28/10/2006
Auguste Poulet-Malassis
Paul-Emmanuel-Auguste Poulet-Malassis
Grandeur et décadence d'une dynastie de libraires éditeurs depuis plus de 3 siècles
Par Bernard Vassor
Né le 16 mai 1825, il fit ses études au collège d’Alençon. Issu d’une famille d’imprimeurs- éditeurs depuis 3 siècles, il s’initia très tôt au métier paternel en travaillant à la composition du « Journal d’Alençon » puis de la publication de l’Orne archéologique et pittoresque.
En 1847, il se rend à Paris, fréquente les bouquinistes de la place du Carrousel, achète des éditions originales bon marché dans les boites, les fait relier , pour se constituer une somptueuse bibliothèque qui sera dispersée de 1860 à 1868 pour cause de dettes criardes…En 1848 il fonde avec Alfred Delvau un éphémère brulot : « l’Aimable faubourien, Journal de la Canaille »après sa condamnation pour participation aux émeutes de juin, protégé par un ami le peintre Oudinot et le député de l’Orne Druet de Vaux il est réintégré à l’école des Chartres jusqu’en 1851.
Ses relations avec Baudelaire semblent dater de 1853, "Poulet" avait publié un article à propos d'une traduction d'Edgard Poe par le futur auteur des "Fleurs" dans le Journal d’Alençon le 9 janvier 1853. Une lettre de Baudelaire en réponse à cet article témoigne du début de leurs relations. A cette époque,, il édita une édition clandestine à Alençon du : H.B.par un des quarante de Mérimée.
Surnommé Coco Malperché par Baudelaire, Théophile Gautier lui préférait le latin : Pullus gallinaceus, male sedens….
Arrivé à Paris, il fréquenta la bohème, habitué de "la Brasserie" il côtoyait des écrivains débutants ou confirmés comme Murger, Schanne, Monselet, ................................................................
Sa grande audace, fut d'établir à des prix modiques des volumes irréprochables par leur papier, leur format, entre l'in-12 et l'in-8. Il remet également à l'honneur les frontispices gravés à l'eau-forte.
1857
le 4 février, Baudelaire lui fait remettre le manuscrit des Fleurs du Mal à Alençon.
Adresses de 1857 à 1862 : 4 rue de Buci, 9 rue des Beaux-Arts, 97 rue de Richelieu ou 36 passage Mirès (des Princes)
Les ouvrages sont imprimés à Alençon.
Auguste Poulet-Malassis et de Broise (son beau-frère) s'installent au 4 rue de Buci, où le 25 juin le livre tiré à 1300 exemplaires est mis en vente au prix de 3 francs. Le 5 juillet, le Figaro commence une campagne contre Baudelaire et suggère des poursuites contre le recueil de poèmes : "Rien ne peut justifier un homme de plus de trente ans d'avoir donné la publicité du livre à de semblables monstruosités"
Le 16 juillet, le parquet, influencé par le Figaro (c'est un certain Gustave Bourdin rédacteur en chef (1820-1870)dénonce dans un article le 5 juillet 1857, la parution des Fleurs du Mal :"il y a des moments où l'on doute de l'état mental de M.Baudelaire, il y a des moments où l'on ne doute plus; c'est la plupart du temps, la répétition monotone et préméditée des mêmes choses, des mêmes pensées. L'odieux y coudoie l'ignoble, le repoussant s'y allie à l'infect...Ce livre est un hôpital ouvert à toutes les démences de l'esprit". fait saisir "les Fleurs du Mal" et engage des poursuites contre l'éditeur Poulet-Malassis et de Broise, et l'écrivain. Le 20 août, le procureur Ernest Pinard obtient la condamnation de Baudelaire à 300 francs d'amende, Poulet et de Broise à 100 francs chacuns, et ordonne la suppression de dix poèmes.
Le procès ne fut révisé que le 27 août 1857
Le 30 août, Victor Hugo, de Guernesey témoigne son soutien à Baudelaire : "Vos Fleurs rayonnent et éblouissent comme des étoiles, Une des rares décorations que le régime actuel peut vous accorder, vous venez de la recevoir. La Justice vous condamne au nom de ce qu'il appelle sa morale; c'est une couronne de plus".
