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05/08/2010

LES POESIES DE LAUTREAMONT, QUELQUES REPERES BIBLIOGRAPHIQUES

PAR BERNARD VASSOR

Mise à  jour le 5 août 2010 de l'article du 25 juin 2008 sur ce même blog

D'après une étude de Rémy de Gourmont ;

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Au 7 rue du faubourg Montmartre au pied de l'immeuble, dans la courette, où est mort Lautréamont.
Cette plaque est régulièrement volée..
Isidore Lucien Ducasse, a vu le jour le 4 avril 1846 à Montévidéo. Mort à Paris le 24 novembre 1870.
LES CHANTS DE MALDOROR
Chant premier, Par *****,¨Paris
Imprimerie de Balitout, Questroy et Cie, 7 rue Baillif. Aout 1868, in-8° un peu grand de 32 pages sous couverture vert clair (pris 30 centimes).
Cette édition originale diffère de l'édition complète de Lacroix et Verbokoven**du 15 boulevard Montmartre. Certaines scènes sont typographiées à la manière du théâtre.
Il existe aussi de nombreuses corrections dans le premier chant.

"Les Chants de Maldoror" restés inachevés après le sixième chant. Lautréamont est malade, conscient de sa folie qu'il qualifie lui-même en faisant s'apostropher Maldoror par son énigmatique crapaud :

"Ton esprit est tellement malade qu'il ne s'en aperçoit pas, et que tu crois être dans ton naturel chaque fois qu'il sort de ta bouche des paroles insensées, quoique pleines d'une infernale grandeur"

Sur le point de mourir, il rédige dans un état fiévreux deux volumes de poésies, dont voici les références bibliographiques :

Poésie I :

"Je remplace la mélancolie par le courage, le doute par la certitude, le désespoir par l'espoir, la méchanceté par le bien, les plaintes par le devoir, le scepticisme par la froideur du calme et l'orgueil par la modestie". Paris, journaux politiques et littéraires. Librairie Gabrie, passage Verdeau, 25, 1870, fascicule de 16 pages in-8°, sous une couverture saumon très clair. La couverture porte sous le titre :

Prix 1 franc;

et à la quatrième page :

Avis.

"Cette publication permanente n'a pas de prix. Chaque souscripteur en fixe lui-le montant. Il ne donne du reste que ce qu'il veut. Les personnes qui recevront les deux premières livraisons sont priées de ne pas les refuser, sous quelque prétexte que ce soit."

Paris imprimerie de Balitout Questroy et Cie, 7 rue Baillif.

La deuxième livraison porte au verso de la couverture imprimée :

Envoi, puis au dessous :

Le gérant

I.D*

rue du faubourg Montmartre, 7.

Le fascicule a été déposé au ministère de l'Intérieur dans la semaine du 16 au 23 avril, et le fascicule II, dans la semaine du 18 au 25 juin 1870.

Dédicace :

"A Georges Dazet, Henri Mue, Pedro Zomaran, Louis Durcour, Joseph Bleumenstein, Joseph Durand.

A mes condisciples Lespès, Georges Minvielle, Auguste Delmas; Aux directeurs des revues Alfred Sircos, Frédéric Damé; Aux amis passés présents et futurs; A monsieur Histin, mon ancien professeur de réthorique; sont dédiées une fois pour toute les autres, les prosaïques morceaux que j'écrirai dans la suite des ages, et dont le premier commence à voir le jour d'hui, typographiquement parlant"

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25 PASAGE JOUFFROY

*I.D. Isidore Ducasse bien sûr...

Voici ujne lettre de Ducasse adréssée à son "tuteur", le banquier Darasse chargé par son père de lui verser  une pension mensuelle :

