22/03/2007
MARCELIN DESBOUTIN GRANDEUR ET DECADENCE
Par Bernard Vassor
Né en 1823, à Cérilly, mort à Nice en 1902. Connu comme graveur, il est est méconnu comme peintre. Il a produit plus de mille toiles. Zola a dit de lui :"Desboutin est impressionniste dans ce que l'impressionnisme a de plus profond".
Il est parent du célèbre polémiste Henri Rochefort.. Sa famille possède une grosse fortune terrienne. Après son premier mariage, il s'installe à Florence où il possède un palais baptisée "L'Ombrellino" Il mène une vie fastueuse et dépense sans compter en réceptions d'amis artistes de tous bords, dont le groupe des "Macchiaioli" qu'il retrouvera à Paris. Acculé à la ruine par la spéculation foncière,il quitte l'Italie en 1870pour s'installer à Genève. En 1871, il fréquente les proscrits de la Commune qui : "envahissent les bistrots des Pâquis, des Grottes, les pensions ouvrières de la Terrassière, des Glacis-de-Rive. A Carouge des réfugiés, sont si nombreux qu’ils forment un îlot dans la ville et les bicoques qu’ils habitent deviennent le « Petit Paris. " (...) Mais à côté de la grande armée des prolétaire qui ont fui la mort, la déportation, on rencontre de nombreux intellectuels révolutionnaires, des artistes, anciens suppôts des brasserie de la rive gauche, ennemis personnels de Napoléon III ou de « l’Espagnole ». Ceux-là fréquentent les grands cafés, le « Nord », la « Couronne », le « Levant ».
"Presque dans le même temps arrive d’Italie à Genève le peintre et aquafortiste Marcellin Desboutin, grand seigneur ruiné, qui pense pouvoir gagner largement sa vie dans la belle métropole touristique et intellectuelle. Bien vite la réalité la détrompe. Si le succès d’estime est complet, si les Genevois sont à la fois éblouis et émerveillés par la facilité et la dextérité du peintre, s’ils admirent ses portrait enlevés en deux, trois séances, ils ne vont tout de même pas jusqu’à mettre la main à leur poche et à ouvrir leur porte monnaie. Le grand artiste, sera un des plus célèbres graveurs de son siècle, a loué pour trois cents francs, maison Bellami au Pré-l’Evêque, un vaste appartement avec une ribambelle de pièces en enfilade où sa famille loge à l’aise. Lui-même, sur les conseils de Nina et de ses amis, a ouvert un atelier au bord du lac, près de la Promenade et le Tout-Genève défile. Y défile seulement, sans passer de commandes, hélas ! Desboutin est navré, marri, inquiet. Il fait part de ses craintes à son ami Raisin, l’avocat, à son ami Marc Monnier qui le consolent et essayent en vain de lui faire obtenir des commandes. C’est à cette époque qu’un ami de Courbet, Pia, ouvre rue du Mont-Blanc, la Première galerie de tableaux où pour quelques billets de cent francs on peut acheter des Manet, des Millet, des Courbet, des Delacroix et des Corot. Mais décidément les Genevois ne savent pas voir ni même spéculer sur les œuvres d’art et l’audacieux doit bientôt fermer boutique. Il va de soi que Desboutin a pris contact, dès son arrivée, avec ces gens de l’exil, avec les grands seigneurs de la proscription, et qu’il a fréquenté avec plaisir la belle Nina, dont il fera plus tard une pointe sèche devenue aujourd’hui d’une insigne rareté. Pour se consoler Desboutin lui lit en confrère des drames qu’il compose ou corrige dans la cité de Calvin, notamment Le Cardinal Dubois, Madame Roland et, aussi une comédie d’une verve incontestable. Sa verve à dire vrai est dépensée en vain, nul ne songe à jouer les chefs-d’œuvre dramatiques de Marcellin Desboutin. Pour comble, il a horreur du climat de Genève et de cet hiver qui, pendant deux mois, prive du moindre rayon de soleil et l’ensevelit dans un linceul de brume.
Nina et sa mère essayent d’encourager le grand artiste, ses amis les proscrits le voient, le réconfortent. Desboutin ne pourra jamais s’habituer aux sautes d’humeur de la température genevoise, pas d’avantage au caractère grincheux des gens d’ici, à leur ladrerie, leur avarice, leur mesquinerie. Il quitta notre ville en juillet 1872. Nina à son tour sent l’ennui la gagner. Quel silence soudain sous les arbres des Pâquis ! C’est que la plupart de ses bruyants amis ont dû quitter la pension des Charmettes.
Quelqu’un a vendu la mèche au père Lerou qui, stupéfait, a appris que ces jeunes viveurs, ces seigneurs fastueux et pleins d’or, d’entrain et de gaieté, n’étaient autre que des « Révolutionnaires ”. Ca n’a pas trainé et les Parisiens ont reçu congé. Toute la nichée s’est envolée, égaillée aux quatre coins de la cité et Nina, une fois de plus, cherche dans l’art les éternelles consolation qu’il prodigue toujours aux âmes en peine. Elle donne des concerts au Casino de Saint-Pierre où, quelques lustres plus tôt, se fit applaudir Liszt,"*
Nina et sa mère essayent d’encourager le grand artiste, ses amis les proscrits le voient, le réconfortent. Desboutin ne pourra jamais s’habituer aux sautes d’humeur de la température genevoise, pas d’avantage au caractère grincheux des gens d’ici, à leur ladrerie, leur avarice, leur mesquinerie. Il quitta notre ville en juillet 1872. Nina à son tour sent l’ennui la gagner. Quel silence soudain sous les arbres des Pâquis ! C’est que la plupart de ses bruyants amis ont dû quitter la pension des Charmettes.
