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03/06/2009

Avant l'AFP :Une forme de journalisme inédite : "Les Nouvelles à la main" dans le salon de madame Doublet de Persan

 Par Bernard Vassor

 
Sur ce plan de 1728, le couvent et les dépendances se trouvaient à l'emplacement où la rue des Filles Saint-Thomas faisait un angle, exactement sur les lieux occupés par la Bourse, et l'AFP aujourd'hui.

Pendant très longtemps, il n’y eut d’autres journaux en France que la Gazette de France, et le Mercuresoumis à une sévère censure pour informer le public. Mais, dans les dépendances du couvent des Filles-Saint-Thomas, une dame Legendre Doublet de Persan, au milieu du 18° siècle tenait une sorte de bureau où se rédigeait un bulletin appelé «Nouvelles à la main», «Correspondance secrète» ou bien "Bulletin de Paris", diffusé sous le manteau à Paris, en province et dans les ambassades. Le ton était très libre, les informations scandaleuses, touchant les plus hauts personnages du royaume étaient répandues. Cet ancêtre du Canard Enchaîné déplut à la cour. Voyer d’Argenson au ministère des affaires étrangères enjoignit à madame Doublet de cesser ses activités. Rien n’y fit, même le roi Louis XV menaça de la faire enfermer dans un couvent. Les appuis dont disposait la dame Legendre de Persan étaient très puissants. Les "conférences" de madame Doublet étaient très fréquentées. Comble de coïncidence, cette dame appartenait à la famille Croizat, le plus gros agioteur de l'époque, l'homme le plus riche de France. Devenue veuve très tôt, elle se retira dans ses appartements, et n'en bougea plus jusqu'à sa mort. Son frère était l'abbé Legendreétait un fieffé libertin, tout comme l'abbé Voisenon.

La «Correspondance à la main» reprit ses activités de plus belle. Le policier Sartine envoya des espions qui l’informaient de la tenue des réunions et de l’identité des participants : des gens de la noblesse, des écrivains en renom, et même des ecclésiastiques. Il y avait parmi les «nouvellistes» un certain Voltaire et les bulletins avaient des correspondants établis en Hollande où l’on comptait des abonnés à Utrecht, Leyde et Amsterdam. Les «bulletinistes» étaient parfois inquiétés et faisaient de fréquents séjours à la Bastille comme Louis-Petit de Bachaumont, co-fondateur du journal et ami de toujours de la dame Legendre. Un certain Blanchard fut condamné à être battu et fustigé au milieu du Pont-neuf, avec deux écriteaux pendus à son cou portant la mention « gazetier à la main » L’abbé Prévost, malgré ses dénégations fut exilé à Marseille. Après la mort de Bachaumont (qui partageait le logement avec madame de Persan) ce fut Pidansat de Mairobert qui reprit la direction des «Nouvelles». Celui-ci, impliqué dans le scandale de «l’affaire du marquis de Brunoy» dont les débauches homosexuelles scandalisaient Paris, se suicida en 1779. Mouffle d'Angerville prit la suite.Les principales têtes de turc des nouvellistes furent Beaumarchais et l’académicien La Harpe.


Un journalisme inventé :

Les rédacteurs, tous bénévoles étaient nombreux et venaient de tous horizons, de la cour, des ambassades, de la noblesse, des écrivains et des philosophes. La maison de madame Doublet ét était appelée "La Paroisse".

Dans un bureau étaient tenus deux registres, l'un contenait des informations jugées plausibles, l'autre des nouvelles peu crédibles. Chaque participant aux réunions "de rédaction" devaient défendre un point de vue sur les deux registres. Bachaumont, l'abbé Voisenon et madame Legendre décidaient en dernier lieu de la publication de ces informations.

Voyons maintenant le domicile de madame Doublet, qui selon Grimm, passa 40 ans sans sortir de chez elle. Avant le percement du prolongement de la rue Vivienne et la construction du Palais Brongnard le couvent des Filles-Saint-Thomas occupait cet emplacement et les dépendances se trouvaient à l’angle actuel de la rue Vivienne et de la rue du Quatre-Septembre…..

A suivre

 

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