La même année, Les frères Goncourt font publier chez Poulet : Sophie Arnould, d'après sa correspondance et ses mémoires inédits Poulet-Malassis 1857 in-12 203 p, une seconde édition suivra en 1861
1858 Baudelaire et Poulet-Malassis endettés, s'échangent des traites de complaisance.
1859 Séjour de Jeanne Duval à la "maison Dubois"?, Poulet édite en plaquette l'étude de Baudelaire sur Théophile Gautier.
1860 Baudelaire et Poulet passent un contrat pour 4 ouvrages. En mai, publication des Paradis artificiels
1861 seconde édition, Poulet-Malassis et de Broise éditeurs ont déménagé au 36 passage Mirès(passage des Princes)
Jeanne Duval victime d'une attaque d'hémiplégie, fait un séjour à l'hospice Dubois
1862
le 12 novembre, Poulet est enfermé à la prison pour dettes de Clichy ( construite en 1833 à l'emplacement de l'actuelle rue du Cardinal Mercier)
à la demande de ses créanciers. Ensuite, il est transféré à la maison d'arrêt (où les conditions de détention sont beaucoup plus pénibles) des Madelonnettes (ancien couvent), rue des Fontaines du Temple, qui borderait aujourd'hui la rue Volta, jusqu'à la rue du Vertbois, la rue Turbigo traverse son emplacement. Cette prison pour femmes à l'origine devint une maison d'arrêt pour homme en 1836, démolie en 1868, elle fut remplacée par la prison de la Santé.
1863 après 5 mois de prison, le 22 avril Poulet-Mallassis est condamné à une peine "afflictive" (?) En septembre, il se réfugie à Bruxelles où il retrouve son ami Paul Delvau. Celui-ci lui confie l'idée du Parnasse Satyrique du XIX° siècle, qu'ils mettront en oeuvre avec l'aide d'un autre libraire Belge courageux, Jules Gay qui assumait les périls financiers et judiciaires de cette publication.
1864 oubliant toute fierté, Baudelaire donne au Figaro la publication du Spleen de Paris les 7 et 14 février. En guise de remerciements, Villemessant interrompt la publication après avoir inséré six poèmes seulement, au prétexte que "ses poèmes en prose ennuyaient tout le monde" . En avril Baudelaire rejoint Malassis à Bruxelles, le 23 juin les éditeurs Lacroix et Verbokoven refusent les manuscrits de Baudelaire.
Malassis," le seul être dont le rire ait allégé sa tristesse en Belgique "avait écrit Baudelaire au bas d'une photographie
1865 La seule personne que Baudelaire a plaisir à rencontrer à Bruxelles, est Malassis qui demeure rue de Mircelis à Ixelles.
1867 31 août mort de Baudelaire
1870 Nadar rencontre Jeanne Duval sur les boulevards, elle se traine avec des béquilles.
1871 "Il revient à Paris respirer l'air de la Commune, et s'installe au deuxième étage d'une maison neuve rue Mazarine."
Plus tard, il déménage rue de Grenelle( à laquelle est adossée la fontaine de Bouchardon qui avait été habitée par Musset)
16 août 1871, un des juges qui avait condamné les auteurs et éditeurs des Fleurs, devenu président de la 9° chambre un certain Delesvaux est tyrouvé mort d'une balle dans la tête à son domicile rue d'Amsterdam.
L'histoire de cette maison ne se limite pas aux Fleurs du Mal, la bibliographie ne se limite pas aux quelques ouvrages de Théophile Gautier, Banville, Monselet Champfleury, ses voisins de table à la Brasserie des Martyrs : lPOULET-Malassis_bibliographie_raisonnee.pdf
--Théâtre érotique de la rue de la Santé : (bibliothèque de Lisieux)
M. Amédée Rolland que les récents succès des Vacances du Docteur et de l'Usurier de Village avaient mis en vue, demeurait alors dans une sorte de ville de province enclavée, au fond des Batignolles, entre les fortifications et les premières maisons de Clichy-la-Garenne. Sa maison avait pour locataires M. Jean Duboys, l'auteur de la Volonté et des Femmes de Province, M. Edmond Wittersheim, et M. Camille Weinschenck, un voyageur revenu du Japon, et que la difficulté de son nom qui se brait, se miaule, ou s'aboie peut-être, mais ne se prononce pas, faisait appeler, simplement, (...)
