14/10/2006
Orllie-Antoine Ier de Tounens roi d'Araucanie et de Patagonie
Un récit d'Alfred Delvau :
DELVAU_Tounens_les_Lions_du_jour_1867.pdf
C'est la lecture du poème épique La Araucana du conquistador Alonso de Ercilla (traduit par Voltaire) qui révèlera à Tounens son royal destin. Ce poème fut écrit à la gloire des Mapuches (rebaptisés araucans par les espagnols), peuple fier et insoumis qui a repoussé les incas au XV° siècle, réussi à contenir les assauts des envahisseurs espagnols du XVI° au XIX° siècle, avant de s'incliner face à l'armée de la nouvelle République du Chili. Les Mapuches vivaient en clans épars, ne se réunissant sous l'autorité d'un chef, le Toqui, qu'en période de conflit. Dans l'esprit de Tounens, il ne manque à ce peuple qu'un souverain; seul contre tous, il se fera donc fort d'aller se faire élire Roi de Patagonie et d'Araucanie par ses futurs sujets. En 1857, Tounens vend sa charge d'avoué. L'année suivante, il s'embarque pour le Chili avec un pécule de 25000 francs et débarque à Coquimbo (port de La Serena à 400 km au nord de Santiago) le 28 août 1858. Là il entreprend la rédaction de la Constitution de son futur Royaume. Ce n'est qu'en 1860 qu'il foulera la terre araucane, au moment même où l'armée chilienne est sur le point de réduire la résistance mapuche. C'est probablement à ce moment qu'Orélie-Antoine de Tounens entre dans l'Histoire, favorisé par un concours de circonstances où le mythe vient au secours de la réalité. Ce mythe que l'on retrouve du Mexique au sud du Chili, c'est celui du retour du "sauveur", qui se présente sous les traits d'un homme blanc barbu. Au Mexique, le conquistador Hernán Cortés utilisera habilement la prophétie pour soumettre l'empire aztèque de Moctezuma. Au Chili, Tounens s'enfoncera dans la brèche que lui ouvre le cacique (chef de clan) Quillapán, qui le présente à ses frères comme le sauveur qui marchera à leur tête pour repousser l'envahisseur. Après un discours enflammé sur les bienfaits de la monarchie, Tounens s'intronise Roi de Patagonie et d'Araucanie, avec l'assentiment du parterre mapuche. Il signe dans la foulée le décret d'application de la Constitution, nomme des ministres (fantoches pour la plupart), annexe les territoires compris entre le 42° sud et le Cap Horn et assome ses sujets de promesses sur la grandeur future de leur nouveau royaume. En fait de promesses, les mapuches attendaient surtout des armes et un chef capable de les mener à la victoire. Fort de ce premier succès, Orélie-Antoine 1er endosse alors les vestes de chef de la diplomatie, ministre de l'économie et chargé des relations publiques. De Valparaíso, il annonce son récent avènement aux organes de presse du Chili, de l'Argentine et de sa région natale. Il sollicite même le soutien de la France pour financer le développement de l'exploitation minière et agricole, ainsi que pour ouvrir une ligne de vapeurs entre Bordeaux et l'Araucanie. Ses démarches ne susciteront que des commentaires sarcastiques. Quelques mois plus tard, Tounens regagne ses terres. Les finances royales sont exsangues, les manoeuvres diplomatiques n'ont abouti à rien, mais Tounens trouve toutefois l'énergie pour rassembler ses troupes. Manifestement, il sait trouver les mots pour galvaniser ses guerriers, à tel point que les autorités chiliennes commencent à prendre ombrage des gesticulations du trublion français. Le 5 janvier 1862, Orélie-Anotine 1er est enlevé puis incarcéré à Los Angeles, capitale de la dernière province enlevée aux mapuches. Dans un premier temps il est condamné à mort comme un simple criminel; sa peine sera commuée en emprisonnement à perpétuité pour folie. Enfermé plus de neuf mois dans son cachot, il tombera gravement malade et perdra sa chevelure de "sauveur";, mais il trouvera le temps de rédiger l'ordre de succession au trône. Sur l'intervention de
L'Histoire du Royaume de Patagonie et d'Araucanie, c'est l'histoire peu ordinaire d'un homme dont les exégètes ont encore bien du mal à cerner la personnalité; illuminé, rêveur, mégalomane ou ambitieux arriviste ? Orélie-Antoine de Tounens, huitième enfant d'une famille de fermiers, est né le 12 mai 1825 à Tourtoirac. Après avoir suivi des études de droit, il fait l'acquisition d'une charge d'avoué à Périgueux en 1851. Très tôt il nourrit l'illusion de son appartenance à la classe nobiliaire; qu'à cela ne tienne, il obtiendra de la Cour Impériale de Bordeaux le droit de faire précéder son patronyme d'une particule. Il nourrit également des ambitions que sa profession ne suffit plus à contenter. C'est la lecture du poème épique La Araucana du conquistador Alonso de Ercilla (traduit par