Lettre de Lautréamont à Darasse

22 mai 1869

Monsieur,

C’est hier même que j’ai reçu votre lettre datée du 21 mai  ; c’était la vôtre. Eh bien, sachez que je ne puis pas malheureusement laisser passer ainsi l’occasion de vous exprimer mes excuses. Voici pourquoi : parce que, si vous m’aviez annoncé l’autre jour, dans l’ignorance de ce qui peut arriver de fâcheux aux circonstances où ma personne est placée, que les fonds s’épuisaient, je n’aurais eu garde d’y toucher  ; mais certainement, j’aurais éprouvé autant de joie à ne pas écrire ces trois lettres que vous en auriez éprouvé vous-même à ne pas les lire. Vous avez mis en vigueur le déplorable système de méfiance prescrit par la bizarrerie de mon père  ; mais vous avez deviné que mon mal de tête ne m’empêche pas de considérer avec attention la difficile situation où vous a placé jusqu’ici une feuille de papier à lettre venue de l’Amérique du Sud, dont le principal défaut était le manque de clarté ; car je ne mets pas en ligne de compte la malsonnance de certaines observations mélancoliques qu’on pardonne aisément à un vieillard, et qui m’ont paru, à la première lecture, avoir eu l’air de vous imposer, à l’avenir peut-être, la nécessité de sortir de votre rôle strict de banquier, vis-à-vis d’un monsieur qui vient habiter la capitale…

… Pardon, Monsieur, j’ai une prière à vous faire : si mon père envoyait d’autres fonds avant le 1er septembre, époque à laquelle mon corps fera une apparition devant la porte de votre banque, vous aurez la bonté de me le faire savoir ? Au reste, je suis chez moi à toute heure du jour ; mais vous n’auriez qu’à m’écrire un mot, et il est probable qu’alors je le recevrai presque aussitôt que la demoiselle qui tire le cordon, ou bien avant, si je me rencontre sur le vestibule…

… Et tout cela, je le répète, pour une bagatelle insignifiante de formalité ! Présenter dix ongles secs au lieu de cinq, la belle affaire ; après avoir réfléchi beaucoup, je confesse qu’elle m’a paru remplie d’une notable quantité d’importance nulle.


À Monsieur Darasse

Paris, 12 mars 1870

Monsieur,

Laissez-moi reprendre d’un peu haut. J’ai fait publier un ouvrage de poésies chez M. Lacroix (B. Montmartre, 15). Mais, une fois qu’il fut imprimé , il a refusé de le faire paraître, parce que la vie y était peinte sous des couleurs trop amères, et qu’il craignait le procureur-général. C’était quelque chose dans le genre du Manfred de Byron et du Konrad de Mieçkiewicz, mais, cependant, bien plus terrible. l’édition avait coûté 1 200 f, dont j’avais déjà fourni 400 f. Mais, le tout est tombé dans l’eau. Cela me fit ouvrir les yeux. Je me disais que puisque la poésie du doute (des volumes d’aujourd'hui il ne restera pas 150 pages) en arrive ainsi à un tel point de désespoir morne, et de méchanceté théorique, par conséquent, c’est qu’elle est radicalement fausse ; par cette raison qu’on y discute les principes, et qu’il ne faut pas les discuter : c’est plus qu’injuste. Les gémissements poétiques de ce siècle ne sont que des sophismes hideux. Chanter l’ennui, les douleurs, les tristesses, les mélancolies, la mort, l’ombre, le sombre, etc., c’est ne vouloir, à toute force, regarder que le puéril revers des choses. Lamartine, Hugo, Musset se sont métamorphosés volontairement en femmelettes. Ce sont les Grandes-Têtes-Molles de notre époque. Toujours pleurnicher. Voilà pourquoi j’ai complètement changé de méthode, pour ne chanter exclusivement que l’espoir, l’espérance, le CALME, le bonheur, le DEVOIR.Et c’est ainsi que je renoue avec les Corneille et les Racine la chaîne du bon sens, et du sang-froid, brusquement interrompue depuis les poseurs Voltaire et Jean-Jacques Rousseau. Mon volume ne sera terminé que dans quatre ou cinq mois. Mais, en attendant, je voudrais envoyer à mon père la préface, qui contiendra 60 pages ; chez Al. Lemerre. C’est ainsi qu’il verra que je travaille, et qu’il m’enverra la somme totale du volume à imprimer plus tard.

Je viens, Monsieur, vous demander, si mon père vous a dit que vous me délivrassiez de l’argent, en dehors de la pension, depuis les mois de novembre et de décembre.Et, en ce cas, il aurait fallu 200 f., pour l’impression de la préface, que je pourrais envoyer, ainsi, le 22, à Montevideo. s’il n’avait rien dit, auriez-vous la bonté de me l’écrire ?

J’ai l’honneur de vous saluer. I. Ducasse,

15 rue Vivienne.



Paris, le 9 novembre 1868. 