A la suite d'un déjeuner où était invité M. Lemercier de Neuville (Lemerdier, dans l'intimité), on émit le projet d'appliquer l'idée de M. Duranty à un théâtre libre, où la fantaisie se donnerait carrière, et qui servirait de prétexte à réunir dans un souper semi-mensuel une vingtaine de gens d'esprit, éparpillés aux vingt coins de Paris.
Le projet eût été un simple propos d'après boire, sans M. Lemercier de Neuville, sorte de maître Jacques, apte à plus de choses que l'ancien, qui trouva immédiatement le moyen de faire une réalité d'une idée en l'air ; - et le 27 mai 1862, un public - -très particulier - était convié d'assister à l'inauguration solennelle de l'Erotikon Theatron.
IV
Ce théâtre était installé dans une salle vitrée, antichambre de la maison.
M. Lemercier de Neuville en fut à la fois l'architecte, le maçon, le peintre, le machiniste et le directeur. Le privilège lui en fut, bien entendu, solennellement concédé (*).
Au-dessus de la porte d'entrée, on lisait cette maxime, empruntée à la sagesse de Joseph Prudhomme :
SANS ORDRE ON N'ARRIVE A RIEN.
Chaque pièce avait donc une appellation particulière, qui se justifiait.
Sur la porte des lieux, on lisait :
PARLEZ A PONSON.
On finit par dire : « Je vais chez Ponson » pour : « Je vais aux lieux. »
Le domestique de la maison se composait de deux femmes : Tronquette, sorte de négresse blanche, longtemps au service de Titine, personne de moeurs légères, qui a fait les beaux jours du café du Rat mort, après avoir fait ceux de M. Amédée Rolland, et de quelques autres gens de lettres. Tronquette était chargée de faire les lits de ces messieurs, mais son occupation essentielle consistait à ne jamais se laver les mains ni la figure. M. Auguste de Châtillon lui demanda un jour si elle se lavait autre chose ; Tronquette lui répondit : « Venez-Y voir ! »
La vertu de Tronquette se manifestait en ce moment sous la forme d'un manche à balai, qu'elle brandissait sur la tête, la vraie tête , de ce poète immoral, mais convaincu. Chaque chose, chaque animal du jardin avait un nom particulier, destiné à illusionner les étrangers sur sa nature et son origine :(...)
VII
Aujourd'hui, de ce théâtre, il ne reste rien, qu'un souvenir de gaîté et de folie.
Des bourgeois (détournez votre face) se sont installés dans la maison de la rue de la Santé ; - les fresques sont couvertes d'un lait de chaux ; - et les auteurs des bouffonneries gaillardes qu'on va lire se livrent à la composition d'ouvrages sérieux, afin de mériter la peine d'Académie à perpétuité.
L'illustre BRISACIER.
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Curieuse coïncidence, en juin 1848, arrêté le fusil à la main derrière une barricade pendant les émeutes de juin, il fut conduit au fort d’Ivry, et condamné à la réclusion aux pontons de Brest. Le père Tanguy, arrêté le fusil à la main le 23 mai 1871, dans les rangs des communards, conduit à la cour prévôtale de Montmartre, emprisonné à Versailles Chantiers, il est condamné à la réclusion sur un ponton à Brest Tous deux joueront un rôle éminent dans l'évolution de la littérature pour Poulet-Malassis, grand érudit, fin lettré, et dans la peinture moderne pour le Père Tanguy, presque illettré....
Familier de "l'abbaye de Clichy" il y fit plusieurs villégiatures et eut l'honneur de figurer dans "le livre des recors".
Gérard de Contades (comte de) Portraits et fantaisies Paris 1887
A suivre.......
10:10 Publié dans La bohème littéraire | Lien permanent | Commentaires (2) | | | | Digg
Commentaires
Permettez-vous que je cite un de vos articles sur "la bohème littéraire" dans mes catégories "bohème" et Nerval"?
Écrit par : laura | 24/02/2007
Bien sûr chère Laura, je suis très fier de figurer sur votre superbe site.
Cordialement
Bernard Vassor
Écrit par : Bernard Vassor | 24/02/2007
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