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14/09/2008

REPONSE A L'ARTICLE PRECEDENT : POSSIBILITE QUE LA TOILE DE VINCENT REPRESENTE LE PORTRAIT DE LA "MERE TANGUY' PAR BENOIT LANDAIS

Benoit Landais est un chercheur installé aux Pays-Bas, il est l'auteur de nombreux ouvrages consacrés à Vincent van Gogh pour qui il nourrit une véritable passion.
Il est considéré comme "le chevalier blanc" de sa mémoire pour les uns, "la bête noire" des musées pour les autres en raison de sa traque des faux et du vrai. Ses enquêtes toujours très documentées prennent en défaut bon nombres "d'experts".
Tout amateur de van Gogh doit avoir lu : L'Affaire Gachet : l'audace des bandits , éditions Lelayeur 1999
  • ISBN-10: 2911468228
  • ISBN-13: 978-2911468223
26fffb602ef0ee7bb5595e21a3a3e707.jpg
Editions : Les Impressions Nouvelles, collection Bâtons rompus
ISBN
: 2-906131-67-9
EAN  : 9782906131675 

 PAR BENOIT LANDAIS

A la suite de l'article précédent, Benoit Landais m'a envoyé la réponse très documentée et argumentée suivante qu'il m'autorise à publier : 

Je suis allé voir[l'article]. Ce n'est pas gagné!, comme on dit. Il faudrait une meilleure définition pour être tout à fait certain, mais en l'état… J'ignore qui a suggéré qu'il s'agissait d'un portrait de la dame au cerveau en pierre de silex, mais les données d'histoire de l'art que je rasemble — et que vous pouvez placer sur votre site si vous le désirez — malmènent l'hypothèse.  

Bien à vous, 

 Benoit Landais

.....................

Quoique vague, ressemblance entre la toile et la photo ne conduit pas écarter la possibilité que le personnage puisse être la "vénéneuse" Madame Tanguy dont Vincent dit avoir peint le portrait à Paris : "J'ai encore pensé que si tu veux te rappeler que j'ai fait le portrait du père Tanguy, qu'il a encore celui de la mère Tanguy (qu'ils ont vendu)" Lettre 506. En bonne logique, il faut admettre que si ce portrait n'est pas celui que Vincent évoque, l'autre est perdu, car aucun autre portrait retenu au catalogue ne s'apparente la photo réapparue. Il y a, pour soutenir l'éventualité d'un portrait de la "fausse, traître, folle folle" (574), le fait que le tableau est signé, ce qui irait dans le sens d'un portrait offert ou à offrir, mais… Mais l’historique dresse une barrière. 

Le tableau ne peut avoir été celui vendu par les Tanguy, car il était dans la collection de la famille Van Gogh.  Le Account Bookdu musée Van Gogh (2003) donne pour provenance sa vente, par Johanna Van Gogh, pour 11800 florins,  le  23 mars 1910 à  la Kunstverein Frankfurt am Main, à Ed. Simon-Wolfskehl". Il est identifié comme " Vrouwenportret(Portrait de femme en néerlandais) et signalé comme exposé sous le numéro 74 en 1905 à la rétrospective organisée à Amsterdam. Cette identification se recoupe. En 1907, Johanna van Gogh envoie, pour l'exposition qui aura lieu début 1908 à la Galerie Berhneim Jeune à Paris, parmi 102 tableaux, son numéro 74 "étude de femme" (n° 22 de sa liste) qu'elle estime alors à 1000 francs et qu'Eugène Druet photographie sur une plaque de 30x40 (cliché numéro 20061)  seconde plaque de ce format dans une série continue de clichés de 53 toiles.  Il faudrait donc, pour qu’il s’agisse d’un portrait de Mme Tanguy qu'il en ait existé deux versions dont celle que Johanna cède. Cette éventualité est malmenée par l'inventaire de la collection dressé juste après l'enfermement de Theo en octobre 1890. S'il y avait eu, parmi les toiles de Theo, un second portrait de Mme Tanguy, il aurait figuré sous cet intitulé, car ses rédacteurs, le frère de Johanna qui inscrit et Bernard et Tanguy qui lui dictent, n'auraient pu manquer d'identifier l'épouse de celui chez qui la liste est (au moins pour partie) dressée. On ne peut être absolument formel (la qualité de l’image reproduite ne le permet pas) mais il est raisonnable de regarder comme hautement improbable  l’éventualité que le tableau repésente la bobine de "Xanthippe". 

Ajoutons qu'avant les années 30 (tandis qu'il reste des contemporains l'ayant connue) aucun trois des auteurs qui reproduisent le portrait dans leurs ouvrages : Florent Fels (p 59),  Paul Colin (planche 7) ou De la Faille (n° 373) n'identifie la toile comme un possible portait de Mme Tanguy. 

Il semble donc que le signalement de son portrait par Vincent ait poussé quelque commentateur — pressé et ayant horreur du vide — à opérer le rapprochement hasardeux. C’est tellement mieux quand tout colle !  Mais parfois…

Benoit Landais

   

Commentaires

Magistrale explication, indeed! MAIS… je refais la mouche du coche: qu'est-ce qui s'opposerait à ce que la toile soit restée dans la collection de Théo à Paris (ou dans le fatras de l'arrière-boutique), et partant, ait échoué dans celle de Johanna (ou qu'il lui ait été rendu par la suite, échappant ainsi aux inventaires)? (il a quand même coulé de l'eau sous les ponts entre 87 et 1910) Quoique signée (mais V. ne signait pas exclusivement les toiles qu'il offrait, pensé-je), elle aurait très bien pu lui être renvoyée en travers de la figure par Madame Tanguy qui avait déjà assez de croûtes comme ça à la boutique pour ne pas en plus avoir à supporter la présence d'un autre ratage la concernant de près. On peut également imaginer le père Tanguy en diplomate: "Mon p'tit Vincent, c'est très gentil, mais je pense qu'il vaut mieux que vous le rameniez à la maison. Vous savez, Renée n'y entend rien à l'art…" Enfin, c'est juste ce que j'en dis, histoire d'imaginer l'Histoire par le tout petit bout de la lorgnette… et de faire rager les rageurs.

Écrit par : isabelle | 14/09/2008

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