Monsieur,

Auriez-vous la bonté de faire la critique de cette brochure dans votre estimable journal. Pour des circonstances indépendantes de ma volonté, elle n'avait pu paraitre au mois d'août. Elle parait maintenant a la librairie du Petit Journal, et au passage Européen chez Weil et Bloch. Je dois publier le 2e chant à la fin de ce mois-ci chez Lacroix.    Agréez, Monsieur, mes salutations empressées.

L'Auteur.

 

 



22 mai 1869 

Monsieur,

C'est hier même que j'ai reçu votre lettre datée du 21 mai; c'était la vôtre. Eh bien, sachez que je ne puis pas malheureusement laisser passer ainsi l'occasion de vous exprimer mes excuses. Voici pourquoi: parce que, si vous m'aviez annoncé l'autre jour, dans l'ignorance de ce qui peut arriver de fâcheux aux circonstances où ma personne est placée, que les fonds s'épuisaient, je n'aurais eu garde d'y toucher; mais certainement j'aurais éprouvé autant de joie à ne pas vous écrire ces trois lettres que vous en auriez éprouvé vous-même à ne pas les lire.

Vous avez mis en vigueur le déplorable système de méfiance prescrit vaguement par la bizarrerie de mon père; mais vous avez deviné que mon mal de tête ne m'empêche pas de considérer avec attention la difficile situation où vous a placé jusqu'ici une feuille de papier à lettre venue de l'Amérique du Sud, dont le principal défaut était le manque de clarté; car je ne mets pas en ligne de compte la malsonnance de certaines observations mélancoliques qu'on pardonne aisément à un vieillard, et qui m'ont paru, à la première lecture, avoir eu l'air de vous imposer, à l'avenir, peut-être, la nécessité de sortir de votre rôle strict de banquier, vis-à-vis d'un monsieur qui vient habiter la capitale...

Pardon, monsieur, j'ai une prière à vous faire: si mon père vous envoyait d'autres fonds avant le 1er septembre, époque à laquelle mon corps fera une apparition devant la porte de votre banque, vous aurez la bonté de me le faire savoir? Au reste, je suis chez moi à toute heure du jour; mais vous n'auriez qu'à m'écrire un mot, et il est probable qu'alors je le recevrai presque aussitôt que la demoiselle qui tire le cordon, ou bien avant, si je me rencontre sur le vestibule... Et tout cela, je le répète, pour une bagatelle insignifiante de formalité! Présenter dix ongles secs au lieu de cinq, la belle affaire; après avoir réflechi beaucoup, je confesse qu'elle m'a paru remplie d'une notable quantité d'importance nulle...

[..............] 

Retour

Paris, 23 octobre [1869].--Laissez-moi d'abord vous expliquer ma situation. J'ai chanté le mal comme ont fait Mickiewickz, Byron, Milton, Southey, A. de Musset, Baudelaire, etc. Naturellement, j'ai un peu exagéré le diapason pour faire du nouveau dans le sens de cette littérature sublime qui ne chante le désespoir que pour opprimer le lecteur, et lui faire désirer le bien comme remède. Ainsi donc, c'est toujours le bien qu'on chante en somme, seulement par une méthode plus philosophique et moins naïve que l'ancienne école, dont Victor Hugo et quelques autres sont les seuls représentants qui soient encore vivants. Vendez, je ne vous en empêche pas: que faut-il que je fasse pour cela ? Faites vos conditions. Ce que je voudrais, c'est que le service de la critique soit fait aux principaux lundistes. Eux seuls jugeront en ler et dernier ressort le commencement d'une publication qui ne verra sa fin évidemment que plus tard, lorsque j'aurai vu la mienne. Ainsi donc, la morale de la fin n'est pas encore faite. Et cependant, il y a déjà une immense douleur a chaque page. Est-ce le mal, cela ? Non, certes. Je vous en serai reconnaissant, parce que si la critique en disait du bien, je pourrais dans les éditions suivantes retrancher quelques pièces, trop puissantes. Ainsi donc, ce que je désire avant tout, c'est être jugé par la critique, et, une fois connu, ça ira tout seul. T.A.V.

I. Ducasse

M.I. Ducasse, 
rue du Faubourg-Montmartre, 32. 