Voltaire) qui révèlera à Tounens son royal destin. Ce poème fut écrit à la gloire des Mapuches (rebaptisés araucans par les espagnols), peuple fier et insoumis qui a repoussé les incas au XV° siècle, réussi à contenir les assauts des envahisseurs espagnols du XVI° au XIX° siècle, avant de s'incliner face à l'armée de la nouvelle République du Chili. Les mapuches vivaient en clans éparses, ne se réunissant sous l'autorité d'un chef, le Toqui, qu'en période de conflit. Dans l'esprit de Tounens, il ne manque à ce peuple qu'un souverain; seul contre tous, il se fera donc fort d'aller se faire élire Roi de Patagonie et d'Araucanie par ses futurs sujets. En 1857, Tounens vend sa charge d'avoué. L'année suivante, il s'embarque pour le Chili avec un pécule de 25000 francs et débarque à Coquimbo (port de La Serena à 400 km au nord de Santiago) le 28 août 1858. Là il entreprend la rédaction de la Constitution de son futur Royaume. Ce n'est qu'en 1860 qu'il foulera la terre araucane, au moment même où l'armée chilienne est sur le point de réduire la résistance Mapuche. C'est probablement à ce moment qu'Orélie-Antoine de Tounens entre dans l'Histoire, favorisé par un concours de circonstances où le mythe vient au secours de la réalité. Ce mythe que l'on retrouve du Mexique au sud du Chili, c'est celui du retour du "sauveur", qui se présente sous les traits d'un homme blanc barbu. Au Mexique, le conquistador Hernán Cortés utilisera habilement la prophétie pour soumettre l'empire aztèque de Moctezuma. Au Chili, Tounens s'enfoncera dans la brèche que lui ouvre le cacique (chef de clan) Quillapán, qui le présente à ses frères comme le sauveur qui marchera à leur tête pour repousser l'envahisseur. Après un discours enflammé sur les bienfaits de la monarchie, Tounens s'intronise Roi de Patagonie et d'Araucanie, avec l'assentiment du parterre mapuche. Il signe dans la foulée le décret d'application de la Constitution, nomme des ministres (fantoches pour la plupart), annexe les territoires compris entre le 42° sud et le Cap Horn et assome ses sujets de promesses sur la grandeur future de leur nouveau royaume. En fait de promesses, les mapuches attendaient surtout des armes et un chef capable de les mener à la victoire. Fort de ce premier succès, Orélie-Antoine 1er endosse alors les vestes de chef de la diplomatie, ministre de l'économie et chargé des relations publiques. De Valparaíso, il annonce son récent avènement aux organes de presse du Chili, de l'Argentine et de sa région natale. Il sollicite même le soutien de la France pour financer le développement de l'exploitation minière et agricole, ainsi que pour ouvrir une ligne de vapeurs entre Bordeaux et l'Araucanie. Ses démarches ne susciteront que des commentaires sarcastiques. Quelques mois plus tard, Tounens regagne ses terres. Les finances royales sont exsangues, les manoeuvres diplomatiques n'ont abouti à rien, mais Tounens trouve toutefois l'énergie pour rassembler ses troupes. Manifestement, il sait trouver les mots pour galvaniser ses guerriers, à tel point que les autorités chiliennes commencent à prendre ombrage des gesticulations du trublion français. Le 5 janvier 1862, Orélie-Anotine 1er est enlevé puis incarcéré à Los Angeles, capitale de la dernière province enlevée aux mapuches. Dans un premier temps il est condamné à mort comme un simple criminel; sa peine sera commuée en emprisonnement à perpétuité pour folie. Enfermé plus de neuf mois dans son cachot, il tombera gravement malade et perdra sa chevelure de "sauveur";, mais il trouvera le temps de rédiger l'ordre de succession au trône. Sur l'intervention de Cazotte, Consul Général de France au Chili, Tounens est libéré (non sans avoir été contraint de renoncer au trône) puis rapatrié en France en octobre 1862. En exil à Paris, le roi déchu lance une souscription nationale afin de restaurer la monarchie arauco-patagone et "d'apporter la prépondérance de la France dans cette partie de l'Amérique du sud"; l'appel restera sans écho. Une fois encore, c'est une famille de fermiers Périgourdins, sa famille, qui sera un peu malgré elle le bailleur de fonds exclusif du Royaume de Patagonie et d'Araucanie. Orélie-Antoine 1er retrouve son territoire en 1871. Après avoir traversé la steppe patagonique, été torturé et retenu prisonnier par les Tehuelches (ses sujets), il est reconnu par les araucans. Mais il n'est pas sauf pour autant; les Mapuches lui rappellent qu'ils n'ont toujours pas les armes qui les aideront à lutter efficacement contre l'ennemi chilien et le menacent de mort s'il ne tient pas ses engagements. Tounens leur annonce qu'un navire de guerre français chargé