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23/12/2006

Le Café de Madrid

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Par Bernard Vassor,

Le dimanche 9 octobre 2005.
Alfred Delvau, le subtil chroniqueur des bons et mauvais lieux de Paris, écrivait : Le café de Madrid est le Procope du XIX° siècle (...) [C’]est le chef-lieu du Landernau, la ville spéciale des potins artistiques et littéraires (tous ces aimables popoteurs du café de Madrid colportent tous les potins, toutes les médisances que chaque matin voit éclore dans leur Landernau. Ce fut d’abord un établissement modeste où les flâneurs venaient se reposer ou se désaltérer, situé entre un marchand de couleurs et la galerie Vibert (et Goupil).
Après le percement du passage Jouffroy, le café va prendre de plus en plus d’importance. Les rédacteurs et ouvriers des journaux voisins vont se retrouver, entre midi et quatre heures, pour refaire le monde. Les habitués de ces réunions, Hebrard gérant du journal Le Temps, Arthur Ranc qui sera un temps maire du IX° arrondissement, le jeune avocat Gambetta, Delescluze du journal Le Réveil, et ses collaborateurs Razoua, Quentin, François Favre manquaient rarement l’heure de l’absinthe. Quand Gambetta était là, il gesticulait et criait comme un possédé lorsqu’un contradicteur soulevait des objections à ses propos. On voyait souvent attablés dans la salle du fond, les frères de Fontvielle, le secrétaire du Figaro et Emile Cardon. Paul Delvau (encore lui) et Alphonse Duchesne s’y retrouvaient en compagnie d’acteurs des "Variétés", Manuel, Albert Brasseur (l’ancêtre de pierre et  Claude).Hector de Callias, le mari alcoolique de Nina de Villard, y rédigeait ses chroniques musicales du Figaro devant un nombre impressionnant de verres vides. Il ne quittait l’endroit que pour se rendre en face au « café de la Porte Montmartre », afin d’en prendre un petit dernier. La terrasse du café était remplie, de onze heures du soir à une heure du matin, d’un essaim de jeunes « belles de nuit » disposées en espalier, attendant en dégustant une glace qu’un galant leur prenne le bras pour les conduire chez Véron sur le trottoir d’en face ou bien chez Bignon (aîné), boulevard des Italiens.  Nous verrons Nina de Callias un peu plus tard faire des discours enflammés en faveur de la Commune de Paris. Charles Monselet y montrait souvent sa mine réjouie corrigeant ses chroniques gastronomiques.  Georges Cavalier, dit «  Pipe en bois »  était toujours entouré des futurs chefs de la Commune, Eudes, le farouche Raoul Rigault et le colonel Razoua que l’on verra après le 18 mars en uniforme, arriver à cheval en compagnie de son estafette à qui il confiait sa monture devant la porte du café, le temps de se désaltérer, et repartir au galop sur le boulevard Montmartre pour se rendre par la rue Drouot à Montmartre où se trouvait le 61° bataillon qu’il commandait.  Les communards apprendront plus tard que le patron du Madrid était un indicateur de police qui fut malgré tout condamné « aux pontons ». Le cabinet à la préfecture dirigé par le très mystérieux commissaire Lombard n’ayant jamais soutenu ses « informateurs », peu de mouchards pourront bénéficier de faveurs ou de sauf-conduits. Ce café a fermé ses portes il y a une quinzaine d’années. La dernière propriétaire du Madrid à qui j’avais été présenté, m’a fait venir après la fermeture pour me montrer comme une relique la chaise de Verlaine !  Razoua.   *C’est Jules Vallès qui lui donna ce surnom. Il devait sa notoriété qui était grande au fait suivant : lors des première représentations d’une pièce des frères Goncourt ( Henriette Marechal), il émaillait les répliques des acteurs de coups de sifflets stridents, ce qui provoquait l’hilarité du public. La pièce fut retirée après une dizaine de représentations.    

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