 

Lettre à Poulet-Malassis

 

Paris, 27 octobre.[1869].-- J'ai parlé à Lacroix conformément à vos instructions. Il vous écrira nécessairement. Elles sont acceptées, vos propositions: le Que je vous fasse vendeur pour moi, le Quarante pour % et le 13e ex. Puisque les circonstances ont rendu l'ouvrage digne jusqu'à un certain point de figurer avantageusement dans votre catalogue, je crois qu'il peut se vendre un peu plus cher, je n'y vois pas d'inconvénient. Au reste, de ce côté-là, les esprits seront mieux préparés qu'en France pour savourer cette poésie de révolte. Ernest Naville (correspondant de l'lnstitut de France) a fait l'année dernière, en citant les philosophes et les poètes maudits, des conférences sur Le problème du mal, à Genève et à Lausanne, qui ont dû marquer leur trace dans les esprits par un courant insensible qui va de plus en plus s'élargissant. Il les a ensuite réunies en un volume. Je lui enverrai un exemplaire. Dans les éditions suivantes, il pourra parler de moi, car je reprends avec plus de vigueur que mes prédécesseurs cette thèse étrange, et son livre, qui a paru à Paris, chez Cherbuliez le libraire, correspondant de la Suisse Romande et de la Belgique, et à Genève, dans la même librairie, me fera connaître indirectement en France. C'est une affaire de temps. Quand vous m'enverrez les exemplaires, vous m'en ferez parvenir 20, ils suffiront. T.A.V.

I. Ducasse.


 

Au même

 


Paris 21 février 1870 

Monsieur,

Auriez vous la bonté de m'envoyer Le Supplément aux poésies de Baudelalre. Je vous envoie ci-inclus 2 f., le prix, en timbres de la poste. Pourvu que ce soit le plus töt possible, parce que j'en aurais besoin pour un ouvrage dont je parle plus bas. J'ai l'honneur etc.

I. Ducasse,
Faubourg Montmartre, 32

Lacroix a-t-il cédé l'édition ou qu'en a-t-il fait? Ou, l'avez-vous refusée? Il ne m'en a rien dit. Je ne l'ai pas vu depuis lors.--Vous savez, j'ai renié mon passé. Je ne chante plus que l'espoir; mais, pour cela, il faut d'abord attaquer le doute de ce siècle (mélancolies, tristesses, douleurs, désespoirs, hennissements lugubres, méchancetés artificielles, orgueils puérils, malédictions cocasses etc., etc.). Dans un ouvrage que je porterai à Lacroix aux 1ers jours de Mars, je prends à part les plus belles poésies de Lamartine, de Victor Hugo, d'Alfred de Musset, de Byron et de Baudelaire, et je les corrige dans le sens de l'espoir; j'indique comment il aurait fallu faire. J'y corrige en même temps 6 pièces des plus mauvaises de mon sacré bouquin.


 

 


Paris, 12 mars 1870. 

Monsieur,

Laissez-moi reprendre d'un peu haut. J'ai fait publier un ouvrage de poésies chez M. Lacroix (B. Montmartre, 15). Mais une fois qu'il fut imprimé, il a refusé de le faire paraître, parce que la vie y était peinte sous des couleurs trop amères, et qu'il craignait le procureur général. C'était quelque chose dans le genre de Manfred de Byron et du Konrad de Mickiewicz, mais, cependant, bien plus terrible. L'édition avait coûté 1200 f., dont j'avais déjà fourni 400 f. Mais, le tout est tombé dans l'eau. Cela me fit ouvrir les yeux. Je me disais que puisque la poésie du doute (des volumes d'aujourd'hui il ne restera pas 150 pages) en arrive ainsi à un tel point de désespoir morne, et de méchanceté théorique, par conséquent, c'est qu'elle est radicalement fausse; et par cette raison qu'on y discute les principes, et qu'il ne faut pas les discuter: c'est plus qu'injuste. Les gémissements poétiques de ce siècle ne sont que des sophismes hideux. Chanter l'ennui, les douleurs, les tristesses, les mélancolies, la mort, l'ombre, le sombre, etc., c'est ne vouloir, à toute force, regarder que le puéril revers des choses. Lamartine, Hugo, Musset se sont métamorphosés volontairement en femmelettes. Ce sont les Grandes-Têtes-Molles de notre époque. Toujours pleurnicher ! Voilà pourquoi j'ai complètement changé de méthode, pour ne chanter exclusivement que l'espoir, l'espérance, LE CALME, le bonheur, LE DEVOIR. Et c'est ainsi que je renoue avec les Corneille et les Racine la chaîne du bon sens et du sang-froid, brusquement interrompue depuis les poseurs Voltaire et Jean-Jacques Rousseau. Mon volume ne sera terminé que dans 4 ou 5 mois. Mais, en attendant, je voudrais envoyer à mon père la préface, qui contiendra 60 pages, chez Al. Lemerre. C'est ainsi qu'il verra que je travaille, et qu'il m'enverra la somme totale du volume à imprimer plus tard.

