08/12/2009
Encore un portrait du docteur Gachet !
PAR BENOIT LANDAIS
Avant-dernière eau-forte du docteur Gachet, portrait de Durat, donnée au musée de Montmartre. en 1902.
(Benoit Landais a eu l'amabilité de me donner l'autorisation de publier ses réflexions sur le docteur Gachet en ces termes :
"Bien sûr, s'il vous convient, vous pouvez passer le petit papier, chagriner les amis et les dupes des imposteurs est une nécessité bien plus qu'un plaisir".
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Bernard Vassor a eu l’amabilité de m’adresser copie du Procès Verbal du dîner des Éclectiques du 2 juin 1890, pièce riche d’enseignements qui sommeillait au creux des dives archives du musée de Montmartre.
Le 2 juin 1890 n’est pas tout à fait un jour comme les autres. Ce jour-là, un certain Vincent peignait la mélancolie dans un portrait qui allait devenir cent ans plus tard la toile la plus chère du monde. Le lendemain il détaillait pour son frère : “Je travaille à son portrait la tête avec une casquette blanche, très blonde, très claire, les mains aussi à carnation claire, un frac bleu et un fond bleu cobalt, appuyé sur une table rouge sur laquelle un livre jaune et une plante de digitale à fleurs pourpres.” Vincent avait noté l’homme fâcheux “certes aussi malade et ahuri que toi ou moi” qui rendait les étrangers responsables de la hausse du coût de la vie. Les remarques étaient amicales : “ nous sommes déjà très amis.”
Après avoir posé, Gachet avait pris le train pour dîner avec ses amis Éclectiques. L’un d’eux fut commis au procès-verbal :
“ La tâche qui m’a été imposée est des plus douces pour moi puisque je ne dois parler que de mes chers Collègues en Éclectisme.
Je regrette pourtant d’être obligé en commençant de faire une personnalité.
Notre ami Gachet Président, d’heureuse mémoire, est affecté ; je regrette de le constater quoique le jugement que je porte n’ait pas une grande valeur.
Je disais donc, notre collègue, ancien président Gachet lui médecin, quoique je ne sois pas médecin [que je regrettais?] d’avoir à l’avertir que lui l’homme[et ?] les gants – d’une tenue toujours irréprochable, se laisse aller à une nervosité qui m’inquiète, quoique n’étant pas médecin, je n’ose pas dire que son état est grave, – mais cela peut empirer.
Il se laisse aller à faire des sorties sur ses bons Camarades qu’il traite j’ose le dire, d’une façon parfois trop légère, cela m’inquiète –
Quoique je ne sois pas médecin, mais il est mon ami, c’est un devoir pour moi de l’avertir.
à l’assemblée du dîner du 2 juin 90 on était presque au complet, en dire davantage me paraît superflu. Ne nous connaissons-nous pas tous ?”
Fâcheux docteur assez dérangé pour que des non-médecins jugent opportun de poser diagnostic ! Vincent qui avait d’emblée remarqué un Gachet “assez excentrique” l’avait supposé protégé par son expérience de médecin du “mal nerveux, duquel certes il me paraît attaqué au moins aussi gravement que moi.”. Maintenant qu’il le connaît mieux, il trouve le sexagénaire : “très nerveux et beaucoup bizarre”, cassé et incrimine pour partie ses cinq années de veuvage. Un mois plus tard Vincent ne veut plus entendre parler de l’homéopathe et, rompant, avertit qu’il ne faut “aucunement compter” sur lui.
Afin de disqualifier Vincent, le fils du docteur a raillé le malade jugeant son médecin, mais Vincent – que Gachet déclara cette semaine là deux fois guéri de son épilepsie ! – n’exagérait rien pas plus que l’Èclectique au procès verbal. Gachet allait montrer sa déraison en falsifiant à tour de bras avec la complicité de ses “élèves”. Portraits de Gachet par Vincent ? Deux, le portrait peint et un croquis d’après dans une lettre. Les faux ?* Un portait à l’huile que le Musée d’Orsay abrite et présente indûment comme authentique, il est une copie d’une aquarelle de l’atelier Gachet. Un portrait dessiné que les Gachet avaient caché derrière une glace et qui a récemment fait surface, il est le modèle de l’eau-forte de “L’Homme à la pipe”, vilain bricolage aux dizaines d’exemplaires éparpillées dans les grands musées. L’Èclectique avait tort de ne pas oser dire que “son état est grave”, mais raison de redouter que la chose empire. Ses quelques lignes glanées au hasard des trésors du musée de Montmartre confirment qu’il faut nettoyer les murs de musées où trône l’imposture d’un irascible et rectifier la mémoire du “bon docteur” dont Auvers-sur-Oise vient de célébrer trop bruyamment le centenaire de la mort. La culture reste une mosaïque de petites choses.
* voir l’Affaire Gachet Layeur 1999 & La folie Gachet Impressions Nouvelles, 2009
Présentations vidéos B. Landais
Genèse du portrait du musée d’orsay http://www.vimeo.com/4384120
La disparition des boutons : http://www.vimeo.com/2968878
Le dessin retrouvé et la gravure (français) : http://www.vimeo.com/3032965
Le dessin retrouvé et la gravure (anglais) : http://www.vimeo.com/3032976
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Oui j'ai vu la tendance des villes à vendre. On vend tout aujourd'hui principes et conscience compris, c'est le progrès.
Je soutiens votre résistance. Ce qui serait amusant serait de faire un papier sur votre blog, excellent prétexte pour dire l'importance des archives dans les endroits que la nouvelle barbarie immobilière veut investir
B.L.
Merci monsieur Benoit Landais B.V...
16:30 Publié dans LES PEINTRES INCLASSABLES | Tags : benoit landais, paul gachet, musée montmartre | Lien permanent | Commentaires (0) | | | | Digg