une habitude, une tradition : l'heure verte, et un nouvel artisanat, une nouvelle profession, "le voleur au poivrier" Cette noble industrie consistait pour des artisans chevronnés à ennivrer des consommateurs et ensuite, de proposer de les raccompagner. Une fois en route, dès que l'on rencontrait une porte cochère, un coin sombre et isolé le brave homme émêché se voyait délésté de tous ses objets de valeur et du reste de l'argent qu'il n'avait pas dépensé dans l'estaminet. L'absinthe était connue depuis l'antiquité pour ses qualités vermifuges. MMais l'essor de ce breuvage prend sa source chez les officiers de l'armée français lors de la conquête de l'Algérie qui la préconisère comme remède contre la dysentrie. En France, un distilateur avisé, Henri-Louis Pernod, se lance dans la distilation et la fabrication à Pontarlier de "la fée Verte" qui connaîtra un succès sans précédent. "Lers boulevards à 5 heures du soir étaient parfumés à l'anis" disent les chroniqueurs de l'époque. A partir de 8 heures, des medecins étaient appelés constament pour soigner des consommateurs ayant des crises d'épilepsie , des bagarres éclataient pour un oui pour un non !
Ainsi qu'une abeille du matin
Va sucer les pleurs de l'aurore
Ou sur l'absinthe et le thym
VOLTAIRE
Le premier mois du mariage, est la lune de miel,
le second est la lune de l'absinthe
le même dans Zadig
Sa main mystérieuse et sainte
Sait cacher le mie de l'absinthe
Et la cendre dans le fruit d'or
Victor Hugo
Et dans "le coffret de Santal", L'Heure verte de Charles Cros ...
C'est le Préfet Henion, le créateur des Brigades du Tigre qui mit fin à l'épidémie galopante en interdisant la distilation et la vente en 1914 de ce breuvage assassin qui a mis fin à la carrière de tant d'artistes. Ce "médicament miracle" était obtenu grace à de savants mélanges et procédés presque alchimiques, chacun avait son secret pour l'accomoder, distilation des sommités fleuries d'absinthe avec des inflorescences de tournesol, de l'hysoppe officinale( hysopus officinalis, petit arbrisseau de 30 à 40 cm, on l'emploie comme aromatique stimulante et béchique, propriétés développées dans les sommités fleuries) avec du caramel et du safran à laquelle on ajoutait des infusions d'orties et d'anis. Pour accentuer le coloris vert foncé, certains distilateurs ajoutaient même un colorant synthétique (inventé par une de nos connaissances) Michel-Eugène Chevreul)
d'une très grande toxicité, l'aniline !!!
Artemisa absithum (Linné) on la récolte à l'époque de la floraison, qui a lieu en juillet et on la fait sécher à l'ombre. Une huile essentielle et deux matières annexes sont obtenues de la distilation des sommités fleuries de cete plante, l'une azotée, l'autre résineuse.
On peut également utiliser les feuilles d'absinthe en cataplasmes résolutifs....Les vaches qui la broutent donnent à leur lait et leur viande une saveur amère.
Pierre Larousse dans son édition de 1865 de son Grand dictionnaire du XIX° siècle nous donne dans un très long article une définition idylique : " Obtenu au départ par distilation d'absithium, du grec a privatif, sans; psintos, douceur; selon d'autres, du grec absinthion, qu'il est impossible de boire. Plante d'une odeur forte et aromatique qui doit son nom à son extrème amertume ; Les initiés d'Isis portaient des rameaux d'absinthe".
09:30 Publié dans タンギー爺さん を巡って | Lien permanent | Commentaires (2) | | | | Digg
Commentaires
pour anecdote mon arrière grand père pierre Marcel Dumur est né le 01/04/1882 14 rue Clauzel au dessus de la boutique du père TANGUY sans doute son père pierre Dumur se disaient ils bonjour tous les jours
Écrit par : alain dumur | 04/04/2014
Je vous vante pour votre exercice. c'est un vrai charge d'écriture. Développez .
Écrit par : invité | 12/08/2014
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