Je viens, Monsieur, vous demander si mon père vous a dit que vous me délivrassiez de l'argent, en dehors de la pension, depuis les mois de novembre et de décembre. Et, en ce cas, il m'aurait fallu 200 fr., pour l'impression de la préface, que je pourrais envoyer, ainsi, le 22, à Montevideo. S'il n'avait rien dit, auriez-vous la bonté de me l'écrire? J'ai l'honneur de vous saluer.

I. Ducasse,
15, rue Vivienne

4. Lettre à POULET-MALASSIS (?)

 

Paris, 23 octobre [1869].--Laissez-moi d'abord vous expliquer ma situation. J'ai chanté le mal comme ont fait Mickiewickz, Byron, Milton, Southey, A. de Musset, Baudelaire, etc. Naturellement, j'ai un peu exagéré le diapason pour faire du nouveau dans le sens de cette littérature sublime qui ne chante le désespoir que pour opprimer le lecteur, et lui faire désirer le bien comme remède. Ainsi donc, c'est toujours le bien qu'on chante en somme, seulement par une méthode plus philosophique et moins naïve que l'ancienne école, dont Victor Hugo et quelques autres sont les seuls représentants qui soient encore vivants. Vendez, je ne vous en empêche pas: que faut-il que je fasse pour cela ? Faites vos conditions. Ce que je voudrais, c'est que le service de la critique soit fait aux principaux lundistes. Eux seuls jugeront en ler et dernier ressort le commencement d'une publication qui ne verra sa fin évidemment que plus tard, lorsque j'aurai vu la mienne. Ainsi donc, la morale de la fin n'est pas encore faite. Et cependant, il y a déjà une immense douleur a chaque page. Est-ce le mal, cela ? Non, certes. Je vous en serai reconnaissant, parce que si la critique en disait du bien, je pourrais dans les éditions suivantes retrancher quelques pièces, trop puissantes. Ainsi donc, ce que je désire avant tout, c'est être jugé par la critique, et, une fois connu, ça ira tout seul. T.A.V.

I. Ducasse

M.I. Ducasse, 
rue du Faubourg-Montmartre, 32. 


 

5. Lettre à POULET-MALASSIS (?)

 

Paris, 27 octobre.[1869].-- J'ai parlé à Lacroix conformément à vos instructions. Il vous écrira nécessairement. Elles sont acceptées, vos propositions: le Que je vous fasse vendeur pour moi, le Quarante pour % et le 13e ex. Puisque les circonstances ont rendu l'ouvrage digne jusqu'à un certain point de figurer avantageusement dans votre catalogue, je crois qu'il peut se vendre un peu plus cher, je n'y vois pas d'inconvénient. Au reste, de ce côté-là, les esprits seront mieux préparés qu'en France pour savourer cette poésie de révolte. Ernest Naville (correspondant de l'lnstitut de France) a fait l'année dernière, en citant les philosophes et les poètes maudits, des conférences sur Le problème du mal, à Genève et à Lausanne, qui ont dû marquer leur trace dans les esprits par un courant insensible qui va de plus en plus s'élargissant. Il les a ensuite réunies en un volume. Je lui enverrai un exemplaire. Dans les éditions suivantes, il pourra parler de moi, car je reprends avec plus de vigueur que mes prédécesseurs cette thèse étrange, et son livre, qui a paru à Paris, chez Cherbuliez le libraire, correspondant de la Suisse Romande et de la Belgique, et à Genève, dans la même librairie, me fera connaître indirectement en France. C'est une affaire de temps. Quand vous m'enverrez les exemplaires, vous m'en ferez parvenir 20, ils suffiront. T.A.V.

