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18/02/2010

Harry Alis au bal-restaurant du Moulin Rouge, sur l'île de la Grande-Jatte

Par Bernard Vassor

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Georges Seurat : Un dimanche à la Grande-Jatte
Harry Alis :
Mort à trente huit ans sur un billard du restaurant le Moulin Rouge, sur l'île de la Grande Jatte, le 1 mars 1895.

L'ouvrage dont est reproduite la page de faux-titre, donne la preuve des qualités peu communes de cet homme malchanceux.

Dans un chapitre intitulé Genre posthume, l'auteur dans un récit que l'on croirait écrit par Edgard Poë en proie au délire le plus sinistre, raconte une expérience scientifique destinée à démontrer avec un luxe de détails que la tête d'un guillotiné pouvait vivre après deux minutes et demie au moins après la section. *Un médecin, le docteur Ralph Verly, utilisait pour cela les moyens les plus modernes que n'avait pas pû utiliser le siècle précédent le docteur Cabanis. La photographie pour témoigner de l'instant ultime, l'appareil étant actionné par un procédé mécanique ingénieux prenait des images pendant deux minutes et demie et accusait des clignements d'yeux. Le phonographe ensuite pour enregistrer la parole du supplicié :

SOUFFRE PAS....SECOUSSE ENORME....MAL AU COEUR....

Un appareil penthographique avait "en caractères viollâtres extravasés" transmis sur une plaque une phrase d'abord nettement tracée, puis finie dans un tremblement : -J'ECRIS APRES LA SECTION DU....

...............

Plus stuféfiant encore le chapitre intitulé : "Les Cinq sens".

Dans ce chapitre que l'on croirait écrit aujourd'hui, décrit minutieusement ce qui n'avait pas de nom à l'époque, que les scientifiques appellent aujourd'hui "La Synesthésie". Ce don de la nature chez un individu qui associe plusieurs sens à la fois, l'ouïe, le goût, l'odorat, le toucher , la perception  des couleurs. Phénomène étudié depuis Aristote, et qui aujourd'hui encore est un mystère pour bon nombre de savants, est expliqué très simplement par Harry Alis ! Stupéfiant !

 

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De son véritable nom Jules-Hippolyte Percher, il vit le jour le 7 octobre 1857 à Couloeuvre dans l'Allier.
Après des études studieuses à Moulin où il rencontra Maurice Guillemot son aîné, professeur et homme de lettres.
C'est lui qui le conduisit au Quartier Latin, fréquenta les cafés et les brasserie littéraires (le jour, un peu moins la nuit).
Il écrivit dans sa chambre sous les combles, des poèmes, des débuts de romans restés inachevés, faute de trouver un journal où les publier. Seuls les écrivains arrivés trouvaient place dans des journaux inféodés à diverses cabales politiques ou religieuses.
La terreur qui avait suivi la répression sanglante de la Commune, n'encourageait pas les patrons de presse à ouvrir leurs colonnes à de jeunes gens souvent des révoltés. "Seuls les Daudet, Zola, Goncourt (Edmond), Dumas fils, Sardou, Augier, Meilhac et Halévy accaparaient les pages des revues des journaux. Ces gens posés, donnaient le ton et faisait les réputations**".
C'est à la fameuse brasserie Sherry-Cobbler, boulevard Saint-Michel qu'il rencontra Goudeau, Gill, Sapeck, les frères Cros, Richepin et ceux qui furent les prem iers Hydropathes.
Les circonstances de sa mort furent aussi tragiques que l'avaient été certaines périodes de sa vie qui seront développées dans un prochain article. Sa biographie dépasse largement le cadre de ce petit blog.
Pour d'obscures raisons, il fut provoqué en duel par un de ses camarades du Comité de l'Afrique française. Une lettre fut jugée offensante par son ami Le Chatelier, qui lui envoya ses témoins. Le duel à l'épée eut lieu le 1 mars 1895 à 11 heures trente du matin à l'île de la Grande Jatte, dans la salle de bal du restaurant "Le Moulin-Rouge'. Le tenancier vint le chercher dans sa voiture et le conduisit bras-dessus-bras-dessous dans la salle de bal, où en lettres d'or, s'étalait une inscription extraite de vers de Dante : "Vous qui passez, venez vous réjouir"
Les deux hommes montèrent l'escalier à double rampe qui conduisait à la salle de restaurant, vide pour la circonstance.
Le Chatelier était déja là avec ses témoins. Les combattants, en manches de chemises avec un plastron se mirent en garde. Le combat dura peu, Harry fut touché sous l'aisselle droite. Il chancela, porta la main à sa poitrine. Les témoins l'aidèrent à s'asseoire sur une chaise. Des médecins posèrent un tampon d'ouate sur la plaie. L'épée avait transpercée la poitrine. Alis murmura : "je suis perdu'", il ferma les yeux, il était mort. En attendant le commissaire de police de Levallois, on transporta son corps au rez-de-chaussée sur un billard que l'on avait recouvert d'un drap.
Les journaux ne firent pas beaucoup d'écho en parlant de son oeuvre. Les écrivains et les critiques pas davantage.
Seul, Charles Mauras rendit hommage au talent de l"écrivain :
"Je reste fidèle au souvenir que nous laissa en 1889 ou 1890, un petit recueil de nouvelles signé Harry Alis intitulé : "Quelques fous". On y voyait passer mille personnages étranges mais très beaux de logique et dessinés avec une grande énergie. J'avoue que je fus sur le point de me demander si l'auteur du livre ne serait pas notre Edgard Poë".
Le procès de Le Chatelier, qui se tint le 16 mai 1895 nous en apprend quelques détails. Le Chatelier était poursuivi sous l'accusation de "coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner". L'audience était présidée par le conseiller Benoit et l'avocat général Lombard qui sollicitera en fin d'audience un acquittement général. Tout au bout du banc des accusés, un gros petit bonhomme, rougeaud à la mine épanouie et bourgeonnée qui semblait s'amuser énormément : c'était monsieur Hubert le patron du bal de l'île de la Grande-Jatte. Le président interrogeant  ce monsieur Hubert qui faisait "des mots" en ricanant : "Votre salle de bal, demande le président,  est le rendez-vous de tous les duellistes ? " La réponse du sieur Hubert fit rire toute la salle : "Que voulez-vous? Je suis dans les affaires. Si les gens qui voulaient se battre n'allaient pas chez moi, ils iraient ailleurs ! La plupart du temps, ça se terminait par une piqure et l'on repartait bons amis. En quelque sorte, ma salle est un terrain de conciliation !" Ce qui est moins comique se trouvait sur la table des pièces à conviction : une épée dont la lame tordue avec la pointe en forme de crochet. Harry Alis av ait été transpercé sous l'aisselle droite, la lame ressortit sous l'aisselle gauche....
Un témoin fut entendu, c'était un liquoriste blanchisseur en même temps voisin du patron du bal. La salle de monsieur Hubert, dit ce témoin est le rendez-vous  des duellistes. Pendant l'hiver dernier, on s'y est battu plus de dix fois. Il y a dans le jardin des kiosques, "La Bouteille de Champagne" et le "Salon de la Meunière" d'où l'on peut parfaitement observer tout ce qui se passe dans la salle de bal. Les curieux s'y rassemblent tout en prenant des consommations.
Monsieur Hubert sur un ton furibard : "-C'est absolument faux. Ce blanchisseur là n'est pas venu pour me blanchir. Monsieur est un concurrent. Môssieur est en froid avec moi !"
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La conclusion de ce procès rapportée par le jury, presque sans délibération fut un acquittement général. Le public très impressionné sort silencieusement de la salle d'audience pendant que l'avocat général signe l'ordre de mise en liberté immédiate.
*Une expérience de ce type avait été tentée par le docteur Pierre-Jean-Georges Cabanis, avec pour contradicteur le chirurgien Jean-Joseph Suele père d'Eugène
**Auriant, déjà cité.
Archives de la préfecture de Police.