Quelqu’un a vendu la mèche au père Lerou qui, stupéfait, a appris que ces jeunes viveurs, ces seigneurs fastueux et pleins d’or, d’entrain et de gaieté, n’étaient autre que des « Révolutionnaires ”. Ca n’a pas trainé et les Parisiens ont reçu congé. Toute la nichée s’est envolée, égaillée aux quatre coins de la cité et Nina, une fois de plus, cherche dans l’art les éternelles consolation qu’il prodigue toujours aux âmes en peine. Elle donne des concerts au Casino de Saint-Pierre où, quelques lustres plus tôt, se fit applaudir Liszt,"*
Il revient à Paris en 1873 et fait sensation au café Guerbois, où Manet le prend pour un marchand ambulant. Il donne six toiles à la deuxième exposition impressionniste. Il a de nombreux amis et est apprécié de tout le monde, mais il ne vend rien. Seule la gravure lui permet de subsister. Après 1875, c'est au café La Nouvelle Athènes qu'il expose ses théories. Il vit dans une cabane en bois de la rue Forest en planches disjointes dont les courants d'air sont atténués par des tapisseries italiennes et quelques toiles savamment clouées au mur. Par l'intermédiaire de Philippe Burty, il va rencontrer Edmond de Goncourt et Degas qui deviendront ses amis. Samedi 6 février 1875 :
"Un artiste nommé Desboutin, que je ne connaissait pas, a apporté chez Burty (15 boulevard Montmartre)) jeudi, deux ou trois portaits à la pointe sèche, des planches suprêmement artistiques. Je les ai admirées ces pointes sèches. Il m'a offert de me "portraire" et rendez-vous a été pris aujourd'hui. Je vais le trouver aux Batignoles avec Burty. L'ateleir est dans la cour d'une cité ouvrière, bruyante de toutes les industries de bois et de fer. Il est construit en planches mal jointes que recouvrent au-dedans d'immenses tapisseries rapportées d'Italie (...)"
Il vivait dans ce taudis avec ses huit enfants sans jamais se plaindre.
*Extrait de Par F. Fournier-Marcigny Une muse parisienne à Genève Nina de Villard, Almanach du Vieux Genève, La Genève d’autrefois. Willy Aeshlimann, 1946
18:10 Publié dans LES PEINTRES INCLASSABLES | Lien permanent | Commentaires (4) | | | | Digg
Commentaires
juste pour vous informer que je suis propriétaire d'un superbe tableau de Desboutin.
Il est actuellement en dépos dans un musée pour quelques mois encore
vous pouvez me contacter.
Écrit par : LADJADJ.JEAN | 27/09/2009
Notre famille possède des eaux-fortes de M. Desboutin. Elles sont dans la famille depuis la fin du XIXe car l'ancêtre était son ami (à Grasse). Ce sont les reproductions de tableaux de Fragonard. Il y en a 4 sur les cinq décrites sur Internet. Qui cela peut-il intéresser ? Pas le musée de Grasse, pas les salles de ventes. Que faire de ces oeuvres ? Décharge, fumée ? Quel dommage ! Avez-vous une idée ?
De la même époque, les 75 numéros de "La Lanterne de l'Empire", reliés en trois volumes, venant du même ancêtre, ont-ils un intérêt ?
Merci de me contacter par courriel.
N. Vincent
Écrit par : VINCENT Nicole | 08/06/2010
Habitant à Cérilly (lieu naissance M. Desboutin) je fais partie de l'Association "Mémoire de Cérilly" qui oeuvre notamment à faire perdurer les oeuvres de nos 3 grands hommes (Philippe, Péron et Desboutin). Nous allons sans doute refaire une exposition sur l'oeuvre de Desboutin très bientôt. B. Duplaix qui a écrit sur Desboutin, vient de nous céder les notes qui lui ont servi à écrire son livre, ce mois-ci. Vos oeuvres intéresseraient sans aucun doute notre Association.
Nous pouvons prendre contact. Merci.
M. Couteau
Écrit par : COUTEAU Monique | 29/05/2012
Habitant à Cérilly (lieu naissance M. Desboutin) je fais partie de l'Association "Mémoire de Cérilly" qui oeuvre notamment à faire perdurer les oeuvres de nos 3 grands hommes (Philippe, Péron et Desboutin). Nous allons sans doute refaire une exposition sur l'oeuvre de Desboutin très bientôt. B. Duplaix qui a écrit sur Desboutin, vient de nous céder les notes qui lui ont servi à écrire son livre, ce mois-ci. Vos oeuvres intéresseraient sans aucun doute notre Association.
Nous pouvons prendre contact. Merci.
M. Couteau
Écrit par : COUTEAU Monique | 29/05/2012
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