I. Ducasse.


 

6. Lettre à POULET-MALASSIS

 


Paris 21 février 1870 

Monsieur,

Auriez vous la bonté de m'envoyer Le Supplément aux poésies de Baudelalre. Je vous envoie ci-inclus 2 f., le prix, en timbres de la poste. Pourvu que ce soit le plus töt possible, parce que j'en aurais besoin pour un ouvrage dont je parle plus bas. J'ai l'honneur etc.

I. Ducasse,
Faubourg Montmartre, 32

Lacroix a-t-il cédé l'édition ou qu'en a-t-il fait? Ou, l'avez-vous refusée? Il ne m'en a rien dit. Je ne l'ai pas vu depuis lors.--Vous savez, j'ai renié mon passé. Je ne chante plus que l'espoir; mais, pour cela, il faut d'abord attaquer le doute de ce siècle (mélancolies, tristesses, douleurs, désespoirs, hennissements lugubres, méchancetés artificielles, orgueils puérils, malédictions cocasses etc., etc.). Dans un ouvrage que je porterai à Lacroix aux 1ers jours de Mars, je prends à part les plus belles poésies de Lamartine, de Victor Hugo, d'Alfred de Musset, de Byron et de Baudelaire, et je les corrige dans le sens de l'espoir; j'indique comment il aurait fallu faire. J'y corrige en même temps 6 pièces des plus mauvaises de mon sacré bouquin.

 

7. Lettre à Monsieur DARASSE

 


Paris, 12 mars 1870.  Monsieur,

Laissez-moi reprendre d'un peu haut. J'ai fait publier un ouvrage de poésies chez M. Lacroix (B. Montmartre, 15). Mais une fois qu'il fut imprimé, il a refusé de le faire paraître, parce que la vie y était peinte sous des couleurs trop amères, et qu'il craignait le procureur général. C'était quelque chose dans le genre de Manfred de Byron et du Konrad de Mickiewicz, mais, cependant, bien plus terrible. L'édition avait coûté 1200 f., dont j'avais déjà fourni 400 f. Mais, le tout est tombé dans l'eau. Cela me fit ouvrir les yeux. Je me disais que puisque la poésie du doute (des volumes d'aujourd'hui il ne restera pas 150 pages) en arrive ainsi à un tel point de désespoir morne, et de méchanceté théorique, par conséquent, c'est qu'elle est radicalement fausse; et par cette raison qu'on y discute les principes, et qu'il ne faut pas les discuter: c'est plus qu'injuste. Les gémissements poétiques de ce siècle ne sont que des sophismes hideux. Chanter l'ennui, les douleurs, les tristesses, les mélancolies, la mort, l'ombre, le sombre, etc., c'est ne vouloir, à toute force, regarder que le puéril revers des choses. Lamartine, Hugo, Musset se sont métamorphosés volontairement en femmelettes. Ce sont les Grandes-Têtes-Molles de notre époque. Toujours pleurnicher ! Voilà pourquoi j'ai complètement changé de méthode, pour ne chanter exclusivement que l'espoir, l'espérance, LE CALME, le bonheur, LE DEVOIR. Et c'est ainsi que je renoue avec les Corneille et les Racine la chaîne du bon sens et du sang-froid, brusquement interrompue depuis les poseurs Voltaire et Jean-Jacques Rousseau. Mon volume ne sera terminé que dans 4 ou 5 mois. Mais, en attendant, je voudrais envoyer à mon père la préface, qui contiendra 60 pages, chez Al. Lemerre. C'est ainsi qu'il verra que je travaille, et qu'il m'enverra la somme totale du volume à imprimer plus tard. Je viens, Monsieur, vous demander si mon père vous a dit que vous me délivrassiez de l'argent, en dehors de la pension, depuis les mois de novembre et de décembre. Et, en ce cas, il m'aurait fallu 200 fr., pour l'impression de la préface, que je pourrais envoyer, ainsi, le 22, à Montevideo. S'il n'avait rien dit, auriez-vous la bonté de me l'écrire? J'ai l'honneur de vous saluer.

I. Ducasse,
15, rue Vivienne.

Pour conclure provisoirement : Après sa mort, Isidore fut inhumé au cimetière Montmartre. Comble de malheur, quelques jours après, sa tombe fut pulvérisée par un obus prussien.


**L'éditeur des "Misérables", ayant aussi un pied à Bruxelles. Le roman étant interdit en France.