d'armes et de munitions, le d'Entrecastaux, les attend sur la côte Pacifique. Cette petite "pirouette" lui donne quelques jours de répit, au bout desquels il doit précipitamment quitter son royaume; il rentre en France via Buenos Aires en 1871. Le d'Entrecastaux croisait bien dans les eaux araucanes, mais pour un tout autre motif que celui d'alimenter la guérilla mapuche! Le Roi essaiera de regagner son royaume à plusieurs reprises. En 1874, il débarque à Buenos Aires sous une fausse identité. Il est malgré tout reconnu par un colonel argentin qui l'avait rencontré en 1871. Après un courte période d'emprisonnement, il est renvoyé en France sur l'intervention de l'Ambassade de France à Buenos Aires. En 1876, sa dernière tentative de retour faillit lui coûter la vie. Rongé par la pauvreté et de graves problèmes de santé, il est laissé pour mort sur un trottoir de Buenos Aires; il sera recueilli puis opéré sur place avant d'être rapatrié en France, pour la dernière fois. Affaibli physiquement, meurtri dans l'âme, il se retire à Tourtoirac chez son neveu Jean, seul parent qui ne lui en veuille pas d'avoir ruiné la famille. Le roi s'éteint le 17 septembre 1877 (sic). Lui succèderont au trône Gustave Achille Laviarde (Achille 1er), le docteur Antoine Cros (Antoine II), sa fille et son petit fils, pétainiste emprisonné après la seconde guerre mondiale. L'actuel souverain est un certain Philippe Boiry, Prince de Patagonie et d'Araucanie... |
,*Le petit cimetière du village de Tourtoirac reçoit régulièrement la visite d'étranges pèlerins ... Des fleurs bleues, blanches et vertes sont souvent déposées sur une tombe qu'il faut savoir "dénicher", ornée d'une couronne royale et dont l'épitaphe, de plus en plus difficile à lire, est seule à rappeler qu'Antoine de Tounens, décédé à Tourtoirac le 17 septembre 1878 portait le nom d'Orllie ou d'Orélie-Antoine 1er et le titre de Roi d'Araucanie et de Patagonie, (les deux orthographes sont attestées)
Dans le roman de Catulle Mendès, La Maison de la Vieille, Antoine de Tounens apparaît sous le nom d'Anastase Ier
Voici ce qu'écrit Bruce Chatwin dans En Patagonie :
L'histoire récente du royaume d'Araucanie et de Patagonie appartient plus aux obsessions de la France bourgeoise qu'à la politique sud-américaine. À défaut d'un successeur dans la famille Tounens [Orélie-Antoine a fini comme allumeur de réverbères], c'est un certain Achille Laviarde qui régna sous le nom d'Achille Ier. Il était natif de Reims où sa mère tenait une laverie appelée localement « Le Château des Grenouilles Vertes ». Il était bonapartiste, franc-maçon, actionnaire de Moët et Chandon, expert en ballons de protection contre les raids aériens (dont il avait un peu l'apparence) et connaissait Verlaine. Il finançait ses réceptions avec les bénéfices de son entreprise commerciale, la Société Royale de la Constellation du Sud. Il laissa toujours sa cour à Paris, mais il ouvrit des consulats dans l'île Maurice, à Haïti, au Nicaragua et à Port-Vendres. Lorsqu'il fit des ouvertures au Vatican, un prélat chilien lança : «Ce royaume n'existe que dans l'esprit d'imbéciles avinés. »
Ce roi de Patagonie a croisé d'autres poètes. C'est le frère, puis la nièce et le petit-neveu de Charles Cros qui succéderont à Achille Ier. Il est fort probable aussi que Rimbaud a visé ce personnage dans sa lettre à Izambard lorsqu'il évoque les bourgeois qui font du patrouillotisme aux portes de Mézières car le bonhomme s'était précipité pour apporter son aide aux malheureux qui n'étaient pas même assiégés.
- Orllie-Antoine I [1825-1878], fondateur du Royaume d'Araucanie et de Patagonie.
- Achille I (Laviarde) [1841-1902], deuxième souverain d'Araucanie et de Patagonie.
- Antoine II (Cros, frère de Charles et Henry)[1833-1903], troisième souverain d'Araucanie et de Patagonie.
- Laure-Therese I (nièce d'Antoine Cros )[1856-1916], quatrième souveraine d'Araucanie et de Patagonie.
- Antoine III [1880-1952], cinquième souverain d'Araucanie et de Patagonie.
- Prince Philippe d'Araucanie et de Patagonie. [b.1927], sixième souverain et actuellement à tête de la Maison Royale d'Araucanie et de Patagonie.
- Prince Philippe and Princesse Elisabeth à La Chèze.
Princesse Dominique d'Araucanie et de Patagonie [1927-1978], première épouse du Prince Philippe
Sources :
*Catulle Mendès La Maison de la Vieille préface et notes de J.J.Lefrère, Michaël Pakenham, Jean-Dider Wagneur, éditions Champvallon, 2000
Léo Magne, L'extraordinaire aventure d'Antoine Tounens, gentilhomme périgourdin, avoué, conquistador, roi d'Araucanie-Patagonie, éditions Latino-américaines, 1950
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