24/12/2009
Un chant de guerre sanguinaire : le "Chant de guerre pour l'armée du Rhin"
PAR BERNARD VASSOR
Isidore Pils : Musée de la Ville de Strasbourg.
Peint en 1848, cette toile dont l'auteur prétend à une reconstitution historique de la création à Strasbourg de l'hymne national.
Il existe de nombreuses versions de l'histoire de ce chant, qui laisse encore aujourd'hui des zones d'ombre concernant le compositeur de ce "Chant de guerre de l'armée du Rhin" dédiée au maréchal Nicolas Lukner (guillotiné).
C'est dans la nuit du 25 au 26 avril 1792, que le capitaine du génie Rouget de Lisle aurait selon certains récits apocryphes, écrit et chanté six des sept couplets qui lui avait été commandés par le baron Philippe-Frédéric de Dietrich (guillotiné), banquier et maire de Strasbourg depuis 1790.
Sur les murs de la ville étaient placardées des affiches, inspirées par "Les Amis de la Constitution" où l'on pouvait lire :
"Aux armes citoyens
L'étendard de la guerre est déployé
Il faut combattre vaincre ou mourir"
Jusqu'ici, tout le monde est presque d'accord....Où tout le monde diverge, c'est sur le compositeur de la musique et le déroulement de cette soirée. C'est sur la place Broglie, demeure du baron (aujourd'hui à l'emplacement de la Banque de France) que la femme de Dietrich raconte dans une lettre à son frère, qu'elle a "arrangé la partition pour le clavecin et d'autres instruments" aidée disent certains par Ignaz Pleyel (qui a bien failli lui aussi être guillotiné), familier de ce salon et maître de chapelle de la cathédrale de Strasbourg. Ce qui me semble bien improbable quand nous savons que Pleyel était autrichien, et que la déclaration de guerre était dirigée contre François II empereur du Saint-Empire romain germanique, premier empereur héréditaire d'Autriche. Certains mentionnent que c'est le baron lui-même qui aurait chanté le premier place Broglie (de Broglie), avec sa jolie voix de ténor, les six premiers couplets de ce chant, qui fit couler beaucoup d'encre et de sang. Des descendants de Dietrich sont intervenus en 1848 auprès de Lamartine pour faire rétablir la (leur) vérité, en vain !
La plus grande confusion règne, l'hymne à la liberté, composé et mis en musique primitivement par Pleyel en 1791 pour l'acceptation du premier acte constitutionnel à Strasbourg, auquel fut associé le nom de Rouget de Lisle et aucun document mentionnant qu'il est l'auteur de l'hymne de l'armée du Rhin, ne prouve aucunement que la musique lui appartienne. Une seule fois, en 1825, dans un recueil, Rouget s'était approprié la composition de ce chant, englobant "Cinquante chants français" trente cinq ans plus tard. Tous les témoins étant "montés sur la veuve" (sauf Ignaz Pleyel qui s'était retiré à Saint-Prix, près de Montmorency un an plus tôt (1824) laissant à son fils Camille la direction de sa fabrique rue Cadet)
Le nom de Jean-Frédéric Edelmann (guillotiné) apparaît comme le plus probable. Sylvie Pécot, laissant la direction de sa fabrique à son fils Camille) (décédée il y a cinq ans) musicologue, professeur de clavecin, après de minutieuses et convaincantes recherches a démontré que la paternité en revenait à Edelmann.
Une autre hypothèse penche fortement en faveur de Jean-Baptiste Grison, maître de chapelle à Saint-Omer, organiste, compositeur, haute-contre, un oratorio (Esther) dont le manuscrit original de cinq ans antérieur, présente de nombreuses et troublantes similitudes avec l'hymne en question. Rappelons qu'avant d'arriver à Strasbourg, Rouget était en garnison à Saint-Omer. (un article sur internet, par une savante rhétorique, réussit le tour de force de prouver que c'est parce que Rouget était en garnison à Saint-Omer quelques années plus tôt que Grison a écrit cette oeuvre !!!)
A écouter sur :
http://dailynord.fr/2009/12/marseillaise-identite-nationale/
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A Marseille, rue Thubaneau, selon les uns, rue du Tapis Vert selon d'autres, François Mireur, venu de Montpellier, entonna le 22 juin 1792, devant le Club des Amis de la Constitution, le Chant de guerre de l'armée du Rhin qui exalta l'assistance, et qui fut publié le lendemain par des journaux locaux. Les Marseillais, après être monté à l'assaut des forts, dont celui de Saint-Nicolas. Puis, au moment de la création par l'Assemblée Législative à Soisson, à l'appel du conventionnel Barbaroux, un bataillon partit de Marseille, et prit part le 10 août à l'assaut des Tuileries en entonnant l'hymne créé à Strasbourg, et qui frappa si fort les esprits, qu'il fut baptisé "L'Hymne des Marseillois". La Ville de Marseille fit graver sur une table de marbre le nom d'une trentaine de soldats tués, lors de l'attaque des Tuileries.
Une version en 1793.
Les paroles de cet hymne outrancier et sanguinolent, commandées par une situation d'urgence, furent partiellement corrigées. Un septième couplet fut ajouté au mois d'octobre, appelé "le couplet des enfans" puis, à plusieurs reprises, des fautes de versification furent corrigées lors de modifications d'orchestration.
Nous pourrions demander, comme pour la violence à la télévision, une signalétique interdisant l'audition aux enfants de moins de douze ans.
Rappelons que parmi tout ce petit monde, à Strasbourg, Edelmann, Dietrich, Nicolas Luckner à qui le chant patriotique était dédié, furent guillotinés !!!! Rouget un moment considéré comme suspect, fut à deux doigts de monter sur "la bascule du monte à regret". Pleyel, fut contraint de composer d'autres musiques patriotiques sous peine de voire se raccourcir sa taille et la durée de sa vie sur son acte d'état-civil.
Le symbole de l'identité nationale ne serait-il qu'une supercherie ?
A suivre..........
17:16 Publié dans HISTOIRE | Tags : rouget, edelman, grison, pleyel, barbaroux | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg