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12/01/2009

Les petits théâtres du boulevard du Temple; troisième partie

Par Bernard Vassor

Au Théâtre du Lycée dramatique qui devint plus tard le Théâtre des Patagoniens

Mlle Rose et Mlle Malaga.

 
Mademoiselle Malaga et son père, le bonimenteur
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Qui se souvient aujourd'hui des reines de la danse du boulevard du Temple ? Leur gloire s'étendait bien au-delà de Paris. Dans une petite salle en bois, le Théâtre des Patagonniens,  Mlle Rose, dont nous ne savons pas grand chose, elle ne figure dans aucune biographie que j'ai pu consulter, mais qui est restée dans la mémoire de certains mémorialistes, à l'égale de Malaga à laquelle la gloire était liée. Certains racontent qu'elle avait un humour et une désinvolture inimitable.Elle portait des habits de soie bariolés, de longues tresses pendantes ornées de pièces d'or et de beaux colliers de verre que l'on voit sur les femmes vénitiennes. On la voyait parfois la tête en bas, et les pieds en l'air, en équilibre sur un chandelier. Elle jouait du tambourin, dans une danse échevelée, et folle du midi, se renversant avec grâce. Mais c'était avant tout une funambule, bravant les lois de la gravité sur une corde tendue et regardant le sol avec un souverain mépris. Mademoiselle Rose fut surnommée "la belle Tourneuse". Voilà en quoi consistaient les exercices : elle s'avançait sur scène et dansait une sarabande échevelée. Puis, elle demandait des épées aux cavaliers, et s'en piquait trois dans le coin de chaque oeil. Alors, elle s'enlevait sur la corde tendue avec une vigueur inouïe et tournait pendant un quart d'heure, avec une rapidité telle que les yeux des spectateurs en étaient tout éblouis. Un témoin raconte, qu'il avait vu à la fin du spectacle la pointe des épées rougies de sang. Non seulement Mlle Rose exécutait le tour des épées, mais elle allait jusqu'à tourner sur elle-même avec des épées posées sur sa poitrine ou dans ses narines.
Un érudit raconte que cette danse tirait ses origines de la danse sacrée des "Saliens" prêtres de Mars, instituée chez les romains.
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Françoise-Catherine Bénéfand dite Mlle Malaga qui était moins brillante que Rose, mais elle avait plus de charme et de beauté. C'était une jeune fille aux cheveux abondants, blonds disaient les uns, bruns profond disaient les autres. à la bouche fraîche et souriante, aux yeux pleins d'expression. Née funambule, elle avait su introduire dans son art cette chasteté de gestes et de poses que l'on admira tant plus tard chez Marie Taglioni. De plus chose étrange pour une danseuse, elle se conduisait bien. C'était son
père qui faisait à la porte du théâtre l'énumération pompeuse des merveilles offertes au public, qu'on nomme le boniment et qui invitait le chaland à venir jouir du spectacle à l'intérieur. Le boniment était un art à part entière, il avait ses règles, son répertoire, ses provocations et ses audaces. On ne peut parler de Malaga sans évoquer le nom du "père Rousseau" qui faisait le pitre entre deux entrechats de la danseuse. Il était le plus âgé des pîtres de Paris, gros, court sur pattes, un visage souriant et spirituel, il possédait un répertoire de parades infini qu'il débitait avec bonhomie devant un autoire toujours plus nombreux. Devenu trop vieux pour continuer son métier, il habitait dans un grenier rue du faubourg du Temple, et vendait des petits gateaux avec son boniment habituel. Devenu infirme, il finit ses jours dans un hospice. Françoise-Catherine avait épousé un petit acteur de province. Econome, elle avait réussi à mettre un petit pécule de côté pour ses vieux jours. Mais hélas, son mari, joueur dissipa toutes ses économies.
Malaga épuisée par la misère est morte dans un taudis de la rue aux Ours le 22 septembre 1852, seule et oublié de tous. 
Les deux danseuses tombèrent bientôt dans un oubli total, que cette petite notice va peut-être faire ressortir de l'ombre, la mémoire de celles qui donnèrent tant d'émotions et de plaisirs à nos ancètres.....
a suivre