Mise à jour le 18/02/2010

26/04/2008

"L'ILLUSTRE SAPECK", QUEL SACRE FUMISTE !!! DE PLUS, IL FUT INCOHERENT ET HYDROPATHE

PAR BERNARD VASSOR

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Sapeck (1853-1891)
Alphonse Allais, son ami et complice, longtemps inséparable, raconte que comme Homère, plusieurs villes se disputaient le lieu de naissance de Sapeck, l'Empereur des fumistes, . Certains le font naître à Bourges, d'autres à Lannion, Vapereau est muet sur ce détail. Sapeck quand à lui refusait de donner des éclaircissements, dans l'espoir d'avoir une statue dans chaque ville après sa mort. La ville de Honfleur l'honorât après son séjour chez la mère Toutain pour les services exceptionnels qu'il avait rendu aux honfleurais. Seule, une seule voix s'éleva dans le Calvados, celle du curé de Penne-de-Pieprès de Honleur, car Sapeck avait crû devoir peindre sur les flans de l'âne de cet honorable ecclésiastique deux vues de la côte normande. Les premières traces de Sapeck (de son nom véritable Eugène-François-Bonaventure Bataille)au collège Sainte-Barbe en 1860 où il fit la connaissance de Richepin, de Paul Bourget, des frères Bouchor. Il prit des cours de dessin auprès d'André Gillet suivit des études de droit à Douai et à Poitiers. Pendant une dizaine d'années il exerça ses talents de fumiste sur les pions du collège. Puis dans tout le quartier latin où il exécutait les pires farces avec une fantaisie et un sang-froid merveilleux. Plusieurs journaux firent sa réputation en relatant les facéties de Sapeck caricaturistes des Écoles,  il était aussi peintre, musicien, poète. Alphonse Allais conclut l'éloge de son ami par : "L'illustre Sapeck, le grand-maître du fumisme, le beau rieur infatigable qui a osé jeter au nez des bourgeois de la rive gauche" (ce qui ne l'empêchait pas de les exercer sur la rive droite*) le premier éclat de rire depuis la guerre (de 1870).
 VIVE SAPECK !
Alphonse Allais
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La notice biographique du livre déjà cité :
Emile Goudeau, dix ans de bohème, avec des notes de Jean-Didier Wagneur, Micehl le Golfier et Patrick Ramseyer aux éditions Champ Vallon 2000, nous donne des indications précieuses sur la véritable biographie de Sapeck.
Nous apprenons ainsi qu'il est mort à l'Hôpital de Clermont-d'Oise (asile d'aliéné, où les Goncourt font aussi mourir "La Fille Élisa".)
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*L'histoire suivante est racontée dans un journal satyrique:
A la suite d'un pari, Sapeck s'était engagé à arrêter seul la circulation au carrefour du boulevard et de la rue Montmartre, lieu où la circulation était la plus dense à l'époque. Il s'y prit de la façon suivante, à l'aide d'un carnet, d'un crayon, et d'une chaîne d'arpenteur qu'il tendit d'un côté du boulevard à l'autre, il stoppa tous les véhicules, consultant son carnet, faisant des calculs à voix haute, revenant sans cesse d'un trottoir, au milieu de la chaussée. Tout cela pendant une demi-heure, provoquant le plus grand embarras que le quartier avait connu.....